Skip Navigation
L’internationalisme est l’avenir de la francophonie

L’internationalisme est l’avenir de la francophonie

CHRONIQUE – Malgré une langue qui est parlée par des centaines de millions de personnes et qui pourrait leur permettre de coexister et de collaborer, la francophonie continue d’être un terrain de frontières et d’exclusions. En ce mois de la francophonie, une réflexion s’impose : quelle diversité célébrons-nous dans la francophonie alors que tant de barrières demeurent? Un engagement internationaliste nous permettrait de transformer notre perspective et notre manière de vivre ensemble.

Pour l’année 2023, les Rendez-vous de la Francophonie prennent pour thème «Célébrations». La Journée internationale de la Francophonie porte quant à elle sur «321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels».

Certes, de telles occasions de souligner ce qui nous unit auront tendance à s’ouvrir à de multiples interprétations. Toutefois, on peut se demander ce qui est rassemblé par des slogans aussi vastes et au contenu aussi vague.

Ce caractère vague vient peut-être de l’attention qu’on porte à la langue, alors que celle-ci se rattache à tant de situations personnelles et collectives.

Il en va tout autant de la diversité rattachée à la langue et à la francophonie canadienne comme internationale : prise comme valeur, elle se trouve derrière la promotion de la «richesse» et de la variété des contenus et produits culturels de la francophonie.

La diversité comme rideau

Cette diversité a-t-elle un contenu réel? Il existe tant de caractéristiques qui nous distinguent et servent à nous rassembler que célébrer la diversité revient simplement à constater un fait.

Il est tout à fait louable de refuser de définir un groupe par une seule caractéristique ou en relation à une seule norme. On sait toutefois que le mot «diversité» a plutôt tendance à être utilisé comme euphémisme pour parler de diversité culturelle.

Valoriser cette diversité en soi a l’effet de nous détourner des revendications des personnes qui sont reléguées à la diversité (elles en sont «issues») et ainsi montrées comme différentes du groupe majoritaire.

Leurs revendications incluent plutôt la fin des discriminations, l’accès aux emplois et aux postes de prise de décisions et, dans le cas des personnes immigrantes, la capacité à retrouver leur famille plus aisément.

Or trop souvent, la célébration de la diversité est un engagement vague, une idole faite pour meubler les discours, mais trop souvent tenue à distance des actions réelles. La diversité est gérée : on la célèbre, on sensibilise la majorité et on éduque cette dernière – mais les frontières sont maintenues.

Les origines de la Francophonie

Une véritable défense de la diversité des expériences francophones viserait plutôt à démonter les obstacles et défaire les hiérarchies. Nous aurions alors la chance de célébrer ensemble des transformations, des accomplissements, et ainsi maintenir les liens créés dans ces projets communs et solidifier une ouverture à l’autre déjà éprouvée dans des projets communs.

Célébrer, sensibiliser et éduquer ne pourront pas suffire : les limites à une Francophonie sont structurelles et héritées de sa construction.

Lors de sa création, l’ancêtre de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) répondait à la désagrégation de l’Empire français dans la foulée des indépendances des anciennes colonies.

Les ex-colonies visaient à établir une collaboration culturelle et technique pour s’appuyer dans leur développement. Tandis que la France s’opposait d’abord à cette nouvelle union, elle a rapidement décidé d’y prendre une place pour l’orienter à ses propres fins : conserver l’Afrique.

L’OIF sert ainsi de vecteur pour étendre l’influence française (ou encore canadienne) et pour assurer l’accès aux marchés africains, rôle au moins aussi important que celui de contrepouvoir et d’aide mutuelle.

Cette domination extérieure passe notamment par les politiques néocoloniales qui se déploient dans la Françafrique, cet ensemble de pays où la France tente de maintenir le contrôle nécessaire au fonctionnement économique de multinationales françaises.

La francophonie canadienne, quant à elle, s’est bâtie d’une part sur une politique menée par l’Église catholique, où la langue était entremêlée à la religion, aux origines ethniques et à un projet de colonisation par l’agriculture.

D’autre part, elle repose sur une politique d’immigration canadienne qui a longtemps empêché l’arrivée de francophones non blancs. Cette francophonie est par conséquent fortement balisée, comprise en relation à des frontières nationales et religieuses.

Ces structures sont en changement, certes, mais elles ne se déferont pas du jour au lendemain – et surtout pas dans l’ignorance de leur pérennité.

La Francophonie, un terrain pour l’internationalisme

L’idéal internationaliste est une manière de contrer ces définitions nationales et frontalières de la francophonie, et de donner à celle-ci un contenu engageant.

