Skip Navigation
Venir à bout de l’itinérance : possible, mais complexe
Marine Ernoult – Francopresse
/ Catégories: Société

Venir à bout de l’itinérance : possible, mais complexe

Combien y a-t-il de sans-abri au Canada ? Difficile à dire puisqu’il n’y a aucun chiffre précis et récent. Mais selon des experts, la pandémie de COVID-19, couplée à une inflation galopante et à une crise du logement sans précédent, a fait basculer de nombreuses personnes dans la rue. Venir à bout de l’itinérance reste possible, à condition d’investir massivement dans le logement social. Des spécialistes en discutent.

Avec la crise sanitaire et la flambée du coût de la vie, le visage de l’itinérance est en train de changer au Canada. De plus en plus de familles se retrouvent sans toit. Si les causes sont multiples, le manque de logement abordable est épinglé par tous les experts interrogés.

À leurs yeux, éliminer l’itinérance reste possible, si les ressources nécessaires sont affectées à la construction et à la mise à disposition immédiate de logements sociaux.

Combien d’itinérants ? 

Les chiffres récents font défaut. Tim Richter, président-directeur général de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance au Canada (ACMFI), avance qu’environ 235 000 personnes n’ont pas de domicile, dormant ainsi dans la rue, en hébergement d’urgence ou en logement de transition.

Au cours d’une nuit donnée, de 25 000 à 35 000 personnes se trouveraient en situation d’itinérance. Ces chiffres sont le résultat du dénombrement ponctuel Tout le monde compte coordonné par Ottawa en 2018 dans 61 communautés des quatre coins du pays. Un nouveau décompte mené par des milliers de bénévoles est en cours cet automne.

« C’est incomplet. Le nombre réel est potentiellement bien plus élevé. On manque de données nationales fiables », regrette Tim Richter.

« Nous ne faisons pas un travail très rigoureux pour mesurer l’ampleur du phénomène. Les méthodes de recensement changent selon les villes », rejoint Nick Falvo, consultant en politiques publiques et chercheur spécialisé en logement abordable et en itinérance.

Quels que soient les chiffres avancés, « la COVID-19 et le renchérissement du coût de la vie ont conduit de nouveaux Canadiens à la rue », assure Nick Falvo. « Le nombre de sans-abri augmente aux quatre coins du pays », renchérit Tim Richter.  

Selon une étude de l’École des politiques publiques de l’Université de Calgary, une augmentation de 1 % de l’inflation est susceptible de causer une hausse de 2 % de l’itinérance.

Entre février 2020 et mars 2022, l’ACMFI a de son côté observé un bond de 70 % de l’itinérance chronique (quand une personne passe au moins six mois dans la rue durant une année) au sein de 19 communautés.

Qui sont les sans-abri ?

Travailleurs pauvres, jeunes en rupture familiale, personnes souffrant de maladies psychiques ou de dépendances, anciens combattants, familles expulsées de leur logement, cette population est avant tout marquée par une infinie diversité de situations et de parcours.

Il existe toutefois des points communs. « Il y a toujours une fracture, une crise personnelle qui les rend éminemment vulnérables et les fait basculer dans une pauvreté extrême, accompagnée d’un grand isolement social », constate Tim Aubry, professeur titulaire à l’École de psychologie de l’Université d’Ottawa. 

On sait que la majorité des sans-abri sont des hommes célibataires, âgés de 25 à 49 ans. Les Autochtones sont également surreprésentés. « Un homme autochtone est onze fois plus à risque d’utiliser un refuge d’urgence qu’une personne non autochtone. Une femme autochtone, c’est quinze fois plus », rapporte Tim Richter. 

Les 13-24 ans constituent 13 % des itinérants et, au sein de ce groupe, les minorités sexuelles et les jeunes qui sont passés par le système de protection de l’enfance sont surreprésentés.

La pandémie et l’inflation galopante sont en train de changer le visage de l’itinérance. « Avec la hausse sans précédent des loyers, des familles à faible revenu, déjà fragilisées par la COVID-19, finissent par perdre leur logement », se désole Nick Falvo. 

Pourquoi se retrouve-t-on sans toit ? 

