Skip Navigation
Biden renforce « Buy America » : le Canada en a vu d’autres
Francopresse
/ Catégories: Économie, Politique

Biden renforce « Buy America » : le Canada en a vu d’autres

FRANCOPRESSE – Le décret présidentiel signé par Joe Biden qui renforce les dispositions du « Buy America », favorisant l’achat aux États-Unis, pourrait empêcher certaines entreprises canadiennes d’obtenir des contrats du gouvernement fédéral américain. Des mesures protectionnistes qui n’inquiètent pas les observateurs outre mesure.

« Le décret ne vise pas spécifiquement le Canada, mais ce que je peux dire que ce n’est pas un changement très important sur le dossier, explique Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) de Montréal. Donald Trump avait fait à peu près la même chose il y a quelques années, et Barack Obama avait fait à peu près la même chose en 2010. »

Le décret présidentiel, signé le 25 janvier, vient renforcer deux mesures législatives, le « Buy America Act » de 1933, adopté dans le contexte de la Grande Dépression, qui encadre tous les marchés publics du gouvernement fédéral ; et les dispositions « Buy American », qui datent de 1982 et ciblent plus particulièrement les transports et les infrastructures, ajoute Stéphane Paquin.

Ce que le décret présidentiel vient faire, selon Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, « c’est un peu amalgamer toutes les politiques, les décrets, les mesures qui avaient été prises depuis des dizaines d’années et qui faisaient en sorte que c’était vraiment un patchwork, une courtepointe de mesures qui étaient très disparates ». 

Le nouveau décret demande que tous les responsables des achats gouvernementaux au niveau du gouvernement fédéral présentent un plan pour augmenter le contenu de produits et services américains dans les achats publics fédéraux, dit Geneviève Dufour.

Elle ajoute que les dispositions protectionnistes américaines antérieures s’appliquaient « à géométrie variable » et permettaient beaucoup de dérogations. Ce décret présidentiel crée un processus rigoureux pour encadrer ces dérogations, et centralise toutes ces décisions dans les mains du responsable « Buy America » au sein du bureau du président.

Des conséquences pour le Canada?

Image
Selon Geneviève Dufour, professeure à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, le décret du président Biden ne fait que consolider des mesures déjà présentes dans la législation américaine. Crédit : Université de Sherbrooke
 « Pour l’instant, on est dans l’incertitude. On ne sait pas comment [ce décret] va s’appliquer, mais on sait que ça va avoir un impact », pense la juriste Geneviève Dufour.

« Globalement, je ne suis pas si inquiet que ça pour le moment, ajoute Stéphane Paquin. Mais tout ça peut changer bien vite. [Alors] il faut prendre ça au sérieux, le gouvernement doit se mobiliser, nos ambassadeurs doivent quand même aller faire des représentations, s’assurer que les Canadiens aient des exemptions. »

« Depuis Obama, c’est la troisième fois que ça ce produit. Il y a des indices qui  montrent que, dans le passé, les Américains ont été pragmatiques et que l’intégration des chaines de production sont tellement importantes entre les États-Unis et le Canada qu’il finit toujours par y avoir des exceptions pour les produits canadiens », souligne le politologue.

Selon Geneviève Dufour, «on vit déjà depuis des décennies dans un cadre sous lequel les Américains privilégiaient des achats locaux dans leurs appels d’offres, mais il y a quand même  des choses qui changent. Et on se rappelle qu’en 2009, Barack Obama avait adopté une nouvelle politique de “Buy American”, et que ça avait vraiment déplu aux Canadiens».

Le Canada et les États-Unis avaient négocié pendant des mois pour exclure les entreprises canadiennes des mesures protectionnistes américaines qui avaient été adoptées dans la foulée du plan de relance à la suite de la crise financière de 2008, poursuit la professeure Dufour.

Image
Stéphane Paquin, professeur à l’École nationale d’administration publique de Montréal (ÉNAP) et directeur du Groupe d’études sur l’international et le Québec, croit que les mesures protectionnistes américaines s’inscrivent dans une logique politique plutôt qu’économique. Crédit : ÉNAP
 « Biden est beaucoup moins hostile envers le Canada, il a une relation amicale avec le premier ministre Trudeau. Il sait que les Canadiens sont insatisfaits par rapport à l’abandon du pipeline Keystone XL. On peut penser que pour un cas comme celui-là, il serait capable de donner au Canada l’équivalent de ce que l’administration Trump a offert au Canada il y a trois ans [avec l’ACÉUM] », pense Stéphane Paquin.

Cependant, avertit Geneviève Dufour, « le décret […] va rendre beaucoup plus automatique et systématique l’application du  « Buy America Act ». Les entreprises canadiennes risquent de perdre des contrats, de ne pas être en mesure de postuler directement dans les appels d’offres du gouvernement fédéral ».

Selon la juriste, l’intégration importante des chaines de valeurs entre le Canada et les États-Unis risque aussi d’exclure un bon nombre d’entreprises américaines des appels d’offres fédéraux si le décret est appliqué de façon rigoureuse, parce qu’une bonne partie des composantes de leurs produits provient de l’autre côté de la frontière.

