Skip Navigation
Alexander Panetta (Presse canadienne)
/ Categories: 2016, Société, Francophonie

Les Cajuns de la Louisiane renouent de plus en plus avec le français

Louisiane
ARNAUDVILLE, La. - Au coeur du pays cajun, les plus vieux se souviennent des punitions corporelles que leurs professeurs leur infligeaient afin qu'ils cessent de parler en français.

Un jour, Rita Dautreuil-Marks a eu le malheur de ne pas obéir. La punition n'a pas tardé. Vlan! Un coup de règle sur le bout des doigts! Elle raconte aussi que des enfants étaient parfois enfermés dans une salle sans éclairage et privés de dîner.

Merlin Fontenot, un Cajun âgé de 92 ans, dit que si on enfreignait la règle une première fois, la punition était d'aller copier 100 fois la phrase "I WILL NOT SPEAK FRENCH" (Je ne parlerai plus en français) au tableau. La récidive entraînait un coup de règle sur les jointures.

Les professeurs ne faisaient qu'appliquer la loi. La langue de Molière a été interdite dans les écoles de la Louisiane pendant un demi-siècle en vertu de la constitution de l'État adoptée en 1921. Les autorités espéraient ainsi mieux intégrer les communautés les plus pauvres à la société américaine en les éveillant à la modernité.

Certains instituteurs étaient plutôt vicieux, se rappelle George Arnaud.

"Ils nous faisaient mettre à genoux s'ils nous surprenaient, raconte l'homme de 66 ans. Des fois, (on devait se mettre à genoux) sur du riz ou du maïs pour que cela nous fasse encore plus mal."

Les mauvais traitements ont atteint leur objectif. M. Arnaud, qui ne parlait que le français avant ses études, avait presque tout oublié de ses rudiments à l'âge adulte. Ce capitaine de bateau a recommencé à employer la langue en discutant avec des collègues. "(Aujourd'hui), j'aime mieux parler en français", lance-t-il.

Mme Dautreuil-Marks a dû essuyer un échec scolaire. Pour éviter que ses enfants ne soient eux aussi punis comme elle le fut, elle a refusé de leur enseigner sa langue maternelle.

Déclin

Le déclin du français en Louisiane a atteint des proportions dramatiques. En une décennie, le nombre de francophones a chuté de 194 000 à 115 000 sur ce territoire qui a accueilli un certain nombre d'Acadiens déportés par les Britanniques, en plus de Créoles et d'Européens.

Quatre générations ont suffi pour compléter l'assimilation: des baby-boomers se rappellent de leurs grands-parents qui ne parlaient que le français et de leurs parents qui le parlaient la plupart du temps. Eux, ils utilisent principalement l'anglais tandis que leurs enfants ne parlent que la langue de Shakespeare.

Autre signe de cette lente disparition: une paroisse fondée en 1824 fut baptisée "Évangéline" du nom de l'héroïne d'un poème de Henry Wadsworth Longfellow racontant la déportation des Acadiens en 1755. Aujourd'hui, moins d'un résidant sur cinq parle encore le français.

Mais, aussi bizarre que cela puisse paraître, les gens font preuve d'optimisme quand on leur parle de la survie de la langue dans ce coin des États-Unis.

Non seulement la Louisiane a révisé une nouvelle constitution, il y a 40 ans, elle a aussi créé une agence gouvernementale, le Conseil pour le développement du français en Louisiane (Codofil), dont le mandat est de promouvoir l'usage du français. David Cheramie l'a dirigé pendant 13 ans et il croit à un nouvel essor de la langue de Molière.

Bien sûr, le français n'aura jamais le statut d'antan mais sa présence est perceptible.

Ce qui aide est le changement d'attitude des résidants à l'endroit du français. Jadis la langue des prolétaires, il est aujourd'hui un joyau patrimonial et sophistiqué.

Bref, le français est à la mode.

"C'était la langue des ignorants, mentionne M. Cheramie. Aujourd'hui, (les enfants) sont fiers de la parler. Ils n'en ont pas honte comme il y a 50 ans."

