Skip Navigation
«Décoloniser» le système scolaire francophone : un travail de longue haleine

«Décoloniser» le système scolaire francophone : un travail de longue haleine

Partout au Canada, des conseils scolaires et des établissements postsecondaires francophones s’engagent sur le chemin de la réconciliation avec les peuples autochtones, en intégrant leurs connaissances dans les curriculums ou en multipliant les échanges. Mais ces efforts de rapprochement se heurtent parfois à certains obstacles.

«C’est plus qu’un bricolage en salle de classe, on est sur le territoire des Premières Nations, on doit faire valoir la façon dont elles voient l’éducation», affirme la directrice de la réconciliation et de l’éducation autochtone au sein du Conseil scolaire francophone (CSF) de la Colombie-Britannique, Bonnie Lépine Antoine.

La responsable parle de «décoloniser» le système scolaire : «On n’y arrivera jamais totalement, mais on doit travailler ensemble pour apprendre à mieux se connaitre.»

En Ontario, les perspectives et les connaissances autochtones doivent aussi se refléter dans les curriculums.

Dans le nord de la province, le Conseil scolaire catholique de district des Grandes Rivières (CSCDGR), situé sur le territoire de 11 Premières Nations, a récemment mis sur pied un cours de français consacré aux auteurs et poètes autochtones pour les 11e années.

Tous les élèves, dont un peu plus de 8 % se sont auto-identifiés d’ascendance autochtone, rencontrent régulièrement des membres des Premières Nations. Chaque école adopte un plan d’engagement annuel envers la réconciliation.

«Nous voulons faire connaitre la culture et l’histoire autochtones pour changer les perceptions et favoriser une meilleure compréhension interculturelle», insiste la responsable du dossier des Premières Nations, des Métis et des Inuit au CSCDGR, Angèle Beaudry.

À lire aussi : Décoloniser l’histoire de l’Afrique

Des savoirs autochtones en maths et en sciences

En Colombie-Britannique (C.-B.), la loi oblige carrément les établissements scolaires à nouer des relations avec les communautés autochtones locales. Les 48 écoles francophones travaillent ainsi main dans la main avec 46 Premières Nations dans la province.

«Nos liens grandissent d’année en année, nous collaborons de plus en plus sur le plan culturel et artistique, des délégations autochtones viennent dans nos écoles pour partager leurs savoirs traditionnels», assure Bonnie Lépine Antoine, Wendat du côté de sa mère et métisse du côté de son père.

Chaque jour, le personnel enseignant du CSF procède à une reconnaissance des territoires traditionnels non cédés. Certaines écoles ont été rebaptisées selon des noms autochtones. Lors des cérémonies, l’hymne national Ô Canada est toujours précédé d’une chanson de bienvenue dans la langue autochtone de la communauté la plus proche.

Les conseils d’éducation autochtone, composés de membres de Premières Nations locales, disposent également d’un droit de véto sur toutes les décisions qui concernent de près ou de loin les écoles et leur fonctionnement.

À Ottawa, le président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Simon Cloutier, note qu’il y a eu dans la dernière décennie, «de gros progrès dans l’enseignement de l’histoire autochtone» d’un bout à l’autre du pays.

Les appels à l’action 62 et 63 de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada mentionnent d’ailleurs spécifiquement l’importance de l’éducation.

À lire aussi : L’essor de la littérature autochtone en francophonie minoritaire

Revitaliser des langues en déclin

 «Ça ne se limite pas aux cours d’histoire, les perspectives autochtones imprègnent tous nos programmes d’études», souligne Bonnie Lépine Antoine en C.-B.

Le CSF a ainsi élaboré des guides pédagogiques à destination des enseignants pour les aider à inclure les connaissances des Premiers Peuples, que ce soit dans leurs cours de sciences ou de mathématiques.

«C’est un défi de trouver des ressources en français, on a dû en créer avec des communautés autochtones anglophones en recourant à des traducteurs», précise la responsable.

Au niveau de l’enseignement postsecondaire, le Collège nordique francophone, dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), s’est lui aussi engagé sur le chemin de la réconciliation. Depuis 2016, trois professeures donnent des cours de tłı̨chǫ yatıı̀, une langue athapascane parlée par les Tłı̨chǫ. La première année, 16 étudiants étaient inscrits, ils sont aujourd’hui près de 300.

En 2023, le Collège a signé une entente avec le Gouvernement Tłı̨chǫ qui a permis d’offrir des cours gratuits à certaines communautés éloignées. «Il y a un intérêt croissant, car ces initiatives contribuent à la revitalisation des langues», observe la directrice de la formation et de l’enseignement au Collège nordique, Rosie Benning.

Au Nouveau-Brunswick, l’Université de Moncton a, elle, adopté un plan d’action autochtone jusqu’en 2028. Shayne Michael Thériault, de la Première Nation malécite du Madawaska, appuie par ailleurs la cinquantaine d’étudiants qui s’auto-identifient autochtones. «Je leur offre des repères, un cadre de référence pour leur permettre de pleinement développer leur identité.»

À lire aussi : Langues autochtones et réconciliation : «Qui fait le travail?»

Combat pour la langue, source de «divisions»

Cependant, les efforts de rapprochement entrepris par les acteurs de l’éducation ne sont pas toujours couronnés de succès.

