Skip Navigation
Festival Cinergie 2024

Réflexions d'un intellectuel innu sur la condition autochtone

Pierrot Ross-Tremblay se penche sur l'oubli culturel chez les Premiers Peuples

Pierrot Ross-Tremblay

Pierrot Ross-Tremblay

Directeur du département de sociologie et professeur à l’Université Laurentienne à Sudbury
Photo: courtoisie

En poste depuis 2014, Pierrot Ross-Tremblay est directeur du département de sociologie et professeur à l’Université Laurentienne à Sudbury. Depuis 10 ans, ses recherches en sociologie de la mémoire portent sur le phénomène de l’oubli culturel chez les Premiers Peuples et, en particulier, au sein de son groupe d’origine les Innus d’Essipit.

Essipit, voisine de Tadoussac est la porte du grand Nitassinan, la terre ancestrale en plein fjord du Saguenay. Pierrot Ross-Tremblay savait-il, enfant, quand il regardait s’ébattre les baleines bleues dans ce havre de paix, que la communauté de sa mère serait source d’inspiration pour sa carrière professionnelle ?

Sa soif d’apprendre l’a amené à faire un baccalauréat en droit à l’Université Laval, une maîtrise en étude de conflits à l’Université d’Ottawa puis un doctorat de l’Université d’Essex en Grande-Bretagne. Sa spécialisation ? La gestion de conflits, la résolution de problèmes complexes et le processus de négociation impliquant les Premières Nations. On l’appelle aussi quand on veut discuter des conséquences des politiques de l’oubli sur la mémoire collective des Innus et sur les relations intergénérationnelles au sein de la communauté. « Mes recherches doctorales portaient sur la production de l’oubli culturel au Canada à partir du cas spécifique de ma communauté d’origine. »

S’intéresser à ce que les gens veulent oublier est périlleux, en particulier lorsqu’un leader de la communauté y contribue pour une diversité de raisons. Il dit à ses étudiants : « Soyez très prudents si vous voulez faire une telle expérience chez vous. » La recherche de la vérité est périlleuse, mais « on devient chercheur, dit-il, en apprenant à naviguer sur cette incertitude ».

Sudbury, une nouvelle aventure

Partir pour Londres lui a permis de prendre du recul face au Québec et au Canada. « En travaillant notamment avec des Américains, des Britanniques et des Sud-Africains sur ces questions, je me sentais libre de dire les choses comme elles étaient plutôt que d’éviter le conflit ou de ménager les susceptibilités des « colonisés-colonisateurs » que sont devenus les Québécois dans leur relation avec les Innus. »

Et pourquoi l’Université Laurentienne ? « Un territoire magnifique. Une vraie diversité humaine. Sudbury est un lieu important pour les compagnies minières mais aussi un espace de convergence pour les Premiers Peuples (Anishinabe, Mohawks, Cree, etc.). Je préférais exercer mes recherches dans un lieu ou les enjeux seraient explicites, intenses, probants plutôt que cachés. Sudbury est aussi multilingue (anglais, français et anishinabe). Pour quelqu’un travaillant sur les récits de vie, c’est très important la diversité humaine et sa valorisation. Et j’ai été bien servi. »

Le père de trois jeunes enfants apprécie-t-il maintenant d’avoir une nouvelle corde à son arc en étant gestionnaire d’un département ? « J’ai vite découvert que la direction d’un département est extrêmement demandante, en particulier pour un nouveau professeur qui n’a pas la permanence. En plus de déménager dans une nouvelle ville, mettre sur pied une équipe de recherche sur des enjeux complexes, développer et enseigner de nouveaux cours, être identifié comme professeur autochtone (et francophone) et prendre en charge le département en entier était très ambitieux. J’ai eu dix ans d’expérience en trois ans.»

Être intellectuel et autochtone

En cours d’échanges avec le chercheur innu, on sent bien qu’il a eu des ajustements à faire et à découvrir un nouvel environnement. Que l’arrivée d’un chercheur innu et francophone ne va pas sans une adaptation de part et d’autre.

« L’université doit comprendre qu’engager un professeur innu francophone et sociologue mènera nécessairement à une critique interne de l’autorité, des finalités des politiques et des liens que l’université entretient avec les Premiers Peuples sans parler de ses liens avec les grandes compagnies d’extraction; engager des professeurs autochtones ne peut pas être qu’un simple exercice esthétique. Cela a aussi des implications éthiques très graves. Le territoire, l’eau, les forêts, toutes les espèces ne sont pas pour nous une abstraction, mais bien le cœur de qui nous sommes ».

Quant à ses nouveaux concitoyens, Pierrot Ross-Tremblay avoue que « les Franco-Ontariens, tout comme les Québécois, ont aussi absorbé des pans importants, souvent contre leur gré, de l’imaginaire colonial canadien qu’ils reproduisent, consciemment ou non, sur les Premiers Peuples. « Les couches de colonialismes sont épaisses au Canada. » Et le rôle souvent ingrat de l’intellectuel autochtone est de les faire voir, de les mettre en lumière dans le monde de la recherche qui demeure encore très inaccessible aux Premiers Peuples eux-mêmes. 

Pierrot Ross-Tremblay salue au passage « une série d’améliorations du département tels que le développement de nouvelles orientations et de cours et un esprit de collégialité renouvelé. Par exemple, nous avons un nouveau programme de criminologie très populaire parmi les étudiants. Nous avons aussi de nouveaux cours afférents aux enjeux autochtones ainsi que sur la mémoire et son appropriation par les communautés. Je suis aussi très fier de mon nouveau laboratoire de recherche sur la mémoire qui a déjà produit quelques récits de vie et du matériel de diffusion sans parler de nombreux projets en train de se développer avec les communautés de la baie James. L’Université demeure un lieu très fertile pour transformer les idées en action pour les Premiers Peuples. Qui de mieux que ceux ayant été privé de la liberté académique pour l’apprécier? C’est notre tour de prendre la parole et de dire les choses, pas tant pour être aimés que pour se guérir et renouveler nos relations.»

Imprimer
17054

André Magny (Francopresse)Francopresse

Autres messages par André Magny (Francopresse)
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Au CÉF, l’école se veut communautaire et citoyenne !

Entretien avec Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises

Le CÉF travaille à établir un modèle unique d’école communautaire citoyenne en Saskatchewan. Il vise à favoriser à la fois la réussite des élèves et l’épanouissement des communautés.

19 novembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23114)/Commentaires (0)/
École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

École et descendance française : Les francophones doivent-ils se satisfaire du minimum?

Une semaine après que les Franco-Colombiens aient demandé de meilleures écoles devant la Cour Suprême…

2 novembre 2019/Auteur: Réjean Paulin/Nombre de vues (22611)/Commentaires (0)/
Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Sciences infirmières : un examen national décrié par les francophones

Le NCLEX (National Council Licensing Examination) fait trembler bien des candidats francophones au programme de sciences infirmières. Si dans sa version anglaise plus de 80 % d’entre eux réussissent au niveau national, le taux de réussite tombe à 30 % pour les candidats en français.

31 octobre 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (27476)/Commentaires (0)/
Une communauté dévouée pour son école

Une communauté dévouée pour son école

Un nouveau terrain de jeu pour l'École Providence de Vonda

Grâce à la mobilisation des parents, du personnel et de la ville, l’École Providence de Vonda s’est paré d’un terrain de jeu flambant neuf pour le plus grand plaisir des enfants.

23 septembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (30014)/Commentaires (0)/
Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

Coup d'oeil sur l'École Mgr de Laval de Regina

L’école Monseigneur de Laval, Pavillon secondaire des Quatre Vents à Regina, n’a rien à envier aux établissements de la majorité.

23 septembre 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (23733)/Commentaires (0)/
La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

La langue michif au programme d'une école de Saskatoon

Un programme offert de la maternelle à la 3e année

SASKATOON - Les étudiants de la maternelle à la 3e année de l’école St. Michael Community School à Saskatoon auront l’occasion de suivre le premier programme d’apprentissage de la langue michif offert dans la ville et l’un des deux seuls programmes à l’échelle de la province.

