Jusqu’à ce que les sécheuses deviennent financièrement accessibles et que leur fonctionnement soit nettement amélioré, soit vers la moitié des années 1980, la technique pour faire sécher le linge était d’étendre celui-ci sur une corde.
On se souviendra que jusqu’à cette époque le lundi était jour de lavage : une habitude, tradition, rite, rituel, ou commodité. Le lundi, les cordes à linge se remplissaient ainsi de tous les vêtements possibles de la maisonnée.
La température jouait évidemment un rôle essentiel dans le processus du séchage. L’idéal était une journée ensoleillée avec un peu de vent, ce dernier pouvant accélérer le séchage. Mais s’il ventait trop fort, cela pouvait arracher le linge de la corde à linge qui tenait grâce à des épingles, en bois puis en plastique. Dès que la pluie s’annonçait, il fallait enlever le linge et le mettre à sécher un peu partout dans la maison, de préférence dans la cuisine, près du poêle d’où émanait plus de chaleur.
L’hiver, le linge mouillé gelait rapidement au froid et à l’humidité dans la région de Québec où nous demeurions. On rentrait le linge qui tenait droit tant il était gelé. À nouveau, il fallait l’étendre dans la maison pour le ramollir.
Les cordes à linge étaient révélatrices des dessus et des dessous des gens qui les portaient. Je me souviens des commentaires de mes nombreux oncles qui venaient à la maison et qui passaient sous les sous-vêtements féminins de certaines de nos voisines. À l’époque, nous étions trop jeunes pour comprendre exactement le sens de ceux-ci, nos préoccupations étant ailleurs. Plus les familles étaient composées de nombreux enfants, plus il y avait de cordées de linges.
Quand ma mère est venue pour la première fois en Saskatchewan, la première chose qu’elle remarqua est que nous n’avions pas de corde à linge, seulement une sécheuse. Pour elle, une corde à linge était toujours un élément essentiel de toute maison digne de ce nom. Et en plus, nous n’avions aucun poteau assez proche de la maison pour en installer une. Elle dut se résigner à faire sécher le linge dans la sécheuse.
En parlant avec des gens de la communauté, elle apprit que dans l’Ouest on était passé rapidement à la sécheuse pour au moins deux raisons : la force du vent ambiant toujours très fort qui arrache facilement le linge ; et l’omniprésence de la poussière (ou du sable) dans l’air, un souvenir des années de sécheresse dans la mémoire collective.
Dernièrement, pandémie aidant, en nous promenant quotidiennement dans les rues et ruelles de Gravelbourg, nous avons constaté que les cordes à linge sont à nouveau très présentes dans la communauté, ce qui était moins courant dans les années passées. Et en y regardant de près, on peut voir qu’elles semblent plus présentes chez les jeunes familles.
Avez-vous déjà « passé la nuit sur la corde à linge » ? Si vous avez les traits tirés, après avoir eu un sommeil agité et n’avez pas l’air reposé, tout comme le linge qui aurait passé la nuit dehors sur la corde à linge, ou encore que vous avez fêté toute la nuit sans dormir, voilà ce que l’on dira de vous ! Voilà une expression héritée de cette époque, l’ère de la corde à linge!