Stéphane Paquin souligne en contrepartie que « pour bien des entreprises américaines qui font des contrats publics, qui font des appels d’offres, se poser la question si une entreprise canadienne se qualifie ou non en vertu du droit international est parfois si complexe qu’ils peuvent être tentés d’écarter du processus les entreprises canadiennes ».

Le Government Accountability Office (GAO) américain évaluait que les entreprises canadiennes avaient décroché 0,2% des contrats publics fédéraux en 2015, pour une valeur de 623 millions $.

Les acteurs économiques canadiens dans l’expectative

Le directeur québécois d’UNIFOR, Renaud Gagné, s’attendait à l’imposition de mesures protectionnistes, qui sont communes depuis plusieurs administrations américaines.

« Ça nous inquiète, naturellement, cet élément-là, mais il reste quand même qu’il y a eu des exemptions par le passé », pondère le syndicaliste.

À la Chambre de commerce de l’Atlantique, la présidente et directrice générale Sheri Somerville dit « surveiller la situation de près, mais elle en est encore à ses débuts ».

« À court terme, c’est dur à dire quels seront les impacts précisément, mais c’est des milliers d’entreprises, des millions d’emplois qui sont en lien avec le commerce interfrontalier entre le Canada et les États-Unis », estime Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI).

Image
Louis Allain, directeur général du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), l’intégration des chaines de valeur des deux côtés de la frontière contraindra les deux parties à négocier. Crédit : Marcel Druwé
De son côté Louis Allain, directeur général du Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba (CDEM), estime qu’on « est un peu condamné à continuer de tricoter ensemble pour trouver des terrains d’entente », d’autant plus que les chaines de valeur sont très intégrées des deux côtés du 49e parallèle.

Renaud Gagné, en contrepartie, ne croit pas qu’il y ait un impact majeur sur le Canada, puisqu’on vient de négocier un nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis, et qu’on est son principal partenaire commercial. 

Pour Louis Allain, ces mesures protectionnistes sont une « façade politique, qui ne repose pas sur une réalité économique […] le gouvernement va être très attentif à ce que les entreprises ont à dire, parce que n’oubliez pas que de nombreuses entreprises ont des sièges dans les deux pays ».

À la lumière du renforcement des politiques « Buy America », croit Renaud Gagné, le gouvernement canadien devrait peut-être reconsidérer ses propres politiques d’achat public, parce que présentement aucune mesure n’exige du contenu canadien.

Image
Pour Jasmin Guénette, vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), il est difficile d’évaluer quels seront les impacts des mesures annoncées. Crédit : FCEI
Il rappelle le cas du renouvèlement du parc de VIA Rail en 2018, alors que le contrat avait été accordé à la compagnie Siemens et que tous les wagons avaient été construits aux États-Unis.

Des complications au niveau du droit international

La renégociation de l’ALENA, devenu l’Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACÉUM) vient compliquer la donne pour exempter les entreprises canadiennes des restrictions protectionnistes américaines, estime Geneviève Dufour.

« Pour l’ACÉUM, il y a une particularité : il n’y a pas de disposition sur les marchés publics applicables entre le Canada et les États-Unis. Les dispositions sur les marchés publics dans l’ACÉUM ne s’appliquent qu’aux relations entre le Mexique et les États-Unis », explique la juriste de l’Université de Sherbrooke. 

Selon elle, il serait donc « très discutable au niveau du droit international économique » qu’il puisse y avoir une entente entre le Canada et les États-Unis sur l’accès aux marchés publics, parce que cela violerait le principe de « non-discrimination » entre partenaires commerciaux en privilégiant le Canada.

Image
Renaud Gagné, directeur québécois d’UNIFOR, croit que le Canada devrait imposer du contenu canadien dans ses propres achats publics. Crédit : UNIFOR
 « La seule façon de [rendre un éventuel accord entre le Canada et les États-Unis légal], c’est de rouvrir l’ACÉUM, et d’inclure les marchés publics. […] Les États-Unis n’ont pas le droit de privilégier le Canada, à moins que ce ne soit prévu dans une entente de libre-échange en bonne et due forme, qui couvre une majorité de secteurs, et qui est présenté à l’OMC », conclut la juriste.

Des mesures politiques plutôt qu’économiques

Pour Stéphane Paquin, la logique derrière ces mesures protectionnistes est beaucoup plus politique qu’économique : la dernière élection a été très serrée dans certains États industriels du Midwest, comme le Michigan, l’Illinois et la Pennsylvanie. Des États autrefois très syndiqués et proches des démocrates, mais qui se sont désindustrialisés dans les dernières décennies.

« Et il y a un discours très fort qui provient de ces régions, les anciens travailleurs syndiqués qui étaient à la base du Parti démocrate sont assez frustrés, typiquement assez hostiles au libre-échange. Ces gens-là ont voté pour Trump, et Biden essaie de s’adresser à eux dans l’espoir que le Parti démocrate puisse s’installer de façon plus permanente dans ces régions », estime Stéphane Paquin

Imprimer
11375

FrancopresseFrancopresse

Autres messages par Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Entretien avec Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises

Le CÉF travaille à établir un modèle unique d’école communautaire citoyenne en Saskatchewan. Il vise à favoriser à la fois la réussite des élèves et l’épanouissement des communautés.