Pour bien appuyer ce qu'il raconte, l'ancien patron du Codofil emploie même le mot français. "C'était une 'honte'. Parler à ses enfants en français, c'est comme si on les maltraitait. Aujourd'hui, c'est à l'opposé. Les attitudes envers le français ont complètement changé."

La résurgence de la culture française est présente dans les villes du bayou louisianais.

Les panneaux indicateurs et les affiches de magasin sont rédigés en français. Et on peut aussi entendre la langue de Molière sur les ondes de certaines radios. Même le zydeco, un genre musical reposant sur un grand emploi de l'accordéon, laisse une grande place au français dans ses chansons. D'ailleurs, le nom de ce style musical dérive en partie de la perception des anglophones d'une vieille rengaine "Les haricots sont pas salés".

De nombreux projets linguistiques sont en cours d'élaboration.

Certains d'entre eux sont d'ordre pédagogique. Des programmes d'immersion, semblables à ceux que l'on retrouve au Canada, sont de plus en plus populaires, attirant de nos jours jusqu'à 4000 étudiants. D'autres se rendent sur la terre de leurs ancêtres pour y étudier, à l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse, par exemple.

L'actuel patron du Codofil, Charles Larroque, a appris le français au Québec. Il est venu au Québec à l'époque des Jeux olympiques de 1976. Il a épousé une Québécoise, est demeuré près d'une décennie dans la Belle Province avant de retourner en Louisiane pour y enseigner.

Même la promotion du français a dû évoluer avec le temps. Auparavant, dans les années 1980, M. Larroque exhortait ses jeunes étudiants à apprendre le français afin de mieux communiquer avec leurs grands-parents. Une génération plus tard, il a modifié son approche. Aujourd'hui, apprendre le français permet d'accroître les occasions d'affaires, autant pour les gens travaillant dans le secteur du tourisme, pour les professionnels de la santé voulant oeuvrer à l'étranger ou ceux du secteur des ressources naturelles s'installant en Afrique.

Selon lui, les gens qui apprennent le français doivent trouver les endroits pour l'utiliser. "C'est comme si on s'habillait chic sans avoir d'endroit où aller, lance-t-il. Ils veulent faire des choses, des choses intéressantes en français. C'est là où nous en sommes."

D'autres démarches sont purement culturelles.

Dans un vieil entrepôt rénové près d'une autoroute, George Marks et Mavis Fruge sont parvenus à trouver diverses façons pour amener les gens à parler en français: clubs de broderie, expositions et tables rondes rassemblent jeunes et vieux à Arnaudville.

Lui est peintre, la force créatrice derrière Nunu, un centre d'art communautaire. Elle est l'épouse d'un militaire à la retraite, qui, à son retour en Louisiaine après 21 ans d'absence, s'est lancée dans le projet de préserver le français. Tous deux lanceront bientôt leur plus gros projet en offrant une immersion culturelle cajun. Ils ont transformé un ancien hôpital pour y loger des visiteurs. Dès cette année, ils espèrent pouvoir organiser des rencontres entre leurs étudiants et des pêcheurs de crabes, des épiciers et des fermiers afin de les familiariser avec le vocabulaire local.

Le but: protéger quelques éléments du patois régional.

"Le français, comme on le connaît, c'est probablement fini, concède M. Marks. Le français en Louisiane évolue."

George est le fils de Rita. Elle ne lui a jamais appris le français mais elle est fière de son fils, fière qu'il l'ait appris quand même, en écoutant des personnes âgées et en visitant la France.

Mme Fruge parle couramment la langue mais son petit-fils lui a montré quelque chose qu'on ne lui avait pas appris à l'école: le serment d'allégeance au drapeau des États-Unis dans sa langue maternelle.

"Je fais serment de fidélité au drapeau des États-Unis", commence-t-elle avant de le réciter au complet en appuyant bien les derniers mots "liberté" et "justice pour tous".

