Skip Navigation
Bon 36366
Carol Léonard
/ Catégories: 2016, Les noms d'ici

Les Cypress Hills, des collines sans cypress ni cyprès?

La Saskatchewan et l’Alberta offrent aux voyageurs une variété de paysages admirables. Certains des plus beaux se donnent à voir dans les collines Cypress, particulièrement dans la clarté diffuse des crépuscules lorsque la palette des jaunes, des verts et des ocres mordorés ornant les éminences et leurs coteaux tourne au pastel sous l’effet des derniers rayons empourprés d’un soleil à l’agonie. Rien d’étonnant que cette région ait une réputation de lieu sacré auprès de plus d’un peuple autochtone. 

La fréquentation de ces collines remonte à la nuit des temps. Des peuples aux origines communes ou distinctes s’y sont déplacés, croisés, heurtés même parfois. Cris, Assiniboines, Pieds-Noirs, Gros-Ventres (Atsinas), Pend d’Oreilles et Gens de Vache (Arapahos) furent au nombre de ceux-là. Au cours des deux derniers siècles, attirés par les derniers grands troupeaux de bisons qui paissaient à ses abords, des descendants d’Européens, métis pour la plupart, en ont fréquenté les coulées et les plateaux avant d’y être rejoints par les vagues de colons désireux d’y pratiquer l’élevage.

 

Si tous ces groupes adoptèrent un nom tiré de leur propre langue pour désigner ces collines, seul le nom Cypress Hills a aujourd’hui acquis un caractère officiel. Or, ce nom paraît bien curieux puisqu’il n’y a précisément pas de « cypress » dans les Cypress Hills. L’élément spécifique « cypress » dans le nom Cypress Hills  est la traduction du terme français « cyprès ». Or, l’un et l’autre terme ne désignent pas la même essence d’arbre.

Cette explication toute simple et probablement véridique n’est cependant pas complète. En fait, l’adoption du nom cypress ne se serait pas le produit de méprises et de métonymies.

Au Canada, « cyprès » est le nom commun des conifères du genre cupressus. Au cours du XIXe siècle et peut-être même bien avant, les Canadiens français, particulièrement ceux vivant au Lac-Saint-Jean et en Abitibi1, en seraient venus à employer le nom cyprès pour désigner le pin divariqué (pinus banksiana), en anglais « grey pine ». Cette application du nom cyprès au pin divariqué semble s’être rapidement répandue à l’ouest du continent.


C’est, semble-t-il, James Hector, membre de l’expédition Palliser qui livra le premier l’origine du nom Cypress Hills : « These hills are usually called the "Cypress Mountains" from the fact of a specie of pine known by the name of "Cypré" [sic] to the French Half-breeds ». 2 Or le pin divariqué ne se rencontre pas véritablement dans ces collines qui n’abritent que deux types de grands conifères : le pin tordu (Pinus contorta var. latifolia) et l’épinette blanche (Picea glauca). James Hector précise ailleurs : « all the pines are termed by the Company's servants le Cyprés [sic], which, however, is more properly the P. Banlcsiana. »3 

Les Métis auraient-ils donc confondu pin gris et pin tordu ? Quoi qu’il en soit, et c’est la troisième méprise, le nom « montagne de Cyprès » fut très tôt traduit en anglais  bien que le pin tordu ne soit pas connu dans cette langue sous le nom 

 

Aujourd’hui le toponyme Cypress Hills est fermement implanté. Mais l’appellation française était-elle originale ou serait-elle elle-même la  traduction d’un nom amérindien ? La chose n’est pas si improbable. 

 

Les sources documentaires ne nous révèlent que quelques noms aux origines autochtones. Les Cris nous ont laissé le nom Mun-a-tub-gow [sic] « magnifique hauteur ». 4 L’un des noms est d’origine assiniboine et signifie « Collines de l’Ours grizzly ». Enfin, les Pied-Noirs nous ont laissé ahya kimi kwi [sic]5 que l’on peut rendre par « terre striée », mais aussi un autre nom à référence sylvestre à propos duquel il n’est pas interdit de penser qu’il a pu inspirer la désignation française. Il s’agit de katewius netumoo [sic] que l’on trouve traduit en anglais de deux manières : « pine hills » et « hills of whispering pines ».6

 

Cela dit, si tout n’a pas encore été écrit sur les noms de ces collines, ce que l’on peut tenir pour assuré c’est l’influence qu’a jouée la culture canadienne-française dans la genèse du nom officiel que ces collines portent aujourd’hui.

1. Marie-Victorin, (1964), Flore laurentienne, -- Montréal, Les Presses de l'Université de Montréal, deuxième édition

2. Palliser, J. Further Papers Relative to the Exploration by the Expedition under Captain Palliser (London, 1860). p. 61.

3. Selwyn, R.C., (1874) Observations by R.C. Selwyn, Report of Progress for 1873-74, Geological Survey of Canada. Montreal, Dawson Brothers, p. 47.

4, 5 et 6.   Bonnichsen, R., & Baldwin, S. J. (1978). Cypress Hills ethnohistory and ecology: a regional perspective. [Edmonton]: Alberta Culture Historical Resources Division, p. 78.