19 novembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23146)/Commentaires (0)/
École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

Une semaine après que les Franco-Colombiens aient demandé de meilleures écoles devant la Cour Suprême…

2 novembre 2019/Auteur: Réjean Paulin/Nombre de vues (22640)/Commentaires (0)/
Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Le NCLEX (National Council Licensing Examination) fait trembler bien des candidats francophones au programme de sciences infirmières. Si dans sa version anglaise plus de 80 % d’entre eux réussissent au niveau national, le taux de réussite tombe à 30 % pour les candidats en français.

31 octobre 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (27528)/Commentaires (0)/
Une communauté dévouée pour son école

Une communauté dévouée pour son école

Un nouveau terrain de jeu pour l'École Providence de Vonda

Grâce à la mobilisation des parents, du personnel et de la ville, l’École Providence de Vonda s’est paré d’un terrain de jeu flambant neuf pour le plus grand plaisir des enfants.

23 septembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (30078)/Commentaires (0)/
Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

L’école Monseigneur de Laval, Pavillon secondaire des Quatre Vents à Regina, n’a rien à envier aux établissements de la majorité.

23 septembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23777)/Commentaires (0)/
La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

Un programme offert de la maternelle à la 3e année

SASKATOON - Les étudiants de la maternelle à la 3e année de l’école St. Michael Community School à Saskatoon auront l’occasion de suivre le premier programme d’apprentissage de la langue michif offert dans la ville et l’un des deux seuls programmes à l’échelle de la province.

15 septembre 2019/Auteur: Jean-Philippe Deneault/Nombre de vues (26088)/Commentaires (0)/
Retrouvailles au Collège Mathieu

Retrouvailles au Collège Mathieu

45 ans après avoir terminé leurs études au Collège Mathieu d'anciens élèves se sont rencontrés à Gravelbourg.

 

29 août 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (26629)/Commentaires (0)/
Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

SASKATOON - Sur près de 1 200 professeurs à l’Université de la Saskatchewan, on compte une vingtaine de francophones. L'Eau vive en a rencontré six.

21 juillet 2019/Auteur: Jean-Philippe Deneault/Nombre de vues (27824)/Commentaires (0)/
Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Née à Saskatoon, Amélie a effectué tout son parcours scolaire à l’École canadienne-française, depuis la garderie jusqu’à la 12e année. Elle part maintenant étudier les sciences en français à l’Université d’Ottawa.

19 juillet 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (24706)/Commentaires (0)/
Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Remise des prix Expo-science 2019

REGINA - Le 20 juin dernier, à l’école Monseigneur de Laval de Regina, on a pu assister à un spectacle de chansons, de danses concocté par les classes de 3e année,ainsi qu'à la remise des prix aux gagnants de l’Expo-sciences qui s‘était déroulée au début du mois.

16 juillet 2019/Auteur: Linda Morales/Nombre de vues (25368)/Commentaires (0)/
Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Terry Gaudet et Michel Forest honorés par la Saskatchewan High Schools Athletic Association

Terry Gaudet et Michel Forest, enseignants respectivement à l’École St-Isidore à Bellevue et à l’École Mathieu de Gravelbourg, ont chacun reçu le Prix du service de la Saskatchewan High Schools Athletic Association (SHSAA). Ces récompenses viennent souligner l’implication remarquable des deux instituteurs pour le sport à l’école.

13 juillet 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (27585)/Commentaires (0)/
Une foire des sciences totalement en français

Une foire des sciences totalement en français

Expo-sciences à Mgr de Laval

REGINA - Le jeudi 6 juin 2019 avait lieu la foire des sciences de l’école Monseigneur de Laval. Les élèves de la 3e et de la 5e année étaient présents pour exposer leurs projets de recherche. 

22 juin 2019/Auteur: Linda A. Morales/Nombre de vues (26184)/Commentaires (0)/
Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

SASKATOON - Pour la première fois, cinq étudiantes de l’Université de la Saskatchewan ont reçu ce 5 juin à Saskatoon une certification de common law en français de l’Université d’Ottawa. 

21 juin 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (30275)/Commentaires (0)/
62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

VANCOUVER - Le lundi 13 mai 2019, la ministre des Langues officielles Mélanie Joly a annoncé une stratégie nationale de recrutement et de rétention des enseignants francophones.

4 juin 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (33506)/Commentaires (0)/
Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Malgré le fait que l’édifice des Sœurs de la Présentation de Marie ait été construit dans les années 1960, sauf la piscine (années 1980), il s’agit d’une occasion de créer, au-delà du concept de centre scolaire communautaire, un pôle d’attraction et de développement unique en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien.

25 avril 2019/Auteur: Michel Dubé/Nombre de vues (27477)/Commentaires (0)/
RSS
Première45679111213Dernière

 - vendredi 17 mai 2024