La Société Radio-Canada nous annonçait des compressions budgétaires ce qui se traduit par des coupures de plus de 300 postes aux services français de la société d’État. Ces compressions auront inévitablement un effet sur la francophonie canadienne et en particulier dans les régions du Canada. Les francophones hors-Québec vont noter l’an prochain une baisse de la présence de la radio et de la télévision locale en langue française dans leur région respective, réduisant de façon importante la capacité à la Société Radio-Canada la possibilité de remplir adéquatement son mandat. Ces compressions budgétaires ne doivent pas se faire sur le dos des francophones hors-Québec; ils méritent une radio et une télévision de qualité à travers le pays afin de refléter leur réalité.
Législation canadienne
Le mandat de la Société Radio-Canada est énoncé dans la Loi sur la radiodiffusion de 1991 qui stipule que la Société Radio-Canada, à titre de radiodiffuseur public national, devrait offrir des services de radio et de télévision qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit. La programmation de la Société devrait à la foi au départ refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu’au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions. De plus, cette programmation doit être offerte en français et en anglais de manière à y refléter la situation et les besoins particuliers des deux collectivités de langue officielle, y compris ceux des minorités de l’une ou l’autre langue. Ceci doit être fait de façon à être de qualité équivalente en français et en anglais.
Ainsi, la législation est claire quant aux objectifs de la Société de diffuser dans les deux langues officielles de qualité équivalente et de répondre aux besoins particuliers des régions canadiennes. Les francophones hors-Québec ne doivent pas faire les frais des compressions budgétaires au profit du siège-social et du réseau situé à Montréal. Le contenu et le message des régions canadiennes sont uniques et doivent être maintenu et promu afin de refléter une vraie dimension d’un océan à un autre de la radiodiffusion et en particulier chez les francophones.
La relève
Un des grands problèmes que soulèvent les coupures budgétaires à la Société Radio-Canada est la capacité de préparer et former la relève journalistique au Canada et en particulier hors-Québec. Nous savons très bien que la Société offre des possibilités aux jeunes gradués en journalisme, d’obtenir une expérience de travail dans le monde de la radiodiffusion à travers le Canada. Cette pépinière d’expériences professionnelles permet aux jeunes d’apprendre le métier, de se faire la main à la complexité de la radiodiffusion et de connaître le Canada avant bien souvent de faire le grand saut à Montréal, siège-social de Radio-Canada et des grandes émissions canadiennes en langue française. Il faut aussi grâce à cette expérience dans les régions canadiennes mieux préparer les futurs animateurs, journalistes et intervenants dans le monde de la radiodiffusion à la réalité canadienne et de transmettre ce vécue dans le réseau et au siège-social de la Société.
Sans cette expérience, comment allons-nous préparer les jeunes au métier de journalisme et de la radiodiffusion. Il existe actuellement très peu de déboucher pour les jeunes incluant le monde de la radiodiffusion. En effet, il existe très peu d’appui financier aux radio-communautaires à travers le Canada de sorte qu’il est difficile pour les jeunes d’acquérir une expérience dans le milieu de la radiodiffusion. Le secteur privé embauche de façon réduite de sorte qu’il n’existe que très peu d’opportunités de préparer la relève.
Cette expérience est importante pour l’ensemble du pays car elle permet à des jeunes de bien apprécié la dualité linguistique canadienne, de comprendre sa diversité et de pouvoir devenir un reflet de l’identité du pays. Sans cette expérience, les jeunes perpétuent les stéréotypes du réseau situé à Montréal et ne peuvent apprécier la diversité économique et sociale du pays. Les étudiants dans le domaine vont souvent abandonner le domaine de la radiodiffusion par suite de la perte de possibilités de carrière dans le domaine. A court terme, la Société procède à des coupures de postes et à long terme, nous perdons la connaissance du pays et de sa diversité linguistique et sociale.
Solutions
Au départ, les francophones hors-Québec doivent faire valoir leur opposition aux coupures car ceci porte atteinte directement à la programmation et la capacité de la Société Radio-Canada de remplir son mandat principalement dans les régions canadiennes. Cette opposition doit provenir des acteurs communautaires incluant les associations nationales rattachées au monde de la culture et de la radiodiffusion et des individus à travers les diverses régions du pays.
De plus, nous devons rappeler la place de la politique de radiodiffusion dans l’espace linguistique et culturel canadien aux acteurs politiques. Ces compressions budgétaires ne doivent pas se faire sur au détriment des francophones hors-Québec et des régions mais dans une même proportionnalité entre le réseau situé à Montréal et les régions canadiennes.
S’il y a coupures budgétaires, il faut combler le vide créer par la perte de programmation dans les régions par un appui financier gouvernemental dans le domaine de la radio aux radio-communautaires. Dans bien des cas, ces radios ont l’avantage souvent d’être beaucoup plus proche de la réalité des communautés francophones et permettent aux intérêts locaux d’être mieux représentés.
Au niveau de la télévision, si TV5 suite à la décision du CRTC en janvier dernier de lui accorder une licence pancanadienne en langue française, ne peut remplir les promesses de bien desservir les francophones à travers le pays, il est de mise de rappeler le projet ACCENTS. Ce projet de télévision nationale était dédié au reflet des communautés francophones et acadiennes pour les francophones et était complémentaire à la Société Radio-Canada et la chaîne TFO.
Les francophones hors-Québec méritent une radiodiffusion nationale à la hauteur de leurs attentes et ultimement, si la Société Radio-Canada ne peut remplir efficacement son mandat, il faut permettre aux francophones hors-Québec de se prendre en main et d’obtenir leur licence de radiodiffusion.
Gilles LeVasseur
M.Gilles LeVasseur est avocat et professeur de droit, de gestion et d’économie, est activement impliqué dans les dossiers se rapportant au droit constitutionnel, dont les droits linguistiques au Canada. Il est également vice-président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario.