Le NPD devra peut-être continuer cette lutte sans Yvon Godin, en réflexion quant à son avenir politique.
Photo : Archives APF
Le rejet par les Communes du projet du député Yvon Godin sur le bilinguisme des juges de la Cour suprême n’a étonné personne. C’est la prochaine bataille qui va compter.
« Le Premier ministre ne se bat pas juste contre mon projet de loi, mais contre la Cour suprême. C’est déjà la cinquième décision qu’il perd et maintenant il se bat contre la juge en chef. C’est du jamais vu au Canada. On voit aussi comment il traite les instances gouvernementales quand ça ne marche pas comme il veut. »
Le projet de loi sera de nouveau déposé après les prochaines élections, a confirmé Yvon Godin au lendemain du vote aux Communes, tenu le 7 mai. C’était la 3e tentative du député d’Acadie-Bathurst. Son initiative a été annulée en 2008 et en 2011 par la dissolution du Parlement. Le Nouveau Parti démocratique est à l’origine d’une loi adoptée en 2012 rendant obligatoire le bilinguisme chez les officiers du Parlement.
La ministre des Langues officielles
Dans une lettre ouverte, le député avait demandé l’appui de la ministre Shelly Glover. « Les Québécois et les francophones du pays ont déjà témoigné en grand nombre leur appui à mon projet de loi et, en tant que ministre des Langues officielles, vous avez la responsabilité d’assurer la vitalité et l’épanouissement des communautés de langue officielle du pays. » Mais la ministre a voté contre la motion, comme 143 de ses collègues conservateurs.
Le constitutionnaliste Gérard Lévesque, de Calgary, n’est pas étonné. « Le parti au pouvoir a maintenu une fin de non-recevoir au projet. Mais je suis convaincu que ça va aboutir. On ne peut pas reconnaître le Québec comme une nation et dire que les francophones ne peuvent pas être compris à la Cour suprême.
« C’est un problème constitutionnel, poursuit l’avocat. Quand on dit que les deux langues sont égales, comment accepter que devant le plus haut tribunal du pays ce ne soit pas le cas? Quand je plaide en Alberta, devant un juge anglophone, je préfère le faire en anglais. On a des juristes et des juges bilingues. Mais qu’est-ce qu’on fait quand un juge nous donne raison en français – comme ça m’est arrivé - et que ça ne paraît pas dans la transcription? C’est comme si le jugement n’est pas reconnu. »
La commissaire du Nouveau-Brunswick
L’Association du Barreau du Canada a adopté en février une politique appuyant l’accès égal à la justice dans les deux langues officielles dans les cours fédérales. Elle a demandé au ministre Peter MacKay de nommer « un nombre approprié de juges bilingues ayant les compétences nécessaires pour présider des instances dans la langue officielle de la minorité ». Deux des huit juges actuels de la Cour suprême sont unilingues.
Selon Katherine d’Entremont, la commissaire aux langues officielles du Nouveau-Brunswick, le Canada doit fournir un signal à toute la communauté juridique. « Lorsqu’on veut faire carrière au niveau des cours supérieures, il faut se rendre compte qu’on doit maîtriser les deux langues. Ça ne peut pas attendre au moment où on s’intéresse à un poste, il faut y penser bien avant. »