On trouve cet idéal dans l’engagement de la militante et philosophe communiste Rosa Luxemburg.

Son refus de la politique belliciste à l’aube de la Première Guerre mondiale montrait comment la mise en avant des différences nationales servait à empêcher une transformation du régime économique tout en permettant le maintien des visées impériales.

À la solidarité que les dominants maintenaient entre eux, elle opposait la solidarité possible des classes ouvrières de tous les pays, qui pourraient ensemble transformer les structures économiques qui favorisaient leur exploitation.

Une autre version de cet idéal se trouve dans le panafricanisme, un mouvement social et politique ainsi que culturel et intellectuel qui rassemble les personnes africaines et afro-descendantes dans un projet où les frontières s’estompent.

Il peut s’agir tant d’unir les pays d’Afrique que de créer des réseaux qui permettent de lutter pour se libérer des séquelles de l’esclavage et du colonialisme et de participer aux institutions communes ainsi transformées.

Au Canada, dans un contexte colonial différent, l’internationalisme passe d’abord par une reconnaissance de l’implantation coloniale de la francophonie, puis celle des distinctions nationales et de l’autodétermination des peuples autochtones. De là, une position non paternaliste de solidarité et de collaboration devient possible.

S’inspirer de l’internationalisme

Ces visions internationalistes combinent la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme, mais ont également en commun l’idée que les frontières nationales servent avant tout à diviser pour mieux régner.

L’internationalisme peut nous inspirer dans la création de réseaux, dans la transformation de nos organismes, mais également dans notre manière de mettre en valeur la langue française.

Il ne s’agit pas de lui attribuer une valeur en soi, de l’ériger en vecteur de survie de certaines cultures, mais plutôt de créer de nouveaux liens, à l’encontre de ces liens qui existent entre ceux qui maintiennent la domination entre les pays et au sein des communautés.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (Metispresses, 2018).

 

Print
3434

Jérôme Melançon, chroniqueur – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Jérôme Melançon, chroniqueur – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Le CSF prolonge le mandat de Donald Michaud à la Direction de l’éducation du CÉF

Le CSF prolonge le mandat de Donald Michaud à la Direction de l’éducation du CÉF

“Les conditions gagnantes ne sont pas encore en place afin d'assurer le succès de l'entrée en fonction d'une nouvelle Direction de l'éducation” – André Denis

Le président du Conseil scolaire fransaskois (CSF), André Denis, a annoncé le prolongement du mandat de l'actuel Directeur de l'éducation du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), Donald Michaud, pour une durée d'un an. 

Friday, May 8, 2015/Author: L'Eau vive/Number of views (25107)/Comments (0)/

Le CSF prolonge le mandat de Donald Michaud à la Direction de l’éducation du CÉF

“Les conditions gagnantes ne sont pas encore en place afin d'assurer le succès de l'entrée en fonction d'une nouvelle Direction de l'éducation” – André Denis

Le président du Conseil scolaire fransaskois (CSF), André Denis, a annoncé le prolongement du mandat de l'actuel Directeur de l'éducation du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), Donald Michaud, pour une durée d'un an. 

Friday, May 8, 2015/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (26969)/Comments (0)/
Laurier Gareau récompensé par le Saskatchewan Book Awards

Laurier Gareau récompensé par le Saskatchewan Book Awards

« Nos écoles devraient faire plus de place à la littérature fransaskoise » - Laurier Gareau

Monsieur Gareau aimerait voir la littérature fransaskoise intégrée dans les programmes d’enseignement du français dans les écoles fransaksoises.

Thursday, May 7, 2015/Author: Jean-Pierre Picard (EV)/Number of views (27664)/Comments (0)/
Mai, le mois de l’éducation à la petite enfance en Saskatchewan

Mai, le mois de l’éducation à la petite enfance en Saskatchewan

Le gouvernement de la Saskatchewan a proclamé mai le mois de l’éducation à la petite enfance dans la province et le 15 mai la Journée d’appréciation des éducatrices et éducateurs.
Thursday, May 7, 2015/Author: Collège Mathieu/Number of views (25293)/Comments (0)/
La Fondation fransaskoise, ça sert à ça!

La Fondation fransaskoise, ça sert à ça!

Témoignage de deux boursiers

Deux bénéficiaires des bourses d’études 2014 de la Fondation fransaskoise nous expliquent comment celles-ci les ont aidés à amorcer leur année scolaire un peu plus sereinement.
Wednesday, May 6, 2015/Author: Alexandra Drame (EV)/Number of views (27800)/Comments (0)/
Activités de la Journée de la terre à l'École Ducharme

Activités de la Journée de la terre à l'École Ducharme

Le 22 avril dernier, les élèves de l’École Ducharme à Gravelbourg ont participé à deux activités pour souligner la Journée de la terre.

