Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere Grève Postes Canada accès PDF
Marine Ernoult – Francopresse
/ Categories: Éducation, Petite enfance

Garderies à 10 $ : ententes opaques sur d’éventuelles clauses linguistiques

Image
Crédit : Design_Miss_C – Pixabay

FRANCOPRESSE – La création d’un système public pancanadien de garderies à 10 $ suscite l’adhésion du secteur de la petite enfance, mais les francophones en situation minoritaire s’inquiètent du sort qui leur sera réservé dans ce nouveau programme. Leurs droits sont-ils garantis dans les ententes récemment signées? La réponse est loin d’être claire. 

Il y a dabord les chiffres, qui ont de quoi réjouir les acteurs canadiens de la petite enfance : à ce jour, Ottawa a conclu huit ententes avec des provinces et territoires pour la mise sur pied d’un programme de garderies publiques à 10 $ par jour d’ici à 2026. 

Les libéraux se sont engagés à investir 30 milliards $ sur cinq ans, qui permettront la création de 250 000 places en garderie partout au pays.  

Jean-Luc Racine
Jean-Luc Racine est directeur général de la Commission nationale des parents francophones.
Crédit : Courtoisie

Après la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador, le Yukon, le Manitoba, la Saskatchewan et le Québec, lOntario et le Nouveau-Brunswick se disent désormais prêts à embarquer dans le projet. 

Mais derrière ces chiffres bruts, combien de places sont réservées aux francophones en situation minoritaire? Leurs besoins spécifiques sont-ils pris en compte? Quelle part du budget leur est dédiée? Autant de questions qui restent encore sans réponse, suscitant l’inquiétude hors Québec.

« En l’absence de garde-fous, nos garderies nauront pas leur juste part, que ce soit en termes de financement ou de nombre de places », alerte Jean-Luc Racine, directeur général de la Commission nationale des parents francophones (CNPF). 

Des clauses linguistiques essentielles

« Historiquement parlant, on a de nombreux exemples où les droits des francophones n’ont pas été respectés. Des fonds fédéraux qui leur étaient dédiés ne leur ont pas été transférés par les provinces », abonde François Larocque, professeur et titulaire de la Chaire de recherche sur la francophonie canadienne en droits et enjeux linguistiques à lUniversité dOttawa. 

Par exemple, en 2021, la CNPF a calculé que le gouvernement albertain a seulement alloué 1,26 % de son budget d’éducation aux établissements scolaires francophones, alors que les Franco-Albertains représentent plus de 2 % de la population provinciale. 

« Ces établissements auraient dû recevoir un financement correspondant au poids démographique de la communauté, voire un montant supérieur, car les besoins de rattrapage au niveau de l’éducation et de la petite enfance en français sont importants en Alberta », réagit Jean-Luc Racine. 

François Larocque rappelle que le Yukon a quant à lui redirigé des fonds d’Ottawa prévus pour les écoles francophones vers des programmes d’immersion. 

Il souligne également que la Colombie-Britannique, elle, a comptabilisé dans le nombre de places en garderie francophone des places créées dans des centres qui offraient uniquement des services en anglais, au motif qu’ils étaient gérés par des francophones.

Face à ces tendances inquiétantes, les minorités francophones revendiquent l’insertion de clauses linguistiques dans les huit accords signés jusqu’à présent afin de protéger leurs droits. «De telles clauses sont cruciales pour s’assurer que les gouvernements provinciaux utilisent les fonds de façon appropriée», souligne François Larocque. 

Besoin d’«engagements clairs et fermes» 

Pour le moment, les libellés exacts des accords bilatéraux ne sont pas connus. 

Image
Marie-Andrée Asselin est directrice générale de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique.
Crédit : Courtoisie

Dans une réponse par courriel, le ministère Emploi et Développement social Canada assure tenir compte «des besoins uniques, en matière dapprentissage et de garde des jeunes enfants, des communautés de langue officielle en situation minoritaire», sans aucune autre précision. 

Le Réseau de développement économique et demployabilité Canada (RDÉE Canada) confirme qu’Ottawa conditionne l’accès aux fonds fédéraux à la prise en compte par les provinces et territoires des enjeux linguistiques minoritaires. «Mais nous restons attentifs à la présence effective de clauses linguistiques», nuance Paul Muamba, gestionnaire en développement économique et des partenariats au RDÉE Canada. 

«Il faut avoir des engagements clairs et fermes, ne pas se contenter d’une petite phrase qui dit “on va s’occuper des francophones”, insiste Jean-Luc Racine. Autrement, on ne saura pas où va largent, et les clauses linguistiques resteront des vœux pieux.» 