"C'est beau, hein? C'est très bien, j'adore ça", ajoute la dame de 77 ans, sourire aux lèvres. 

 

Print
36782

Alexander Panetta (Presse canadienne)Presse Canadienne

Other posts by Alexander Panetta (Presse canadienne)
Contact author

Contact author

x
Mission de recrutement du Collège Mathieu à l'étranger

Mission de recrutement du Collège Mathieu à l'étranger

Le directeur du Collège, Francis Kasongo, dresse un bilan positif

La mission de recrutement international ciblait l’Afrique francophone de l’Ouest avec pour objectif essentiel, faire de la promotion et du recrutement d’étudiants francophones au Sénégal et au Cameroun, précisément à Dakar, Douala et Yaoundé.
Wednesday, March 16, 2016/Author: Collège Mathieu/Number of views (27777)/Comments (0)/
Une étudiante de Regina lauréate du concours "Ma francophonie en 3 D"

Une étudiante de Regina lauréate du concours "Ma francophonie en 3 D"

Jessie Guraliuck de la Cité universitaire parmi les cinq gagnants au Canada

Jessie Guraliuck, étudiante au Bac en éducation à la Cité universitaire francophone de l'Université de Regina, a gagné une bourse de 1000 $ à l'issue du concours vidéo Ma francophonie en 3D

Monday, March 14, 2016/Author: Anonym/Number of views (28765)/Comments (0)/
Le centre éducatif Trésors du Monde : entre défis et réussites

Le centre éducatif Trésors du Monde : entre défis et réussites

PRINCE ALBERT - Ouvert il y a 2 ans, le Centre de la petite enfance (CPE) Trésors du Monde connaît une activité croissante dans l’accueil des enfants âgés de 6 semaines à 5 ans.

Thursday, March 10, 2016/Author: Sandra Hassan Farah /Number of views (29955)/Comments (0)/
L’université franco-ontarienne ira de l’avant

L’université franco-ontarienne ira de l’avant

La députée provinciale NPD, France Gélinas, avait déposé le projet de loi 104 en novembre 2015, adopté à l’unanimité par les trois partis. Pourtant, aucune action n’a été mise en place depuis par la première ministre Kathleen Wynne.
Monday, February 22, 2016/Author: Laurence Stenvot (Le Métropolitain) /Number of views (24199)/Comments (0)/
La grande aventure de la petite enfance

La grande aventure de la petite enfance

Le Collège Mathieu, un point de départ pour une carrière dans la petite enfance

Hind Rami, originaire du Maroc, s’est établie en Colombie-Britannique avant de s'installer en Saskatchewan il y douze ans.  Le projet d’Hind était de fonder deux centres de la petite enfance.

Friday, February 5, 2016/Author: Anonym/Number of views (21095)/Comments (0)/
Donald Michaud quitte la Direction de l’éducation du CÉF

Donald Michaud quitte la Direction de l’éducation du CÉF

Le Président du Conseil scolaire fransaskois (CSF), André Denis, a annoncé le 26 janvier que Donald Michaud quitte ses fonctions de Directeur de l’éducation au Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) pour des raisons familiales et personnelles.

Wednesday, January 27, 2016/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (28879)/Comments (0)/
Une fin de semaine de formation pour les artistes fransaskois

Une fin de semaine de formation pour les artistes fransaskois

Dix artistes on participé à Tremplin pro du Conseil culturel fransaskois

Ce sont dix artistes de la musique qui se sont réunis à Regina les 23 et 24 janvier 2016 afin de bénéficier de la formation Tremplin pro avec les intervenantes Nathalie Kleinschmit et Cécile Doo-Kingué.

Monday, January 25, 2016/Author: Conseil culturel fransaskois/Number of views (34672)/Comments (0)/
L'article 23 de la Charte canadienne toujours devant les tribunaux

L'article 23 de la Charte canadienne toujours devant les tribunaux

Au cours des dernières années, il y a eu beaucoup de discussions dans la communauté fransaskoise concernant les meilleurs moyens d’assurer une éducation de qualité pour les élèves des écoles du système fransaskois. Certains disent qu’il faut une approche positive et des négociations de bonne foi avec le gouvernement tandis que d’autres affirment que les défis requièrent des solutions fortes comme les recours judiciaires.