15 septembre 2019/Auteur: Jean-Philippe Deneault/Nombre de vues (26033)/Commentaires (0)/
Retrouvailles au Collège Mathieu

Retrouvailles au Collège Mathieu

45 ans après avoir terminé leurs études au Collège Mathieu d'anciens élèves se sont rencontrés à Gravelbourg.

 

29 août 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (26591)/Commentaires (0)/
Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

Portraits de professeurs francophones de l’Université de la Saskatchewan

SASKATOON - Sur près de 1 200 professeurs à l’Université de la Saskatchewan, on compte une vingtaine de francophones. L'Eau vive en a rencontré six.

21 juillet 2019/Auteur: Jean-Philippe Deneault/Nombre de vues (27681)/Commentaires (0)/
Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Amélie Boutin, diplômée de l'École canadienne-française de Saskatoon

Née à Saskatoon, Amélie a effectué tout son parcours scolaire à l’École canadienne-française, depuis la garderie jusqu’à la 12e année. Elle part maintenant étudier les sciences en français à l’Université d’Ottawa.

19 juillet 2019/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (24685)/Commentaires (0)/
Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Quand les jeunes s’investissent pour la science !

Remise des prix Expo-science 2019

REGINA - Le 20 juin dernier, à l’école Monseigneur de Laval de Regina, on a pu assister à un spectacle de chansons, de danses concocté par les classes de 3e année,ainsi qu'à la remise des prix aux gagnants de l’Expo-sciences qui s‘était déroulée au début du mois.

16 juillet 2019/Auteur: Linda Morales/Nombre de vues (25345)/Commentaires (0)/
Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Deux enseignants reconnus pour leur engagement sportif

Terry Gaudet et Michel Forest honorés par la Saskatchewan High Schools Athletic Association

Terry Gaudet et Michel Forest, enseignants respectivement à l’École St-Isidore à Bellevue et à l’École Mathieu de Gravelbourg, ont chacun reçu le Prix du service de la Saskatchewan High Schools Athletic Association (SHSAA). Ces récompenses viennent souligner l’implication remarquable des deux instituteurs pour le sport à l’école.

13 juillet 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (27573)/Commentaires (0)/
Une foire des sciences totalement en français

Une foire des sciences totalement en français

Expo-sciences à Mgr de Laval

REGINA - Le jeudi 6 juin 2019 avait lieu la foire des sciences de l’école Monseigneur de Laval. Les élèves de la 3e et de la 5e année étaient présents pour exposer leurs projets de recherche. 

22 juin 2019/Auteur: Linda A. Morales/Nombre de vues (26155)/Commentaires (0)/
Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

Une première cohorte de juristes obtient des certifications en français

SASKATOON - Pour la première fois, cinq étudiantes de l’Université de la Saskatchewan ont reçu ce 5 juin à Saskatoon une certification de common law en français de l’Université d’Ottawa. 

21 juin 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (30203)/Commentaires (0)/
62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

62,6 millions de dollars pour lutter contre la pénurie d’enseignants

VANCOUVER - Le lundi 13 mai 2019, la ministre des Langues officielles Mélanie Joly a annoncé une stratégie nationale de recrutement et de rétention des enseignants francophones.

4 juin 2019/Auteur: Lucas Pilleri/Nombre de vues (32821)/Commentaires (0)/
Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Lettre du président de la SCFPA: Déménagement à l’Académie Rivier

Malgré le fait que l’édifice des Sœurs de la Présentation de Marie ait été construit dans les années 1960, sauf la piscine (années 1980), il s’agit d’une occasion de créer, au-delà du concept de centre scolaire communautaire, un pôle d’attraction et de développement unique en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien.

25 avril 2019/Auteur: Michel Dubé/Nombre de vues (27446)/Commentaires (0)/
RSS
Première45679111213Dernière

 - vendredi 10 mai 2024