Skip Navigation
Festival Cinergie 2024
ario Gilbert (Presse canadienne)
/ Catégories: 2014, Arts et culture, Théâtre

Le théâtre québécois en deuil: Paul Buissonneau s'éteint à l'âge de 87 ans

L'homme de théâtre Paul Buissonneau, qui a aussi été le "Picolo" d'une génération ou deux, est décédé dans la nuit de samedi à dimanche à l'âge de 87 ans.

C'est un autre homme de théâtre, Yves Desgagnés, qui a annoncé la triste nouvelle par l'entremise de son compte Twitter, dimanche après-midi. Rejoint par La Presse Canadienne, il a dit avoir appris la mort de M. Buissonneau par la conjointe de celui-ci.

"Son corps a cédé, mais pas son esprit. Il est resté jusqu'à la fin un homme très percutant, toujours fâché contre la bêtise humaine (...) Jamais je n'ai senti un signe de vieillissement chez cette personne-là. Son esprit était extrêmement vif", a confié M. Desgagné, en entrevue avec La Presse canadienne.

Éric Jean, directeur général du Quat'sous, qui l'a vu pour la dernière fois au mois de septembre, a abondé dans le même sens. Selon lui, Buissonneau est resté lucide jusqu'à la fin. Selon M. Jean, son vieillissement lui a toutefois permis de démontrer plus de tendresse, ce qui contrastait avec son image connue de personne flamboyante et colorée.

Homme à tout faire au théâtre, chanteur, directeur artistique de "La Roulotte", "Picolo", cofondateur de la troupe puis du Théâtre de Quat'sous, metteur en scène, comédien, décorateur ou costumier, Buissonneau a tout fait au théâtre ou à la télévision. Son imagination débridée et sa fougue contagieuse font de lui l'un des créateurs les plus marquants de la deuxième moitié du siècle dernier au théâtre québécois.

Né le 24 décembre 1926 à Paris au sein d'une famille modeste, il perdra tour à tour son père et sa mère, connaîtra l'Occupation nazie et survivra tant bien que mal avec ses trois frères et sa soeur plus âgés.

A 14 ans déjà, il fait des petits boulots en ateliers, ce qui lui sera très utile plus tard en décors et costumes, réalisés à partir d'un bout de chiffon et de vieilles chaussures.

Le Théâtre de la famille lui fait découvrir le monde de la scène, des décors et des costumes. Puis, en 1946, il entre aux Compagnons de la chanson et suit Édith Piaf en tournée dans le monde, notamment à Montréal, où il tombe amoureux d'une femme.

Après quatre ans aux Compagnons, Buissonneau lâche tout et revient à Montréal en 1950, attiré par l'amour. Retour aux petits boulots, puis une aventure déterminante dans sa vie: Claude Robillard, directeur du Service des parcs de la Ville de Montréal, lui confie en 1952 "La Roulotte", un théâtre de poche ambulant, qui existe toujours après plus de 60 ans.

Pendant 35 ans, il sera donc "fonctionnaire municipal", formant à sa folle école des dizaines de comédiens, notamment Yvon Deschamps, Jean-Louis Millette, Clémence Desrochers, Marcel Sabourin ou Robert Charlebois...

"C'était un pro-jeune, il a initié beaucoup d'artistes à l'art dramatique (...) Il avait le sens de la transmission. Il transmettait très facilement son savoir à qui le demandait et il n'était pas ringard. C'est l'avenir qui l'intéressait", a témoigné Yves Desgagnés.

En 1956, il transpose à la télévision la douce folie de la Roulotte avec son personnage de Picolo dans la Boîte à surprises, où il écrit, joue et met en scène cet Arlequin pour enfants. En même temps, il fonde la Compagnie du théâtre de quat'sous, une troupe sans domicile fixe. Dès la première année, son "Orion le tueur", avec Millette dans le rôle-titre, remporte deux prix au Festival national d'art dramatique.

L'année suivante, c'est le coup de tonnerre dans le milieu théâtral québécois: "La Tour Eiffel qui tue", de Guillaume Hanoteau, rafle tous les prix. Les plus vieux qui ont vu la production de Buissonneau en chérissent encore le souvenir précieux.

Le Quat'sous

En 1965, Paul Buissonneau fonde le théâtre de Quat'sous dans une ancienne synagogue de l'avenue des Pins, avec de vieux complices de la Roulotte: Deschamps, Léveillée, Millette. Il y sera directeur artistique jusqu'en 1989, animant de son délire passionné cet ancien temple.

Pour Buissonneau, homme d'instinct, rien n'est sacré: dans ses mises en scène (plus de 125) comme dans le choix des pièces ou des collaborateurs, il bouleverse les conventions, pour la plus grande joie d'un public qui l'accompagne volontiers dans ses folles entreprises.

