Skip Navigation
Emmanuel Masson

Une veste métisse restituée à la Saskatchewan

Veste métisse
La veste est représentative de la technique des fleurs perlées du peuple métis.
Crédits : George Gingras – Institut Gabriel Dumont

Après plus d’un siècle d’absence, une veste perlée métisse d’une valeur inestimable a fait son retour en Saskatchewan. L’habit traditionnel, longtemps la propriété d’une famille québécoise, a été rapatrié à l’Institut Gabriel Dumont, à Saskatoon. Retour sur l’histoire de cette veste qui s’entremêle à celle des pionniers et du peuple métis.

Pour comprendre comment une veste métisse de plus de 125 ans s’est retrouvée pendant 50 ans dans les mains d’André Ruest, un homme de Rimouski, au nord de Québec, il faut se pencher sur l’histoire des pionniers de l’Ouest. 

En 1895, Paul et Émile Ruest quittent la demeure familiale à Lewiston, dans le Maine, pour aller s’établir en Saskatchewan. Ils avaient tous les deux obtenu une terre à environ 50 km de Harris, un village alors important pour les colons de la région.

Les deux frères construisent leur homestead et pratiquent l’élevage. Les deux francophones changent leur nom de famille pour King, puisque « Ruest » se prononce un peu comme « Roy » en anglais.

Tous les deux ou trois mois, Paul et Émile se rendent dans le village de Harris pour faire des commissions. Au cours de l’un de ces arrêts, Émile achète une veste perlée des mains d’un marchand autochtone pour 50 dollars, ce qui équivaudrait aujourd’hui à plus de 1 000 dollars. 

Paul et Émile King connaissent une mort tragique, une maladie grave les atteignant fatalement alors qu’ils sont encore jeunes. Puisqu’ils sont restés célibataires et sans descendance, la veste revient à leur frère, Désiré Ruest, qui s’était établi dans la vallée de la Matapédia, au Québec. Après une longue vie, Désiré laisse la veste à son tour à son fils André Ruest.

Confier l’œuvre

Veste métisse 2
André Ruest a hérité de la veste métisse de son père, qui lui-même l’avait obtenue après la mort de ses frères il y a plus d’un siècle.
Crédits : George Gingras – Institut Gabriel Dumont

André Ruest habite à Rimouski depuis l’âge de 20 ans. Il a travaillé comme vendeur-voyageur de pièces pour un garage, ce qui lui a permis d’explorer toute l’Amérique du Nord. Il est notamment passé plusieurs fois par la Saskatchewan où il a pu apprécier la terre d’accueil de ses oncles. 

Aujourd’hui, à 82 ans et sans enfant, André Ruest se soucie de la pérennité de la veste dont il a hérité. Lors d’une visite dans une exposition, une femme lui a dit que la vente de la veste sur internet pourrait lui rapporter environ 3 000 ou 4 000 dollars. Mais André Ruest n’est pas intéressé par de possibles gains et a préféré confier l’objet à une institution qui saurait la mettre en valeur. 

« Pour moi, il fallait trouver une place où la veste serait entre de bonnes mains », souligne André Ruest. L’homme de Rimouski a contacté des musées à Québec ainsi que la Première Nation des Hurons-Wendats de Wendake. Malheureusement, ces derniers manquaient de connaissance sur la culture autochtone de l’Ouest pour pouvoir la mettre en valeur convenablement. 

André Ruest s’est alors tourné vers des connaisseurs dans les Prairies. C’est l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) qui l’a mis en relation avec l’Institut Gabriel Dumont, le centre de formation et de recherche de la Nation métisse de la Saskatchewan. Dès la réception des photographies de la veste, les experts du centre de recherche ont pu confirmer l’origine métisse de l’artefact. 

L’histoire d’un art traditionnel

Pour Darren Préfontaine, recherchiste et éditeur à l’Institut Gabriel Dumont, les motifs de fleurs dessinées avec des perles de verre ne laissaient aucun doute sur l’origine de la veste, les Métis étant connus comme le « peuple des fleurs de perle ». 

