Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere Nouveau système d'abonnement
La Nation provisoire : le théâtre d’une époque toujours d’actualité
Estelle Bonetto
/ Categories: Arts et culture, Théâtre

La Nation provisoire : le théâtre d’une époque toujours d’actualité

Le 16 novembre, 138 ans jour pour jour après la disparition de Louis Riel, s’est tenue à Regina une lecture publique du texte dramaturgique La Nation provisoire de Laurier Gareau. Une pièce écrite pour la première fois en 1979 et revisitée en 2023 qui fait la part belle au mitchif.

L’événement était organisé à l’auditorium de l’école Monseigneur de Laval dans le cadre du 138e anniversaire de la mort de Louis Riel et avait aussi pour objectif de rallier la communauté autour de la campagne automnale de la Fondation fransaskoise.

Maintes fois remaniée depuis sa première mouture en 1979, la pièce du dramaturge fransaskois peut se targuer d’avoir pris quelques rides, celles d’une vieillesse assumée, mais toujours d’actualité.

Des débuts difficiles

Après quelques faux départs, la pièce a vu finalement le jour à l’occasion du festival On s’garroche à Batoche, à Saint-Laurent, immense rallye de la jeunesse francophone des quatre provinces de l’Ouest.

« On m’avait demandé d’écrire une pièce pour le festival, relate Laurier Gareau. Déjà à l’époque, j’étais passionné par le sujet, j’ai donc pondu un texte en une semaine que Jean-Raymond Châles, comédien et dramaturge professionnel, a revu en deux jours. »

La pièce, qui n’a connu qu’une représentation à Saint-Laurent, a tout de même été très appréciée, notamment par les Métis de la région, se souvient l’homme de théâtre fransaskois, pour ensuite tomber dans l’oubli.

L’intérêt de courte durée de La Nation provisoire n’a pas refroidi les ardeurs du jeune dramaturge qui, à l’époque, avait déjà produit avec le théâtre amateur francophone de Regina trois pièces très courues par le public.

« Ces pièces reflétaient l’évolution de la communauté francophone des années 1950 à 1970, dit-il. Avec très peu de moyens, on tournait partout en province ! »

Un renouveau

Cependant, La Nation provisoire n’a jamais quitté le parcours dramaturgique de Laurier Gareau. En 2010, la pièce renaît ainsi de ses cendres.

« J’avais toujours considéré que ce texte avait une grande portée, affirme ce dernier. J’avais aussi recroisé certains contacts et j’avais rédigé un autre texte, La trahison, au sujet du chef métis Gabriel Dumont. »

La nouvelle mouture de 2010 est surtout la première tentative du dramaturge d’inclure du français mitchif dans les dialogues.

« Je voulais explorer le dialecte mitchif pour Gabriel Dumont et son épouse, Madeleine. Je me suis basé sur des notes que le linguiste Robert Papen m’avait envoyées 20 ans plus tôt. »

Grandir en mitchif

Il faut dire que le français mitchif a bercé l’adolescence du dramaturge qui a grandi dans les années 1950-1960 à Bellevue.

« Mon père embauchait des jeunes Métis dans son exploitation agricole pendant l’été, se souvient-il. Les jeunes restaient chez nous la semaine et retournaient à Batoche pour la fin de semaine. »

« J’ai donc beaucoup gravité autour de ces jeunes et je n’avais pas de problème à les comprendre dans ce temps-là. Parfois, ils disaient un mot cri et on leur demandait de répéter. »

L’insécurité linguistique a fini par avoir raison du dialecte pourtant riche d’histoire et de culture.

« Les jeunes Métis ont arrêté de parler français parce qu’ils se sont tellement fait dire qu’ils parlaient mal, regrette Laurier Gareau. C’est un français différent qui mérite d’être valorisé. »

Remettre la langue à sa place

La nouvelle cuvée de La Nation provisoire accorde ainsi une place centrale à la langue. Pour le dramaturge, il s’agissait aussi de raconter les événements historiques ayant mené à la pendaison du célèbre chef métis Louis Riel en 1885 et de rendre justice au contexte linguistique.

« Le premier ministre John A. McDonald ne parle pas français dans la pièce. D’ailleurs, le comédien qui joue son personnage devrait avoir un accent écossais ! Quant à Riel et au père André, ils parlent un bon français. Riel a été éduqué au Québec. C’était un homme instruit », note le dramaturge.

L’édition 2023 de La Nation provisoire est aussi enrichie de notices explicatives au sujet du dialecte parlé et de l’usage de certains mots dont l’utilisation pourrait choquer aujourd’hui.