Buissonneau est aussi un formidable dépisteur de talents _ du moins laisse-t-il la chance aux jeunes coureurs. L'"Ostie d'show", c'est lui qui l'avait commandé à Deschamps, Charlebois, Forestier (on dit d'ailleurs que c'est lui qui a baptisé sans le vouloir, dans un élan d'impatience, cet "hostie de show"). C'est lui aussi qui épaule d'emblée les Robert Lepage, André Brassard, René-Daniel Dubois, François Barbeau...

Après son départ du Quat'sous en 1989, Buissonneau n'a pas chômé, même s'il était moins visible. Les théâtres l'ont invité pour des mises en scène _ un fabuleux "Les Chaises", de Ionesco, en 2000 au Rideau vert _, le cinéma lui fait une petite place ("La Conciergerie", "Le P'tit Varius", "Sonia"), il publie "Les Comptes de ma mémoire", dont il tire une pièce.

Encore en 2003, il dirigeait "Les Précieuses ridicules" de Molière, au TNM, et "Le Cabaret des mots", un collage de textes de Jean Tardieu _ un auteur dont la folie ne pouvait échapper à la sienne.

Jusqu'à la fin de sa vie Buissonneau a maintenu des liens avec son théâtre, selon Éric Jean, directeur général du Quat'sous. M. Jean a expliqué que le fondateur s'informait encore sur les pièces qui étaient présentés, et sur la direction du théâtre en général.

Buissonneau allait d'ailleurs participer aux célébrations du 60ème anniversaire du théâtre, en 2015, mais il n'aura pas eu le temps, a regretté M. Jean.

M. Jean dit avoir retenu la passion et le talent de conteur de son prédecesseur. Il a d'ailleurs rappelé que Buissonneau était un "magicien", parce qu'il avait réussi à monter des pièces de qualité avec très peu de ressources.

"C'est un volcan, ce n'était pas toujours facile. Mais un talent, et une imagination extraordinaires () Il faisait des choses avec rien, Paul. C'était un inventeur", a ajouté la comédienne Andrée Lachappelle, qui a travaillé quelques fois avec lui.

Parlant folie: Buissonneau avait déjà eu droit à ses funérailles, qu'il avait lui-même mises en scène au printemps 2012, après une convalescence de neuf mois à l'hôpital. Il avait alors invité, par un "avis de non-décès", ses proches et complices dans la salle de répétition du tout rénové Quat'sous pour un cocktail auquel il assistait via un lien satellite depuis chez lui.

Le réalisateur Mathieu Fontaine a tiré de cet épisode un touchant documentaire, "Un p'tit dernier pour la route", dans lequel on voit aussi Buissonneau se marier officiellement avec sa conjointe depuis 41 ans, Monik Barbeau.

En 2010, la Ville de Montréal avait commandé une murale à son effigie, angle Ontario et Beaudry. Et en septembre 2014, le maire Denis Coderre le nommait "Citoyen d'honneur" de cette ville à qui il avait notamment donné un théâtre ambulant pour enfants. Un prix de la Ville de Montréal pour le développement du théâtre amateur porte aussi son nom, tout comme la salle de spectacles du Centre culturel Calixa-Lavallée, au coeur du parc Lafontaine. Il avait reçu le prix Denise-Pelletier, du gouvernement du Québec, en 2001. 


Imprimer
19644

ario Gilbert (Presse canadienne)Presse Canadienne

Autres messages par ario Gilbert (Presse canadienne)
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, jeune Fransaskoise passionnée, lauréate d’un concours international

Addison Shyluk, élève en 11e année à l’École canadienne-française de Saskatoon, Pavillon Gustave-Dubois, vient de remporter le concours international Ma minute francophone.

18 décembre 2020/Auteur: Emmanuel Masson/Nombre de vues (14331)/Commentaires (0)/
Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Infrastructures scolaires à Saskatoon : un sondage confirme les besoins

Alors que Regina a obtenu l’aval du gouvernement pour le financement de nouveaux espaces scolaires, Saskatoon et Prince Albert attendent toujours. Le Comité vision des espaces scolaires francophones à Saskatoon, créé en juin 2020, a consulté la communauté pour identifier les besoins dans la ville des ponts.

11 décembre 2020/Auteur: Arthur Béague/Nombre de vues (16483)/Commentaires (0)/
Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

Ma thèse en 180 secondes : trois Fransaskois dans la course

L’Association francophone pour le savoir propose à des étudiants, via son concours Ma thèse en 180 secondes, de présenter leur sujet de recherche en termes simples à un auditoire. Le défi : exposer de façon claire, concise et convaincante un projet d’envergure en trois minutes.