Un avis partagé par Marie-Andrée Asselin, directrice générale de la Fédération des parents francophones de Colombie-Britannique (FPFCB) : « C’est essentiel d’avoir des mécanismes de suivi balisés, pour qu’on puisse mesurer les efforts effectivement réalisés par les autorités provinciales. » 

Manque de transparence  

Image
Paul Muamba est gestionnaire en développement économique et des partenariats au RDÉE Canada.
Crédit : Courtoisie

Les interlocuteurs interrogés insistent : les clauses linguistiques doivent clairement prévoir la création d’un nombre précis de places dans les garderies francophones ainsi que le recrutement de personnel.  

Un montant exact du budget devra également être réservé à la petite enfance en français en fonction du pourcentage de la population et des besoins, défendent-ils. «Il doit aussi y avoir des dispositifs qui permettent de saisir l’administration en cas de doute sur l’efficacité des actions entreprises», ajoute François Larocque.

L’universitaire dénonce le manque de transparence dès qu’il s’agit de clauses linguistiques. Il invite à l’adoption d’une loi fédérale qui les encadrerait, ce qui éviterait le flou et linquiétude actuels. 

À ce titre, il regrette que le projet de loi C-32 de modernisation de la Loi sur les langues officielles ne comporte aucune mention à ce sujet. 

Son espoir réside dans le document de réforme publié en février dernier par Ottawa, Français et anglais : Vers une égalité réelle des langues officielles au Canada

Le gouvernement y proposait que la nouvelle Loi sur les langues officielles reconnaisse explicitement la petite enfance comme faisant partie du parcours en éducation dans la langue minoritaire. En d’autres termes, les garderies seraient légalement intégrées au continuum éducatif en français et les autorités auraient l’obligation de contribuer à leur renforcement. 

Faibles chances de succès devant les tribunaux

François Larocque
François Larocque, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche sur le monde francophone, droits et enjeux linguistiques.
Crédit : Valérie Charbonneau

Avant le déclenchement des élections fédérales 2021, la ministre du Développement économique et des Langues officielles, Mélanie Joly, avait promis que ce principe figurerait dans la prochaine mouture du projet de loi C-32, qui doit être déposé dans les 100 premiers jours du nouveau gouvernement. 

«Si c’est le cas, cela établira un lien direct entre les ententes et l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège le droit à l’instruction dans la langue de la minorité, explique François Larocque. Avec cette protection juridique supplémentaire, les provinces ne pourront pas couper dans les services de garde en français sans fournir des justifications très élevées.»

En attendant, les organismes francophones auraient-ils des chances de succès s’ils décidaient d’intenter des actions en justice contre les ententes? Aux yeux de François Larocque, elles sont minces en l’état actuel de la Loi sur les langues officielles. 

Il s’appuie sur le jugement Gascon rendu en 2018 par la Cour fédérale. La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (FFCB), qui contestait un accord passé entre la province et Ottawa, avait basé son argumentaire sur la partie VII de la Loi sur les langues officielles, selon laquelle le gouvernement est obligé de prendre des mesures positives pour appuyer l’épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle. 

Les juges ont débouté l’organisme au motif que cette partie VII était trop vague et nengageait pas les autorités à mener des actions spécifiques et concrètes. Un rappel, selon François Larocque, que des réformes sont nécessaires pour donner au texte plus de clarté et de «mordant».

Previous Article Garderies francophones : une cinquantaine de nouvelles places à Saskatoon
Next Article Des balados en français pour les écoles
Print
9985

Marine Ernoult – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Marine Ernoult – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Projet de loi 96 : quel impact pour les étudiants fransaskois ?

Projet de loi 96 : quel impact pour les étudiants fransaskois ?

Le gouvernement québécois veut rapprocher la francophonie canadienne et québécoise, notamment en réduisant les frais de scolarité des programmes universitaires et collégiaux offerts en français. 

Monday, June 14, 2021/Author: Emmanuel Masson/Number of views (16990)/Comments (0)/
Une troisième école élémentaire déjà en pourparlers à Regina

Une troisième école élémentaire déjà en pourparlers à Regina

Depuis l’automne 2018, l’école du Parc de Regina accueille quelque 200 enfants francophones dans l’attente de l’ouverture d’un établissement flambant neuf d’ici septembre 2023.

Friday, June 11, 2021/Author: Lucas Pilleri – IJL-Réseau.Presse/Number of views (15226)/Comments (0)/
Assemblée des députés communautaires: du PDG à l’Académie Rivier

Assemblée des députés communautaires: du PDG à l’Académie Rivier

Pour la deuxième fois cette année, les députés de l’Assemblée communautaire fransaskoise se sont réunis en ligne pour discuter des enjeux touchant la fransaskoisie.