Tuesday, January 12, 2016/Author: Wilfrid Denis/Number of views (33483)/Comments (0)/
Les élèves francophones sensibilisés à l’intimidation à l’école

Les élèves francophones sensibilisés à l’intimidation à l’école

 

REGINA - Dans le cadre de la semaine sur la sensibilisation à l’intimidation à l’école, les élèves de l’école Monseigneur de Laval, à Regina, ont participé mercredi à un atelier interactif pour les informer des dangers du harcèlement en milieu scolaire et sur Internet.

 

 

 

Friday, November 27, 2015/Author: Sébastien Németh (EV)/Number of views (39098)/Comments (0)/
Le CREPE de Prince Albert dévoile son nouveau visage

Le CREPE de Prince Albert dévoile son nouveau visage

PRINCE ALBERT - Le Centre de ressources éducatives à la petite enfance (CREPE) de Prince Albert vient de rouvrir ses portes après des travaux de réaménagement. Ce service, qui existe depuis plus de 30 ans, représente un outil majeur pour tous les établissements intervenant en français auprès de la petite enfance.

 

Thursday, November 26, 2015/Author: Sandra Hassan Farah (EV) /Number of views (39811)/Comments (0)/
Prix Alpha Sask 2015

Prix Alpha Sask 2015

Anna Smith est la récipiendaire du prix Alpha Sask 2015. Ce prix, décerné par le Collège Mathieu, récompense un texte relatant l’expérience d’un individu qui apprend ou réapprend le français.

 

Wednesday, November 11, 2015/Author: L'Eau vive/Number of views (29436)/Comments (0)/
Symposium des parents ou comment communiquer avec un enfant

Symposium des parents ou comment communiquer avec un enfant

Plus de 170 personnes ont participé à la 24e édition du Symposium des parents qui s’est déroulée à Saskatoon ce 24 octobre, au Pavillon Gustave Dubois. Fil conducteur de cette journée organisée par l’Association des parents fransaskois (AFP) : «meilleure communication, meilleures relations »


 

Thursday, October 29, 2015/Author: Sandra Hassan Farah /Number of views (25962)/Comments (0)/
Le Collège Mathieu s'internationalise

Le Collège Mathieu s'internationalise

GRAVELBOURG -  Le Collège Mathieu, basé à Gravelbourg, a reçu la désignation du ministère provincial de l’Enseignement supérieur pour accueillir des étudiants étrangers. 

Thursday, October 22, 2015/Author: Émilie Dessureault-Paquette (EV)/Number of views (26347)/Comments (0)/
Éducation: 25 ans de l’arrêt Mahé

Éducation: 25 ans de l’arrêt Mahé

Le droit scolaire continue son chemin au Canada français

L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés de 1982 comprenait-il la gouvernance des établissements d’enseignement? Des parents francophones d’Edmonton ont pris les devants et gagné en Cour suprême en 1990. Une jurisprudence était fondée. Celle de l’arrêt Mahé.

Thursday, October 22, 2015/Author: Anonym/Number of views (27159)/Comments (0)/
L'Omnium de volleyball réunit près de 500 jeunes du CÉF

L'Omnium de volleyball réunit près de 500 jeunes du CÉF

SASKATOON - Les 8 et 9 octobre derniers, environ 480 jeunes des écoles secondaires fransaskoises ont participé à l’Omnium de volleyball organisé au Centre de soccer Henk Ruys de Saskatoon par le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF). L’une des rares occasions pour les jeunes de toute la province de se retrouver chaque année.

Wednesday, October 14, 2015/Author: Sébastien Németh (EV)/Number of views (34246)/Comments (0)/
RSS
First1314151618202122Last

 - Saturday 15 June 2024