 

Carol J. Léonard
Professeur adjoint à la Faculté Saint-Jean
Président sortant de la Société canadienne d’onomastique

Imprimer
14264

Carol LéonardCarol Léonard

Autres messages par Carol Léonard
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Le répertoire FRÉSK se met à la page du numérique

Le répertoire FRÉSK se met à la page du numérique

Depuis le 6 janvier, FRÉSK, le répertoire de ressources éducatives en français pour la Saskatchewan, a délaisser la version papier du catalogue au profit d’un site web.

25 janvier 2021/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (11373)/Commentaires (0)/
Étudier en pandémie : les étudiants de La Cité se confient

Étudier en pandémie : les étudiants de La Cité se confient

Le début du semestre d’hiver est l’occasion de revenir sur l'expérience étudiante inédite à la Cité universitaire francophone de Regina depuis le début de la pandémie.

24 janvier 2021/Auteur: Emmanuel Masson/Nombre de vues (16213)/Commentaires (0)/
Une fenêtre s’ouvre entre les ainés et l’école Boréale à Ponteix

Une fenêtre s’ouvre entre les ainés et l’école Boréale à Ponteix

L’école Boréale a ainsi pu donner un nouveau souffle à sa collaboration communautaire avec le Foyer Saint-Joseph de Ponteix :

 

21 janvier 2021/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (15551)/Commentaires (0)/
Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, élève en 11e année à l’École canadienne-française de Saskatoon, Pavillon Gustave-Dubois, vient de remporter le concours international Ma minute francophone.

18 décembre 2020/Auteur: Emmanuel Masson/Nombre de vues (14671)/Commentaires (0)/
Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Alors que Regina a obtenu l’aval du gouvernement pour le financement de nouveaux espaces scolaires, Saskatoon et Prince Albert attendent toujours. Le Comité vision des espaces scolaires francophones à Saskatoon, créé en juin 2020, a consulté la communauté pour identifier les besoins dans la ville des ponts.

11 décembre 2020/Auteur: Arthur Béague/Nombre de vues (17026)/Commentaires (0)/
Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

L’Association francophone pour le savoir propose à des étudiants, via son concours Ma thèse en 180 secondes, de présenter leur sujet de recherche en termes simples à un auditoire. Le défi : exposer de façon claire, concise et convaincante un projet d’envergure en trois minutes.

14 novembre 2020/Auteur: Leslie Diaz/Nombre de vues (14006)/Commentaires (0)/
Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Entretien avec Alpha Barry, été réélu au poste de conseiller scolaire pour la région scolaire n°3 incluant Regina et Moose Jaw. Celui qui est aussi président du Conseil scolaire fransaskois l’a emporté avec 70 % des voix face à son adversaire Siriki Diabagaté.

11 novembre 2020/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (13983)/Commentaires (0)/
Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Les établissements universitaires de l’Ouest du pays ont des outils en place pour assurer la liberté académique de leurs professeurs tout en assurant un traitement rigoureux des plaintes des étudiants.

7 novembre 2020/Auteur: Marie-Paule Berthiaume (Initiative de journalisme local – APF - Ouest)/Nombre de vues (15057)/Commentaires (0)/
Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Selon un nouveau sondage Léger, près de la moitié des Canadiens sont au courant de la récente controverse à l’Université d’Ottawa, et plus de la moitié ont tendance à soutenir la professeure ayant prononcé le «mot en n» dans le cadre de son cours Art and Gender plutôt que les étudiants.

7 novembre 2020/Auteur: Marie-Paule Berthiaume (Francopresse)/Nombre de vues (13095)/Commentaires (0)/
Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

La ministre Mélanie Joly invite le gouvernement de l’Alberta à annuler sa décision de couper le financement du campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, dans une lettre adressée au premier ministre de la province, Jason Kenney.

1 novembre 2020/Auteur: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Nombre de vues (15672)/Commentaires (0)/
Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

C'est un premier débat radiophonique parfois houleux qui a eu lieu le 20 octobre entre Alpha Barry et Siriki Diabagaté, les deux prétendants au poste de conseiller scolaire de Regina.

23 octobre 2020/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (12111)/Commentaires (0)/
Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

LE DROIT (Ontario) – Le débat autour de la suspension d’une professeure de l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé le mot «n**ger» continue de faire rage.

21 octobre 2020/Auteur: Daniel LeBlanc e)t Julien Paquette (Le Droit)/Nombre de vues (14290)/Commentaires (0)/
Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Les parents fransaskois de Regina et Saskatoon seront appelés aux urnes le 28 octobre pour choisir leur conseiller scolaire dans le cadre des élections générales du Conseil scolaire fransaskois.

15 octobre 2020/Auteur: Estelle Bonetto/Nombre de vues (15102)/Commentaires (0)/
Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Rentrée scolaire

La rentrée scolaire fransaskoise a eu lieu du 8 au 11 septembre partout dans la province. L’eau vive s’est entretenue avec quelques parents pour faire le bilan d’une semaine riche en émotions.

17 septembre 2020/Auteur: Estelle Bonetto/Nombre de vues (14922)/Commentaires (0)/
Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

La récente victoire du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSFCB) en Cour suprême laisse présager une possible expansion de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

28 août 2020/Auteur: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Nombre de vues (14859)/Commentaires (0)/
RSS
123468910Dernière

 - mercredi 5 juin 2024