Le lieu d’achat de la veste correspond aussi. « Beaucoup de Métis étaient présents dans la région du nord-est des Prairies saskatchewanaises dans les années suivant la rébellion du Nord-Ouest », explique le recherchiste.

Darren Préfontaine précise que ce genre de vestes perlées était fait par les femmes métisses avec les perles importées d’Europe. L’Institut Gabriel Dumont souhaite entreprendre des recherches plus poussées pour retracer toute l’histoire de la veste, espérant notamment trouver le lieu d’origine exact des perles. En outre, après le confinement, un expert en artefacts métis fera un tour dans la région de Harris pour tenter de découvrir qui a cousu l’œuvre d’art. 

La coutume autochtone du perlage a commencé au 18e siècle à Saint-Boniface, au Manitoba, où des religieuses canadiennes-françaises ont enseigné ces techniques à la jeunesse métisse. Avant l’arrivée des perles, les peuples autochtones faisaient surtout de l’art ornemental avec des piquants de porc-épic. 

Un artefact rarissime

Quoique d’origine métisse, les motifs de fleurs perlées ont fini par être copiés par des artistes des Premières Nations. Cette convergence des styles fait que plusieurs artefacts métis sont interprétés comment étant d’origine crie, ojibwée ou même canadienne-française.

Darren Préfontaine explique qu’un objet de la sorte a une valeur inestimable. « L’Institut Gabriel Dumont est honoré de pouvoir rapatrier la veste au nom de la nation métisse », souligne-t-il. En effet, il existe selon lui très peu de vêtements perlés métis intacts d’époque au Canada, et ces derniers sont généralement exposés dans les grands musées provinciaux ou nationaux. 

« C’est un des plus beaux spécimens que j’ai vus », ajoute le recherchiste et éditeur. Cette veste aura donc une place prédominante dans le musée de l’Institut Gabriel Dumont à sa réouverture après la pandémie.

Un acte de réconciliation

André Ruest, quant à lui, espère un jour retourner en Saskatchewan pour le plaisir. Il compte bien visiter le musée de l’Institut Gabriel Dumont et le village de Harris pour suivre la trace de ses oncles. Sauf un reçu pour les impôts, André Ruest n’a pas accepté de contrepartie financière pour la veste. « Elle est rendue chez vous, c’est ce que je voulais, précise-t-il. Mon désir est complet. » 

Pour l’homme de Rimouski, le rapatriement de la veste métisse en Saskatchewan représente « le rapprochement entre les Canadiens et les Métis ». Darren Préfontaine remercie le donateur pour son cadeau très généreux, indiquant que ce dernier fait partie d’une « belle histoire de restitution du patrimoine métis ». 

Print
9330

Emmanuel MassonEmmanuel Masson

Other posts by Emmanuel Masson
Contact author

Contact author

x
Le répertoire FRÉSK se met à la page du numérique

Le répertoire FRÉSK se met à la page du numérique

Depuis le 6 janvier, FRÉSK, le répertoire de ressources éducatives en français pour la Saskatchewan, a délaisser la version papier du catalogue au profit d’un site web.

Monday, January 25, 2021/Author: Lucas Pilleri/Number of views (11402)/Comments (0)/
Étudier en pandémie : les étudiants de La Cité se confient

Étudier en pandémie : les étudiants de La Cité se confient

Le début du semestre d’hiver est l’occasion de revenir sur l'expérience étudiante inédite à la Cité universitaire francophone de Regina depuis le début de la pandémie.

Sunday, January 24, 2021/Author: Emmanuel Masson/Number of views (16244)/Comments (0)/
Une fenêtre s’ouvre entre les ainés et l’école Boréale à Ponteix

Une fenêtre s’ouvre entre les ainés et l’école Boréale à Ponteix

L’école Boréale a ainsi pu donner un nouveau souffle à sa collaboration communautaire avec le Foyer Saint-Joseph de Ponteix :

 

Thursday, January 21, 2021/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (15599)/Comments (0)/
Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, élève en 11e année à l’École canadienne-française de Saskatoon, Pavillon Gustave-Dubois, vient de remporter le concours international Ma minute francophone.