Thursday, April 30, 2015/Author: École Ducharme/Number of views (29698)/Comments (0)/

Des parents inquiets se rencontrent à huis clos

Un manque de services et de ressources dans les écoles fransaskoises est pointé du doigt

Des parents d'élèves inscrits dans le système scolaire fransaskois se sont réunis le samedi 25 avril dernier pour témoigner de leurs inquiétudes face aux nombreuses coupures de services aux élèves des écoles fransaskoises.

Thursday, April 30, 2015/Author: Francis Gourde (EV)/Number of views (23392)/Comments (0)/
La Cour suprême donne raison aux parents francophones de Colombie-Britannique

La Cour suprême donne raison aux parents francophones de Colombie-Britannique

 La Cour suprême a confirmé le 24 avril le droit des francophones à des établissements équivalents à ceux de la majorité, ce que cinq provinces et territoires refusent d’accorder.

Sunday, April 26, 2015/Author: Anonym/Number of views (31777)/Comments (0)/

Tisser des liens entre immersion et écoles fransaskoises

Il serait dans l’intérêt de la communauté fransaskoise d’établir des ponts entre les écoles fransaskoises et d’immersion et de resserrer les liens de collaboration dans l’organisation d’activités. 

Thursday, April 16, 2015/Author: Jean-Pierre Picard (EV)/Number of views (30781)/Comments (0)/
Un évêque vient parler d’agriculture à des élèves d’Edmonton

Un évêque vient parler d’agriculture à des élèves d’Edmonton

« On peut être heureux sans accumuler toujours plus »

EDMONTON - Le vendredi 13 mars, l’évêque belge Eugenio Rixen a rencontré des élèves de l’école J.H. Picard à Edmonton pour leur parler de ses 35 ans passés au Brésil auprès des petits agriculteurs. 

Thursday, April 16, 2015/Author: Arthur Bayon (Le Franco)/Number of views (22912)/Comments (0)/
Préposé(e) aux soins de santé : une carrière prometteuse

Préposé(e) aux soins de santé : une carrière prometteuse

On rapporte de plus de en plus de cas dans la province de personnes âgées et malades, vivant dans des résidences, qui ne reçoivent pas les soins nécessaires de manière adéquate,  suite à une carence de personnel qualifié. 

Thursday, April 9, 2015/Author: Collège Mathieu/Number of views (28513)/Comments (0)/
Collèges et universités francophones s’unissent

Collèges et universités francophones s’unissent

Désirant se doter d’une voix plus forte, les institutions d’enseignement postsecondaire de la francophonie canadienne ont décidé d’unir leurs forces, créant du même coup l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne (ACUFC).

Thursday, April 9, 2015/Author: Danny Joncas (Francopresse)/Number of views (29828)/Comments (0)/

L’immersion a la cote malgré ses lacunes

Dépassé, élitiste et source de division, le système d’immersion française en place dans les écoles canadiennes? C’est du moins ce qui ressort d’un récent article de la revue MacLean’s, l’une des principales publications du pays.

Thursday, April 9, 2015/Author: Danny Joncas (Francopresse)/Number of views (25824)/Comments (0)/
Foire Locale du Patrimoine 2015

Foire Locale du Patrimoine 2015

Le lundi 30 mars dernier avait lieu, dans le gymnase du Pavillon secondaire des Quatre-Vents è Regina, la traditionnelle foire locale du Patrimoine. Il y avait environ 43 beaux projets illustrant notre patrimoine canadien, saskatchewannais et surtout,  fransaskois.

 

Wednesday, April 8, 2015/Author: Claude Martel (EV)/Number of views (31734)/Comments (0)/
Le Conseil scolaire Centre-Nord récupère l’école de Lloydminster

Le Conseil scolaire Centre-Nord récupère l’école de Lloydminster

Le CÉF transfèrera l'école le 2 juillet 2015

Le Conseil des écoles fransaskoises (CEF) a décidé de transférer l’école Sans-Frontières de Lloydminster au Conseil scolaire Centre-Nord le 2 juillet prochain. Lors de la rencontre organisée en novembre dernier, le CEF avait évoqué des problèmes financiers liés à la contribution moindre de l’Alberta pour chacun de ‘‘ses’’ élèves (par rapport à la Saskatchewan). Or plus de trois quarts des enfants de cette école viennent de l’Alberta

Thursday, April 2, 2015/Author: Arthur Bayon (Le Franco)/Number of views (22114)/Comments (0)/
RSS
First1718192022242526Last

 - Sunday 16 June 2024