Tous les spécialistes interrogés s’entendent pour dire que le manque de logement social est en cause. « Depuis la fin des années 1980, les gouvernements ont cessé d’investir dans le secteur. On se retrouve avec une crise du logement sans précédent », affirme Tim Richter. Il donne l’exemple du Nouveau-Brunswick qui, jusqu’au mois d’octobre dernier, n'avait pas construit de logements sociaux en près de 40 ans.

Le président de l’ACMFI juge que la Stratégie nationale sur le logement, lancée en 2017, n’est pas assez ambitieuse : « Malgré les milliards annoncés, on perd quatre fois plus de logements abordables au Canada chaque année que l’on en crée, et l’écart ne cesse de se creuser. »

Tim Richter estime qu’il faudrait construire 350 000 nouveaux logements abordables, loin des 42 548 financés pour le moment par Ottawa. Il pointe par ailleurs l’insuffisance de l’aide sociale, administrée par les provinces, qui n’est pas indexée à l’inflation.

De son côté, Nick Falvo évoque le « racisme systémique, le colonialisme, l’homophobie et la transphobie ». Au-delà de ces facteurs structuraux, certaines raisons individuelles peuvent entrer en ligne de compte, comme des problèmes de santé mentale ou d’accoutumance ou des événements traumatisants (éclatement de la famille, violence familiale, etc.).  

Mettre fin à l’itinérance, est-ce possible ? 

Les interlocuteurs interrogés sont unanimes : pour éradiquer l’itinérance, les stratégies ne doivent pas se limiter à des réponses d’urgence, elles doivent avant tout s’attaquer aux causes structurelles.

« On se contente de soigner les problèmes de dépendance ou de santé mentale des itinérants dans des refuges, car on considère qu’ils ne sont pas prêts à sortir de la rue », déplore Tim Aubry.

Pour l’universitaire, il faut revoir le système d’hébergement temporaire nuit par nuit, et mettre immédiatement à disposition des sans-abri des logements stables et à long terme. 

« Il faut un accompagnement social pour les aider à se reconstruire pas à pas, car si on les met simplement dans un logement, beaucoup rechuteront », précise-t-il, évoquant des aides psychologiques ou administratives pour rechercher un emploi.

En Alberta, la ville de Medicine Hat est la première au pays à avoir éliminé l’itinérance chronique grâce à cette approche dite du « Logement d’abord ». « C’est un exemple à suivre, mais le défi va être de maintenir cette situation dans la durée », réagit Tim Richter.

L’ACMFI travaille actuellement avec 33 villes, dont Moncton, qui a connu une baisse de 10 % du nombre d’itinérants chroniques grâce au modèle de Medicine Hat. 

En août dernier, Ottawa a d’ailleurs presque doublé ses investissements, avec l’objectif de réduire de moitié l’itinérance chronique d’ici 2028. Tim Aubry n’est pourtant pas convaincu : « Les provinces et les municipalités décident de l’utilisation de l’argent fédéral, sans aucune obligation d’investir dans le logement. »

Les experts soulignent la nécessité pour les gouvernements provinciaux et fédéral de travailler main dans la main avec les autorités municipales. Les villes, qui décident de l’aménagement du territoire et coordonnent les initiatives locales, ont un « rôle de premier plan à jouer », souligne Nick Falvo. 

Entre ville et campagne, quelles différences ? 

« L’itinérance en campagne est largement invisible. Les gens vivent une misère un peu cachée », observe Tim Richter.

Les travailleurs sociaux en zone rurale font cependant face à un accroissement des demandes de personnes en situation d’exclusion, selon Tim Aubry. À ce titre, le manque de ressources pour soutenir les plus démunis constitue un défi de taille.

« Les sans-abri finissent par s’installer dans les grands centres urbains où les services sont plus présents. C’est particulièrement vrai pour les Autochtones qui préfèrent quitter leurs communautés isolées », explique Tim Aubry. 

Imprimer
2651

Marine Ernoult – Francopresse Francopresse

Autres messages par Marine Ernoult – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

CSF : Une injonction plaidée dans des conditions défavorables

Le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a, comme prévu, plaidé par la voix de son avocat, Me Roger Lepage, devant la Cour du Banc de la Reine à Regina, lors d’une injonction, pour obtenir la somme de 5,2 millions de dollars du gouvernement provincial les 6 et 7 août derniers.