14 novembre 2020/Auteur: Leslie Diaz/Nombre de vues (13680)/Commentaires (0)/
Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Alpha Barry réélu pour un deuxième mandat

Entretien avec Alpha Barry, été réélu au poste de conseiller scolaire pour la région scolaire n°3 incluant Regina et Moose Jaw. Celui qui est aussi président du Conseil scolaire fransaskois l’a emporté avec 70 % des voix face à son adversaire Siriki Diabagaté.

11 novembre 2020/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (13620)/Commentaires (0)/
Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest

Les établissements universitaires de l’Ouest du pays ont des outils en place pour assurer la liberté académique de leurs professeurs tout en assurant un traitement rigoureux des plaintes des étudiants.

7 novembre 2020/Auteur: Marie-Paule Berthiaume (Initiative de journalisme local – APF - Ouest)/Nombre de vues (14617)/Commentaires (0)/
Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

Selon un nouveau sondage Léger, près de la moitié des Canadiens sont au courant de la récente controverse à l’Université d’Ottawa, et plus de la moitié ont tendance à soutenir la professeure ayant prononcé le «mot en n» dans le cadre de son cours Art and Gender plutôt que les étudiants.

7 novembre 2020/Auteur: Marie-Paule Berthiaume (Francopresse)/Nombre de vues (12862)/Commentaires (0)/
Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?

La ministre Mélanie Joly invite le gouvernement de l’Alberta à annuler sa décision de couper le financement du campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, dans une lettre adressée au premier ministre de la province, Jason Kenney.

1 novembre 2020/Auteur: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Nombre de vues (15416)/Commentaires (0)/
Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

Débats corsés entre les candidats au poste de conseiller scolaire

C'est un premier débat radiophonique parfois houleux qui a eu lieu le 20 octobre entre Alpha Barry et Siriki Diabagaté, les deux prétendants au poste de conseiller scolaire de Regina.

23 octobre 2020/Auteur: Marie-Lou Bernatchez/Nombre de vues (11898)/Commentaires (0)/
Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

Professeure suspendue à l’Ud'O : «deux principes à réconcilier», selon le recteur

LE DROIT (Ontario) – Le débat autour de la suspension d’une professeure de l’Université d’Ottawa pour avoir utilisé le mot «n**ger» continue de faire rage.

21 octobre 2020/Auteur: Daniel LeBlanc e)t Julien Paquette (Le Droit)/Nombre de vues (14056)/Commentaires (0)/
Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Course électorale au CSF: continuité ou changement ?

Les parents fransaskois de Regina et Saskatoon seront appelés aux urnes le 28 octobre pour choisir leur conseiller scolaire dans le cadre des élections générales du Conseil scolaire fransaskois.

15 octobre 2020/Auteur: Estelle Bonetto/Nombre de vues (14716)/Commentaires (0)/
Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Les écoles fransaskoises réussissent leur rentrée malgré la pandémie

Rentrée scolaire

La rentrée scolaire fransaskoise a eu lieu du 8 au 11 septembre partout dans la province. L’eau vive s’est entretenue avec quelques parents pour faire le bilan d’une semaine riche en émotions.

17 septembre 2020/Auteur: Estelle Bonetto/Nombre de vues (14586)/Commentaires (0)/
Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

Des pistes de réflexion pour financer l’éducation postsecondaire francophone

La récente victoire du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique (CSFCB) en Cour suprême laisse présager une possible expansion de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.

28 août 2020/Auteur: Bruno Cournoyer Paquin (Francopresse)/Nombre de vues (14673)/Commentaires (0)/
Quand on l’attaque, la francophonie contre-attaque

Quand on l’attaque, la francophonie contre-attaque

Le Franco (Alberta) – L’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) promet une phase II de la campagne «Sauvons Saint-Jean» dès la rentrée. L’appel à des manifestations et une action en justice sont sur la table. 

24 août 2020/Auteur: Geoffrey Gaye (Le Franco)/Nombre de vues (17151)/Commentaires (0)/
Rentrée scolaire : des parents se confient

Rentrée scolaire : des parents se confient

Une rentrée sous le signe de la fébrilité et de la solidarité

À quelques semaines du jour J, beaucoup d’interrogations subsistent. Tantôt confiants, tantôt inquiets, plusieurs parents fransaskois se sont confiés à l’Eau vive.

20 août 2020/Auteur: Estelle Bonetto/Nombre de vues (14513)/Commentaires (0)/
Dans ce temps-là !

Dans ce temps-là !

À l’époque où j’étais élève à la fin de l’élémentaire, quand arrivait le mois de juin, nous étions assez intenables dans les classes... La fête de la Saint-Jean-Baptiste marquait le début des vacances estivales. Les classes s’étaient terminées la veille et on avait vidé nos pupitres. Plus de devoirs. Plus de leçons. 

16 juillet 2020/Auteur: Michel Vézina/Nombre de vues (20566)/Commentaires (0)/
RSS
123468910Dernière

 - mercredi 1 mai 2024