« Ce livre s’adresse à tous, mais je crois que les jeunes devraient étudier la pièce pour parler de tous les événements qui se sont passés à ce moment-là. Par exemple, toute la question de la construction du Canadien Pacifique. Beaucoup d’éléments historiques méritent d’être explorés plus en profondeur. »

Le texte pourrait d’ailleurs devenir un objet pédagogique destiné aux écoles secondaires et aux cours d’histoire universitaires. L’historien se penche déjà sur la conception d’une fiche pédagogique pour accompagner la pièce.

Le seul regret du Fransaskois est de ne pas avoir travaillé plus tôt sur les textes en mitchif.

« Ce travail arrive un peu tard, reconnaît-il, ça aurait dû sortir au début des années 1980 quand il y avait encore assez d’aînés. Une des dernières porteuses de ce dialecte de la région de Saint-Louis, Sophie McDougall, vient d’ailleurs de s’éteindre au printemps dernier. »

L'équipe de la lecture publique de La Nation provisoire le 16 novembre 2023

L'équipe de la lecture publique de La Nation provisoire le 16 novembre 2023

De gauche à droite : Guy Michaud (Louis Riel), Laurier Gareau (Gabriel Dumont), Dave Lawlor (Père André), Jeff Ring (John A. Macdonald), Katarina Fasiangova (Madeleine Dumont) et Gilles Groleau (didascalies).
Crédit : Jean-Pierre Picard
Un rêve, une nation

« Riel avait envisagé une nouvelle nation dans l’Ouest canadien. Il en parle à son procès. Il envisageait que le district de la Saskatchewan, qui était au nord à cette époque-là, accueillerait des peuples de toutes les nations. Sur un pied d’égalité. Bâtir une nation pour les gens opprimés », relate l’historien.

C’est finalement l’arrivée au pouvoir de Wilfrid Laurier et la campagne de colonisation de l’Ouest canadien en 1896 qui aura, d’une certaine façon, accompli le rêve de Louis Riel avec un afflux de Mennonites, d’Huttérites, de Doukhobors, d’Ukrainiens, de Hongrois qui ont tous réussi à trouver leur place.

Toutefois, ce rêve a été entaché par le sort réservé aux Métis et aux peuples autochtones qui ont été écartés de ce soi-disant progrès.

La dernière réplique du père André fait d’ailleurs état de ces injustices qui continuent de gangréner l’avenir des premiers peuples.

La Nation provisoire de Laurier Gareau est publié aux Éditions de la nouvelle plume (ÉNP).

 

Extrait de la pièce La nation provisoire de Laurier Gareau
Dernière réplique de Madeleine en français mitchif
Gabriel ou loin / Est partchi là-bas / Oux z-Itats-z-Unis / Chassii dzhu péyi / Va r’v’nir put-être / Va v’nir mon viux.
Madeleine attend / garde la mainzon / veille su’ l’enfant / qui a pris ton nom.
Madeleine attend / Gabriel ou loin / Dorme not’ enfant / Gabriel ou loin / Ivoù c’qu’est mon péyi ?

 

 

Print
5586

Estelle BonettoEstelle Bonetto

Other posts by Estelle Bonetto
Contact author

Contact author

x
Ranger, un plaisir partagé ?

Ranger, un plaisir partagé ?

Demander à un enfant de ranger sa chambre peut devenir un jeu

Amener son enfant à devenir grand soulève toujours son lot de soucis pour les parents ; particulièrement pour les parents qui travaillent et qui pensent ne pas avoir assez de temps à leur consacrer. 

Thursday, June 2, 2016/Author: Sandra Hassan Farah /Number of views (40190)/Comments (0)/
Une mosaïque créée par les élèves de Zenon Park

Une mosaïque créée par les élèves de Zenon Park

Découvrir la puissance du groupe

ZENON Park - Les élèves étaient très fiers de voir les images qu’ils avaient soumises aux artistes dans la mosaïque. Cette murale est le produit de leur imagination, de leur culture, de leur vécu.
Thursday, May 19, 2016/Author: Anonym/Number of views (36804)/Comments (0)/
Les élèves de Debden découvrent la Ville de Québec

Les élèves de Debden découvrent la Ville de Québec

DEBDEN - En septembre 2014, nous avons commencé à planifier notre voyage éducatif à Québec. Avec l'aide de nos parents, notre communauté, notre division scolaire et nos enseignantes, nous avons commencé les levées de fonds. 
Wednesday, April 27, 2016/Author: Anonym/Number of views (36324)/Comments (0)/
Ma culture, où est-elle sur le campus?

Ma culture, où est-elle sur le campus?

