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Moyen-Orient : des hommes de mauvaise volonté
Mychèle Fortin

Moyen-Orient : des hommes de mauvaise volonté

Il y a presque deux mois, il était question dans cette chronique du livre Apeirogon, un regard porteur d'espoir sur le conflit israélo-palestinien, « ce conflit qu'on finit par oublier tellement il dure ». Et voilà que depuis quelques semaines, on le retrouve à la une des actualités alors que les bombes pleuvent sur Gaza. Encore.

La dernière confrontation de cette ampleur remonte à l'été 2014, opposant Israël au Hamas et à d’autres forces paramilitaires palestiniennes dont le Jihad islamique. Avant, ce fut la Guerre de Gaza de 2008-2009, la Seconde Intifada de 2000 à 2005 et la Première Intifada de 1987 à 1993. On peut remonter comme ça jusqu'à la fondation d'Israël en 1948. Et même avant. Jusqu'à Abraham...

Cette fois, c'est la menace d’expulsion de familles palestiniennes au profit de colons israéliens qui a mis le feu aux poudres. Des centaines de manifestants palestiniens ont été blessés dans des affrontements avec la police israélienne sur l'esplanade des Mosquées à Jérusalem-Est. Le Hamas a riposté par un barrage de roquettes sur Israël, qui s'acharne depuis sur Gaza.

Une histoire de dépossession

Depuis la fin de la guerre des Six Jours, en juin 1967, Israël assure le contrôle de la Palestine, c’est-à-dire de la Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est, et de la bande de Gaza. Si les Palestiniens ont un degré limité d'autonomie, Israël conserve le contrôle des frontières, de l'espace aérien, de la circulation des personnes et des marchandises, du registre civil, de la sécurité.

Au cours des 54 dernières années, Israël a facilité et encouragé le transfert d'Israéliens juifs vers les territoires palestiniens occupés, leur accordant un statut supérieur aux Palestiniens vivant sur le même territoire. Les Accords d'Oslo, signés en décembre 1993 à la fin de la Première Intifada, apportaient une lueur d’espoir, mais rien n’a changé.

En 2005, à la fin de la Seconde Intifada, Israël retire 8 000 colons de la bande de Gaza, mais garde le contrôle aérien, maritime et terrestre sur la quasi-totalité des frontières. Repli stratégique, car une fois les colons retirés de la zone, il est beaucoup plus facile de la contrôler. Lorsque non seulement Israël, mais aussi l'Autorité palestinienne refusent de reconnaître la victoire du Hamas aux élections législatives palestiniennes, celui-ci s'empare du pouvoir par les armes et, en 2007, forme son propre gouvernement à Gaza. Israël impose alors un blocus, dont l'intensité a diminué depuis, mais toujours en vigueur.

En 2017, la Knesset, le parlement israélien, adopte une loi légalisant rétroactivement l’expropriation de terres palestiniennes réalisée par les colonies dites ‘’sauvages’’, c’est-à-dire construites à l’encontre du droit israélien lui-même. Les partis d’opposition ont dénoncé cette loi proposée par le parti nationaliste religieux d’extrême droite Le Foyer juif. « Ces bandits sont parvenus à convaincre la Knesset d’adopter une loi […] qui ne fait ni plus ni moins que légaliser le crime organisé », note Lorraine Guay dans son article Palestine : vers la dépossession totale, publié dans la revue Relations en mai-juin 2017.

Au cours des dernières années, le rythme de la colonisation juive des territoires palestiniens s’est accéléré, souvent à l'encontre du droit international. La présidence de Donald Trump s'est avérée un cadeau pour Israël. L’administration états-unienne a donné au gouvernement de Benyamin Nétanyahou tout ce qu’il voulait. Y compris, en mai 2018, l’ouverture de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, suivie d'une déclaration en novembre de la Maison-Blanche affirmant qu'elle ne considérait plus les colonies juives en Cisjordanie occupée comme contraires au droit international.  

La stratégie du fait accompli

Assiste-t-on à la victoire de « la stratégie du fait accompli », telle que décrite par l’ancien premier ministre israélien Ariel Sharon en 1973 ? « Nous ferons des Palestiniens un sandwich au pastrami. Nous insérerons une couche de colonies juives parmi eux, puis une autre (...), et encore une autre. Si bien que, dans 25 ans, ni les États-Unis ni les Nations unies ne seront capables de les séparer les uns des autres », avait-il déclaré.

Presque 50 ans plus tard, le "sandwich" ne passe toujours pas. Bombes et roquettes se croisent. L'ONU fait ce qu'elle peut, les menuets diplomatiques ont repris. Les marchands d'armes attendent en coulisse. Si, comme l'affirme Joe Biden et d'autres, une solution à deux États est la seule réponse possible, est-elle réalisable ? En attendant, on se demande jusqu'où la soif de territoires des uns et la colère de la dépossession des autres iront. En attendant, comme l'écrit le sociologue Michaël Séguin, « Gaza demeure la plus grande prison à ciel ouvert du monde».

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