Skip Navigation
150 ans Festival Cinergie 2024
Marine Ernoult – Francopresse
/ Categories: Éducation, Petite enfance

Garderies à 10 $ : ententes opaques sur d’éventuelles clauses linguistiques

Image
Crédit : Design_Miss_C – Pixabay

FRANCOPRESSE – La création d’un système public pancanadien de garderies à 10 $ suscite l’adhésion du secteur de la petite enfance, mais les francophones en situation minoritaire s’inquiètent du sort qui leur sera réservé dans ce nouveau programme. Leurs droits sont-ils garantis dans les ententes récemment signées? La réponse est loin d’être claire. 

Il y a dabord les chiffres, qui ont de quoi réjouir les acteurs canadiens de la petite enfance : à ce jour, Ottawa a conclu huit ententes avec des provinces et territoires pour la mise sur pied d’un programme de garderies publiques à 10 $ par jour d’ici à 2026. 

Les libéraux se sont engagés à investir 30 milliards $ sur cinq ans, qui permettront la création de 250 000 places en garderie partout au pays.  

Jean-Luc Racine
Jean-Luc Racine est directeur général de la Commission nationale des parents francophones.
Crédit : Courtoisie

Après la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon, le Manitoba, la Saskatchewan et le Québec, lOntario et le Nouveau-Brunswick se disent désormais prêts à embarquer dans le projet. 

Mais derrière ces chiffres bruts, combien de places sont réservées aux francophones en situation minoritaire? Leurs besoins spécifiques sont-ils pris en compte? Quelle part du budget leur est dédiée? Autant de questions qui restent encore sans réponse, suscitant l’inquiétude hors Québec.

« En l’absence de garde-fous, nos garderies nauront pas leur juste part, que ce soit en termes de financement ou de nombre de places », alerte Jean-Luc Racine, directeur général de la Commission nationale des parents francophones (CNPF). 

Des clauses linguistiques essentielles

« Historiquement parlant, on a de nombreux exemples où les droits des francophones n’ont pas été respectés. Des fonds fédéraux qui leur étaient dédiés ne leur ont pas été transférés par les provinces », abonde François Larocque, professeur et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques à lUniversité dOttawa. 

Par exemple, en 2021, la CNPF a calculé que le gouvernement albertain a seulement alloué 1,26 % de son budget d’éducation aux établissements scolaires francophones, alors que les Franco-Albertains représentent plus de 2 % de la population provinciale. 

« Ces établissements auraient dû recevoir un financement correspondant au poids démographique de la communauté, voire un montant supérieur, car les besoins de rattrapage au niveau de l’éducation et de la petite enfance en français sont importants en Alberta », réagit Jean-Luc Racine. 

François Larocque rappelle que le Yukon a quant à lui redirigé des fonds d’Ottawa prévus pour les écoles francophones vers des programmes d’immersion. 

Il souligne également que la Colombie-Britannique, elle, a comptabilisé dans le nombre de places en garderie francophone des places créées dans des centres qui offraient uniquement des services en anglais, au motif qu’ils étaient gérés par des francophones.

Face à ces tendances inquiétantes, les minorités francophones revendiquent l’insertion de clauses linguistiques dans les huit accords signés jusqu’à présent afin de protéger leurs droits. «De telles clauses sont cruciales pour s’assurer que les gouvernements provinciaux utilisent les fonds de façon appropriée», souligne François Larocque. 

Besoin d’«engagements clairs et fermes» 

Pour le moment, les libellés exacts des accords bilatéraux ne sont pas connus. 

Image
Marie-Andrée Asselin est directrice générale de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique.
Crédit : Courtoisie

Dans une réponse par courriel, le ministère Emploi et Développement social Canada assure tenir compte «des besoins uniques, en matière dapprentissage et de garde des jeunes enfants, des communautés de langue officielle en situation minoritaire», sans aucune autre précision. 

Le Réseau de développement économique et demployabilité Canada (RDÉE Canada) confirme qu’Ottawa conditionne l’accès aux fonds fédéraux à la prise en compte par les provinces et territoires des enjeux linguistiques minoritaires. «Mais nous restons attentifs à la présence effective de clauses linguistiques», nuance Paul Muamba, gestionnaire en développement économique et des partenariats au RDÉE Canada. 