Friday, December 18, 2020/Author: Emmanuel Masson/Number of views (14711)/Comments (0)/
Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Alors que Regina a obtenu l’aval du gouvernement pour le financement de nouveaux espaces scolaires, Saskatoon et Prince Albert attendent toujours. Le Comité vision des espaces scolaires francophones à Saskatoon, créé en juin 2020, a consulté la communauté pour identifier les besoins dans la ville des ponts.

Friday, December 11, 2020/Author: Arthur Béague/Number of views (17043)/Comments (0)/
Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

L’Association francophone pour le savoir propose à des étudiants, via son concours Ma thèse en 180 secondes, de présenter leur sujet de recherche en termes simples à un auditoire. Le défi : exposer de façon claire, concise et convaincante un projet d’envergure en trois minutes.

Saturday, November 14, 2020/Author: Leslie Diaz/Number of views (14015)/Comments (0)/
Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Entretien avec Alpha Barry, été réélu au poste de conseiller scolaire pour la région scolaire n°3 incluant Regina et Moose Jaw. Celui qui est aussi président du Conseil scolaire fransaskois l’a emporté avec 70 % des voix face à son adversaire Siriki Diabagaté.

Wednesday, November 11, 2020/Author: Marie-Lou Bernatchez/Number of views (13993)/Comments (0)/
Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Les établissements universitaires de l’Ouest du pays ont des outils en place pour assurer la liberté académique de leurs professeurs tout en assurant un traitement rigoureux des plaintes des étudiants.

Saturday, November 7, 2020/Author: Marie-Paule Berthiaume (Initiative de journalisme local – APF - Ouest)/Number of views (15064)/Comments (0)/
Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Selon un nouveau sondage Léger, près de la moitié des Canadiens sont au courant de la récente controverse à l’Université d’Ottawa, et plus de la moitié ont tendance à soutenir la professeure ayant prononcé le «mot en n» dans le cadre de son cours Art and Gender plutôt que les étudiants.

Saturday, November 7, 2020/Author: Marie-Paule Berthiaume (Francopresse)/Number of views (13100)/Comments (0)/
Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

La ministre Mélanie Joly invite le gouvernement de l’Alberta à annuler sa décision de couper le financement du campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, dans une lettre adressée au premier ministre de la province, Jason Kenney.

Sunday, November 1, 2020/Author: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Number of views (15691)/Comments (0)/
Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

C'est un premier débat radiophonique parfois houleux qui a eu lieu le 20 octobre entre Alpha Barry et Siriki Diabagaté, les deux prétendants au poste de conseiller scolaire de Regina.

Friday, October 23, 2020/Author: Marie-Lou Bernatchez/Number of views (12113)/Comments (0)/
Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

LE DROIT (Ontario) – Le débat autour de la suspension d’une professeure de l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé le mot «n**ger» continue de faire rage.

Wednesday, October 21, 2020/Author: Daniel LeBlanc e)t Julien Paquette (Le Droit)/Number of views (14299)/Comments (0)/
Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Les parents fransaskois de Regina et Saskatoon seront appelés aux urnes le 28 octobre pour choisir leur conseiller scolaire dans le cadre des élections générales du Conseil scolaire fransaskois.

Thursday, October 15, 2020/Author: Estelle Bonetto/Number of views (15120)/Comments (0)/
Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Rentrée scolaire

La rentrée scolaire fransaskoise a eu lieu du 8 au 11 septembre partout dans la province. L’eau vive s’est entretenue avec quelques parents pour faire le bilan d’une semaine riche en émotions.

Thursday, September 17, 2020/Author: Estelle Bonetto/Number of views (14936)/Comments (0)/
Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

La récente victoire du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSFCB) en Cour suprême laisse présager une possible expansion de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Friday, August 28, 2020/Author: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Number of views (14871)/Comments (0)/
RSS
123468910Last

 - Friday 7 June 2024