«C’est complexe, on essaie de se rapprocher sans nuire ni déranger, mais on n’a pas toujours de retours. On se demande souvent si on doit insister ou non», rapporte Simon Cloutier, qui évoque notamment les tentatives de rapprochement infructueuses avec l’Assemblée des Premières Nations (APN).

Le président de la FNCSF se dit conscient des «autres besoins plus pressants» des Premières Nations : «C’est parfaitement compréhensible que nous ne soyons pas au sommet de leur priorité, mais comme eux, nous nous battons pour garder notre langue et notre culture, nous pourrions travailler ensemble sur ces questions.»

Pour Bonnie Lépine Antoine, ce combat pour la langue reste, au contraire, source d’«incompréhensions et de divisions» entre Autochtones et francophones en situation minoritaire.

«Les Premières Nations se battent pour leurs droits et ont parfois l’impression que les francophones veulent garder toutes les ressources pour leur cause, il faut souvent replacer les choses.»

«Il faut encore briser les stéréotypes selon lesquels parce qu’on est francophone, on n’est pas un vrai Autochtone», ajoute Shayne Michael Thériault.

Aux yeux de Rosie Benning, les «traumatismes intergénérationnels» peuvent expliquer la réticence de certains Autochtones à tisser des liens plus approfondis : «Pour construire des relations de confiance durables, on doit d’abord être dans l’écoute.»

«On ne doit pas non plus épuiser les communautés autochtones dont les connaissances sont de plus en plus sollicitées», renchérit Angèle Beaudry.

Dans l’Ouest, Bonnie Lépine Antoine considère que la francophonie «de plus en plus plurielle» constitue une chance pour avancer sur la voie de la réconciliation : «Les nouveaux arrivants ont peut-être moins de biais inconscients, une autre façon de voir les choses qui peut nous aider à progresser.»

Article précédent Le commissaire aux langues officielles cible l’éducation et l’immigration
Imprimer
450

Marine Ernoult – FrancopresseGhita Hanane

Autres messages par Marine Ernoult – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

Les textes gagnants du programme Les Mots d’Ados

Le relève littéraire fransaskoise présentée au Festival Découverte

Depuis 2009, La Troupe du Jour (LTDJ), en collaboration avec le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), offre le programme Mots d’ado, destiné à former la relève littéraire fransaskoise. 

2014-03-21 19:00/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (18050)/Commentaires (0)/
Non à l’intimidation

Non à l’intimidation

Conférence de Nancy Doyon, Coach familial

Nancy Doyon aide les enfants dans leur famille, mais aussi à l’école. 

6 mars 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (28108)/Commentaires (0)/

Le CÉFOU « en pause » pour le printemps 2014

La nouvelle a fait le tour de la fransaskoisie : cette année le CÉFOU n’aura pas lieu en 2014.

6 mars 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (27377)/Commentaires (0)/
Le nouveau cabinet Juristes Power

Le nouveau cabinet Juristes Power

Un appui aux conseils scolaires francophones en période turbulente

Mark Power dirige un nouveau cabinet bilingue à mandat national et réunissant dix passionnés de droit. Les conseils scolaires francophones comptent sur lui pour traverser des années sombres pour la jurisprudence.

6 mars 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (22599)/Commentaires (0)/
Les élèves de Mgr de Laval à l’école du recyclage

Les élèves de Mgr de Laval à l’école du recyclage

Visite des élèves de Mgr de Laval aux installations de recyclage de Regina.

6 mars 2014/Auteur: Luc Bengono/Nombre de vues (29167)/Commentaires (0)/
Symposium des 2014 de l’Association des parents fransaskois

Symposium des 2014 de l’Association des parents fransaskois

Toutes les familles étaient invitées au Pavillon Gustave Dubois, ce samedi 1er mars, pour échanger sur des thématiques liées au bien-être et à la sécurité des petits comme des grands. 

6 mars 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (24751)/Commentaires (0)/

Le budget fédéral et la formation à l’emploi

Les francophones pris entre les colonnes

Les provinces, les employeurs et les sans emploi sont poussés au pied du mur.

27 février 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (35517)/Commentaires (0)/
Le nouveau directeur du CÉF veut une analyse de la situation

Le nouveau directeur du CÉF veut une analyse de la situation

Le Conseil scolaire fransaskois (CFS) a annoncé la nomination de monsieur Donald Michaud au poste de directeur par intérim du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF). 

20 février 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (26881)/Commentaires (0)/
Êtes-vous business?

Êtes-vous business?

Des ateliers bien appréciés

C’est le samedi 1er février 2014 que le Conseil de la Coopération de la Saskatchewan (CCS) offrait son quatrième et dernier atelier pour l’année 2013 – 2014, et ce, dans le cadre de son projet « Êtes-vous business? »

20 février 2014/Auteur: Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan/Nombre de vues (39354)/Commentaires (0)/
Toute la province a fêté la Journée de l’Alphabétisation Familiale

Toute la province a fêté la Journée de l’Alphabétisation Familiale

Comme chaque année, le 27 janvier a été synonyme de Journée de l’Alphabétisation Familiale. 

30 janvier 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (22585)/Commentaires (0)/

Entrevue avec Marcel Michaud, directeur général du Collège Mathieu

Il l’affirme sans broncher, les défis que devra relever le Collège Mathieu sont énormes. De plus, la diminution du nombre d’élèves fréquentant son école l’inquiète beaucoup.

12 avril 2001/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (21870)/Commentaires (0)/
RSS
Première272829303132333436

 - jeudi 14 novembre 2024