«Il faut avoir des engagements clairs et fermes, ne pas se contenter d’une petite phrase qui dit “on va s’occuper des francophones”, insiste Jean-Luc Racine. Autrement, on ne saura pas où va largent, et les clauses linguistiques resteront des vœux pieux.» 

Un avis partagé par Marie-Andrée Asselin, directrice générale de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique (FPFCB) : « C’est essentiel d’avoir des mécanismes de suivi balisés, pour qu’on puisse mesurer les efforts effectivement réalisés par les autorités provinciales. » 

Manque de transparence  

Image
Paul Muamba est gestionnaire en développement économique et des partenariats au RDÉE Canada.
Crédit : Courtoisie

Les interlocuteurs interrogés insistent : les clauses linguistiques doivent clairement prévoir la création d’un nombre précis de places dans les garderies francophones ainsi que le recrutement de personnel.  

Un montant exact du budget devra également être réservé à la petite enfance en français en fonction du pourcentage de la population et des besoins, défendent-ils. «Il doit aussi y avoir des dispositifs qui permettent de saisir l’administration en cas de doute sur l’efficacité des actions entreprises», ajoute François Larocque.

L’universitaire dénonce le manque de transparence dès qu’il s’agit de clauses linguistiques. Il invite à l’adoption d’une loi fédérale qui les encadrerait, ce qui éviterait le flou et linquiétude actuels. 

À ce titre, il regrette que le projet de loi C-32 de modernisation de la Loi sur les langues officielles ne comporte aucune mention à ce sujet. 

Son espoir réside dans le document de réforme publié en février dernier par Ottawa, Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada

Le gouvernement y proposait que la nouvelle Loi sur les langues officielles reconnaisse explicitement la petite enfance comme faisant partie du parcours en éducation dans la langue minoritaire. En d’autres termes, les garderies seraient légalement intégrées au continuum éducatif en français et les autorités auraient l’obligation de contribuer à leur renforcement. 

Faibles chances de succès devant les tribunaux

François Larocque
François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques.
Crédit : Valérie Charbonneau

Avant le déclenchement des élections fédérales 2021, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, avait promis que ce principe figurerait dans la prochaine mouture du projet de loi C-32, qui doit être déposé dans les 100 premiers jours du nouveau gouvernement. 

«Si c’est le cas, cela établira un lien direct entre les ententes et l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, explique François Larocque. Avec cette protection juridique supplémentaire, les provinces ne pourront pas couper dans les services de garde en français sans fournir des justifications très élevées.»

En attendant, les organismes francophones auraient-ils des chances de succès s’ils décidaient d’intenter des actions en justice contre les ententes? Aux yeux de François Larocque, elles sont minces en l’état actuel de la Loi sur les langues officielles. 

Il s’appuie sur le jugement Gascon rendu en 2018 par la Cour fédérale. La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), qui contestait un accord passé entre la province et Ottawa, avait basé son argumentaire sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles, selon laquelle le gouvernement est obligé de prendre des mesures positives pour appuyer l’épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle. 

Les juges ont débouté l’organisme au motif que cette partie VII était trop vague et nengageait pas les autorités à mener des actions spécifiques et concrètes. Un rappel, selon François Larocque, que des réformes sont nécessaires pour donner au texte plus de clarté et de «mordant».

Previous Article Garderies francophones : une cinquantaine de nouvelles places à Saskatoon
Next Article Des balados en français pour les écoles
Print
7719

Marine Ernoult – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Marine Ernoult – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Après plusieurs années d’attente et une entente de principe avec le gouvernement de la Saskatchewan qui tardait à se concrétiser, une nouvelle école primaire francophone verra finalement le jour dans la capitale provinciale.

Monday, July 13, 2020/Author: Lucas Pilleri/Number of views (25648)/Comments (0)/
Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Le tout premier programme d’immersion en Saskatchewan est apparu à Saskatoon en 1968. Cinquante ans plus tard, ils sont plus de 16 500 à travers la province à se retrouver sur les bancs du programme qui fait de plus en plus d’adeptes.

Wednesday, July 8, 2020/Author: Lucas Pilleri, avec les informations de Diane Lacasse/Number of views (23275)/Comments (0)/
Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Produire local, le nouveau défi des francophones de Regina

REGINA - LAssociation canadienne-française de Regina a inauguré son tout premier jardin communautaire le 15 juin dernier sur le terrain de l'École Mgr de Laval.