Conférence à la Cité universitaire francophone

REGINA - Conférence portant  sur l'identité, l'intégration et le bien-être de la jeunesse fransaskoise et métisse dans un environnement universitaire.
Thursday, April 21, 2016/Author: Anonym/Number of views (31412)/Comments (0)/
Un ancien président du CSF se prononce

Un ancien président du CSF se prononce

Rencontre avec Yvan Lebel

« Est-ce qu’on pense à nos jeunes dans tout ça ? » C’est le cri du cœur d’Yvan Lebel qui a déjà occupé la présidence du Conseil scolaire fransaskois pendant 4 ans.
Thursday, April 21, 2016/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (27118)/Comments (0)/
Rencontre avec Kenneth Bos: histoire d'une chronique

Rencontre avec Kenneth Bos: histoire d'une chronique

Rencontre avec Kenneth Bos, à l'origine de "S'exprimer autrement", chronique qui paraît dans l'Eau vive depuis le 24 mars.
Thursday, April 21, 2016/Author: Mychèle Fortin/Number of views (38359)/Comments (0)/
Le centre éducatif Les Petits Pois de Bellevue

Le centre éducatif Les Petits Pois de Bellevue

Défis et projets d'une garderie en milieu rural

BELLEVUE - Après une occupation temporaire au sein du restaurant le Rendez-Vous, l’équipe et les enfants du centre éducatif Les Petits Pois ont intégré leurs locaux flambant neufs au sein de l’école.
Thursday, April 21, 2016/Author: Sandra Hassan Farah /Number of views (26542)/Comments (0)/
Communications scolaires

Communications scolaires

Ça a bardé ces dernières semaines dans les couloirs d’écoles. L’annonce du retour de l’ancien directeur de l’Éducation du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) a fortement polarisé les parents.
Thursday, April 7, 2016/Author: Jean-Pierre Picard/Number of views (28852)/Comments (0)/
Les 5 choses essentielles à apprendre avant l’âge de 20 ans

Les 5 choses essentielles à apprendre avant l’âge de 20 ans

Dans notre vie moderne, développée et diverse, il y a des choses que tous les jeunes devraient apprendre en grandissant pour potentiellement sauver des vies ou éviter des événements tragiques.
Thursday, April 7, 2016/Author: Pat Connolley/Number of views (34338)/Comments (0)/
Projet intergénérationnel à Gravelbourg

Projet intergénérationnel à Gravelbourg

Des aînés et des jeunes élèves de Gravelbourg ont discuté carrières.
Thursday, April 7, 2016/Author: Michel Vézina/Number of views (33055)/Comments (0)/
Concours Flash ton école: prix Coup de coeur des RVF à l'École Valois

Concours Flash ton école: prix Coup de coeur des RVF à l'École Valois

Rencontre avec la monitrice de langue Éliane Garcia

PRINCE ALBERT - L'école Valois a remporté la deuxième place du concours Flash ton école en se méritant le prix Coup de coeur du jury.
Tuesday, April 5, 2016/Author: Sandra Hassan Farah /Number of views (36236)/Comments (0)/
L’article 23 inclut-il le préscolaire ?

L’article 23 inclut-il le préscolaire ?

Un vide juridique relentit les gouvernements provinciaux

Le ministère de l’Éducation du Nouveau-Brunswick attend un examen du régime de garderies avant de décider s’il demandera l’avis de la Cour d’appel. En Ontario, où la petite enfance est également intégrée au ministère de l’Éducation, on attend une loi habilitante pour la prise en charge de services éducatifs préscolaires.

Friday, March 25, 2016/Author: Anonym/Number of views (36294)/Comments (0)/
Débats houleux entre CSF et parents

Débats houleux entre CSF et parents

La réembauche de Bernard Roy au cœur de l’Assemblée des électeurs du CSF

REGINA - L’assemblée générale des électeurs du Conseil scolaire fransaskois qui s'est tenue  vendredi le 11 mars était hautement attendue.  Et les plumes ont volé.

Thursday, March 24, 2016/Author: Jean-Pierre Picard et Frédéric Dupré/Number of views (29521)/Comments (0)/

L'École Beau Soleil et l'École Mathieu de Gravelbourg soulignent le Mois de l’histoire des Noirs

GRAVELBOURG - Le tissu social de la Saskatchewan est constitué de plus d’une soixantaine de nationalités différentes.
Thursday, March 24, 2016/Author: Michel Vézina/Number of views (26981)/Comments (0)/
L’Université d’Ottawa tend la main aux Fransaskois

L’Université d’Ottawa tend la main aux Fransaskois

Un programme de common law offert en français en Saskatchewan

L’Université d’Ottawa et l'Université de la Saskatchewan sont partenaires pour offrir des études de common law en français
Thursday, March 24, 2016/Author: Mila Roy (Gazette de l'Université d'Ottawa)/Number of views (31423)/Comments (0)/
RSS
First1314151618202122Last

 - Monday 23 December 2024