Friday, June 11, 2021/Author: Emmanuel Masson – IJL-Réseau.Presse/Number of views (19254)/Comments (0)/
Les Fransaskois de Saskatoon se préparent à recevoir une nouvelle école élémentaire

Les Fransaskois de Saskatoon se préparent à recevoir une nouvelle école élémentaire

D’ici 2025, les francophones de la ville des ponts sont consultés pour identifier leurs besoins en infrastructure en vue de la construction d'une nouvelle école élémentaire.

Thursday, May 27, 2021/Author: Emmanuel Masson – IJL – Réseau.Presse/Number of views (16567)/Comments (0)/
Académie Rivier : la fransaskoisie attend un signal du gouvernement

Académie Rivier : la fransaskoisie attend un signal du gouvernement

Le budget provincial ne fait aucune mention d’aides financières dans le projet de transformation de l’ancienne Académie Rivier de Prince Albert en un centre scolaire communautaire francophone. 

Monday, May 17, 2021/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (18554)/Comments (0)/
Révéler nos racines avec un nouveau guide pédagogique

Révéler nos racines avec un nouveau guide pédagogique

Carmen Campagne vient garnir la collection « Atelier » du CCF destinée aux écoliers afin de leur faire découvrir les grands personnages de la culture fransaskoise.

Monday, April 26, 2021/Author: Estelle Bonetto/Number of views (19112)/Comments (0)/
Il y a urgence d’agir en éducation postsecondaire en français

Il y a urgence d’agir en éducation postsecondaire en français

Disparition de programmes à l’Université Laurentienne, compressions au Campus Saint-Jean et à l’Université de Moncton, budget à l’encre rouge à l’Université Sainte-Anne, réduction du financement à l’Université de Saint-Boniface : l’éducation postsecondaire en français en contexte minoritaire est en difficulté.

Wednesday, April 21, 2021/Author: Francopresse/Number of views (16176)/Comments (0)/
L’Afrique au programme de la Cité universitaire francophone de Regina

L’Afrique au programme de la Cité universitaire francophone de Regina

La Cité universitaire francophone de Regina proposera dès la rentrée prochaine une mineure bilingue en études africaines.

Wednesday, March 24, 2021/Author: Leslie Garrido-Diaz/Number of views (16642)/Comments (0)/
Comment démarrer une garderie francophone en milieu familial ?

Comment démarrer une garderie francophone en milieu familial ?

Le CÉCS a offert le 6 mars un atelier virtuel sur le démarrage d’une garderie en milieu familial.

Monday, March 22, 2021/Author: Sarah Vennes-Ouellet/Number of views (16368)/Comments (0)/
Prince Albert: Le projet de l’école Rivier expliqué à la communauté

Prince Albert: Le projet de l’école Rivier expliqué à la communauté

Les détails du projet d’acquisition de l’Académie Rivier de Prince Albert ont été explicités au cours d’une session d’information.

Saturday, March 6, 2021/Author: Emmanuel Masson/Number of views (19540)/Comments (0)/
Le Mois de l'histoire des Noirs à l’honneur au CÉF

Le Mois de l'histoire des Noirs à l’honneur au CÉF

Nos directrices et directeurs d’écoles témoignent

À l'occasion du Mois de l'histoire des Noirs nous vous offrons trois témoignages de trois directions d'écoles fransaskoises.

Tuesday, February 23, 2021/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (12577)/Comments (0)/
La communauté réaffirme son soutien au projet de Prince Albert

La communauté réaffirme son soutien au projet de Prince Albert

Le ministre de l’Éducation a rencontré les présidences d’organismes fransaskois afin de discuter du projet de nouvelle école francophone à Prince Albert.

Thursday, February 4, 2021/Author: Emmanuel Masson/Number of views (15779)/Comments (0)/
Éducation en français sous respirateur artificiel

Éducation en français sous respirateur artificiel

Ça va mal dans le monde de l’éducation universitaire en français en Ontario

Wednesday, February 3, 2021/Author: Réjean Grenier/Number of views (14046)/Comments (0)/
La notation humanitaire, un « soulagement » pour la population étudiante

La notation humanitaire, un « soulagement » pour la population étudiante

Des universités canadiennes ont adopté un système de notation où les étudiants peuvent désormais choisir la mention « réussite » ou « échec »

Wednesday, February 3, 2021/Author: Francopresse/Number of views (13499)/Comments (0)/
École en pandémie : manque de ressources pour aider les élèves

École en pandémie : manque de ressources pour aider les élèves

Manque de ressources dans les écoles pour aider les élèves à gérer leurs émotions en pandémie

Friday, January 29, 2021/Author: Ericka Muzzo – Francopresse /Number of views (19097)/Comments (0)/
RSS
123468910Last

 - Wednesday 18 December 2024