Wednesday, July 1, 2020/Author: Leslie Diaz – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (28360)/Comments (0)/
Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Après 10 ans de lutte judiciaire, la Cour suprême du Canada a tranché en faveur des parents franco-colombiens. Cette décision historique a été chaudement saluée par la communauté fransaskoise.

Monday, June 29, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (24552)/Comments (0)/
L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

Ateliers scolaires Gardiens de lys'toire par la Société historique de la Saskatchewan

À travers sa série d’ateliers pédagogiques, la Société historique de la Saskatchewan (SHS) donne vie à l’histoire dans la salle de classe des écoles de la province. 

Sunday, June 28, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (25140)/Comments (0)/
La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

Les universités francophones du pays misent sur l’inscription d’étudiants internationaux. Les mesures sanitaires en place affecteront directement les inscriptions.

Sunday, June 14, 2020/Author: André Magny (Francopresse)/Number of views (20492)/Comments (0)/
Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Trois semaines après que l’Association canadienne-française de l’Alberta a lancé une campagne de mobilisation pour sauver le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, l’incertitude règne toujours quant à l’avenir de l’établissement.

Saturday, June 13, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault – Francopresse /Number of views (21954)/Comments (0)/
Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Si tout va bien à la rentrée de septembre, le Conseil des écoles fransaskoises (CEF) ira de l’avant avec un concept nouveau en Saskatchewan, mais qui a fait ses preuves dans d’autres provinces: l’école communautaire citoyenne.

Saturday, June 13, 2020/Author: André Magny (Initiative de journalisme local – APF – Ouest)/Number of views (23086)/Comments (0)/
La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême du Canada a donné raison aux francophone de la Colombie-Britannique, qui réclame depuis dix ans devant les tribunaux que le système scolaire de langue française soit mis à égalité avec le système anglophone.

Friday, June 12, 2020/Author: Marc Poirier – Francopresse /Number of views (26939)/Comments (0)/
André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

Fils et petit-fils de colons de l’Ouest, André Moquin a œuvré toute sa vie pour l’avancement de l’éducation en français dans sa province.

Tuesday, June 2, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (28921)/Comments (0)/
L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'école fransaskoise remporte un prix international

Six élèves de la 8e année du Pavillon secondaire des Quatre Vents de l'école de Monseigneur on remporté un des deux Prix du public offerts dans le cadre du concours « Slame tes accents » du Centre de la Francophonie des Amériques.

Saturday, May 23, 2020/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (26571)/Comments (0)/
Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

L’appel à l’action de l’ACFA dans le cadre de la campagne «Sauvons Saint-Jean» a été entendu d’un bout à l’autre du pays, et même au-delà de nos frontières. 

Tuesday, May 19, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)/Number of views (22579)/Comments (0)/
Une miniécole de médecine pour y voir clair

Une miniécole de médecine pour y voir clair

Le premier volet de la 24e édition de la Miniécole de médecine de l’Université d’Ottawa s’est consacré entièrement au sens de la vue, présentant l’anatomie de l’œil et jetant les bases de la prévention des troubles de la vision.

Tuesday, May 19, 2020/Author: Sébastien Durand/Number of views (28998)/Comments (0)/
Des élèves fransaskois se livrent face à la pandémie

Des élèves fransaskois se livrent face à la pandémie

Déjà un peu plus d’un mois que les jeunes Fransaskois sont passés de la salle de classe à la table du salon et ont échangé leurs stylos pour un clavier. Comment vivent-ils cette transition et quel regard portent-ils sur la situation?

Saturday, May 16, 2020/Author: Leslie Diaz/Number of views (31871)/Comments (0)/
La francophonie de l’Ouest menacée : «Sauvons Saint-Jean!»

La francophonie de l’Ouest menacée : «Sauvons Saint-Jean!»

L’Association canadienne-française de l’Alberta, soutenue par plusieurs associations, est partie en croisade pour défendre le Campus Saint-Jean dont l'avenir est menacé par d’importantes coupes budgétaires.

Saturday, May 16, 2020/Author: Geoffrey Gaye – (Le Franco)/Number of views (19922)/Comments (0)/
RSS
First2345791011Last

 - Tuesday 23 April 2024