14 août 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (23277)/Commentaires (0)/
Les parents déplorent la nouvelle cause juridique du CSF

Les parents déplorent la nouvelle cause juridique du CSF

Le Conseil scolaire fransaskois retourne devant les tribunaux

Mises à pied, démission du directeur, réductions de programmes et coupure du budget de 4,4 millions $. Suivant l’échec de pourparlers, le gouvernement a décrété le 12 juin un audit des finances du Conseil scolaire fransaskois. Le 26 juin, le CSF lançait une nouvelle poursuite

10 juillet 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (23732)/Commentaires (0)/
Droits ancestraux des autochtones

Droits ancestraux des autochtones

L’obligation de consulter est immédiate

La Cour suprême du Canada vient alourdir le fardeau des gouvernements et des entreprises dans l’exploitation des ressources sur les terres ancestrales. Le jugement du 26 juin pourrait impacter un grand nombre de négociations, partout au pays.

10 juillet 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (24439)/Commentaires (0)/

L’École secondaire Collège Mathieu récompense ses élèves méritants lors de son Gala 2014

L’école secondaire Collège Mathieu tenait son Gala annuel le jeudi 26 juin 2014. Parents, amis, élèves et membres du personnel se sont tous réunis pour récompenser les élèves qui se sont distingués durant la dernière année scolaire. La soirée a débuté par un barbecue, suivi du Gala aminé par Sydney Auger.

10 juillet 2014/Auteur: École secondaire Collège Mathieu/Nombre de vues (23934)/Commentaires (0)/

Et c’est reparti

C’est, hélas, grâce aux visites périodiques dans les couloirs des tribunaux que la francophonie canadienne réussit tant bien que mal à tirer son épingle du jeu. Le dossier scolaire a tenu pas mal d’avocats occupés ces dernières années à l’échelle du pays afin de s’assurer que l’éducation en français ait droit de cité à l’échelle du pays. Et ce n’est pas fini! 

3 juillet 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (25653)/Commentaires (0)/
La crise financière des écoles fransaskoises

La crise financière des écoles fransaskoises

Au fil des années, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a présenté au gouvernement plusieurs projets de budget d’obligation constitutionnelle successifs. Il s’agit, chaque année, de demander des montants qui, selon le CSF, devraient lui être attribués afin de respecter les obligations posées par l’article 23 de la charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à l’instruction dans la langue de la minorité. Le fossé entre les propositions de budget du CSF et les autorisations accordées par le ministère de l’Éducation n’a cessé de se creuser au cours de ces dernières années, même si les résultats des injonctions ont parfois limité cet écart. 

2 juillet 2014/Auteur: Arnaud Decroix/Nombre de vues (24080)/Commentaires (0)/

Soulignons la réussite!

Jeudi le 26 juin, plusieurs élèves du Pavillon secondaire des Quatre Vents (PSQV) de l’école Monseigneur de Laval ont été reconnus lors de l’édition 2014 du Gala Méritas.

2 juillet 2014/Auteur: Stéphanie Alain/Nombre de vues (25110)/Commentaires (0)/
Remise des diplômes aux finissants du Collège Mathieu pour l’année 2013-2014

Remise des diplômes aux finissants du Collège Mathieu pour l’année 2013-2014

Les petits plats avaient été mis dans les grands, samedi 28 juin à 14 h au Carrefour horizons, pour célébrer les diplômés de la promotion 2014 du Collège Mathieu (CM). 

2 juillet 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (28131)/Commentaires (0)/
Le Conseil scolaire fransaskois demande une injonction contre le gouvernement

Le Conseil scolaire fransaskois demande une injonction contre le gouvernement

Jeudi 26 juin, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a pris la décision de retourner devant les tribunaux pour tenter d’obtenir des fonds supplémentaires de la part du gouvernement provincial. Il y a trois mois, le CSF signait pourtant une convention de suspension des instances judiciaires pour une durée d’un an renouvelable. Voici le récit des événements qui auront conduit à ce revirement.

30 juin 2014/Auteur: Arnaud Decroix/Nombre de vues (30185)/Commentaires (0)/
Réorganisation des services spécialisés aux élèves du CÉF

Réorganisation des services spécialisés aux élèves du CÉF

Lettre aux parents du directeur de l'éducation du Conseil des écoles fransaskoises

Mise à jour du directeur de l'éducation du Conseil des écoles fransaskoises, Donald Michaud, sur la réorganisation des services spécialisés aux élèves.
26 juin 2014/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (25660)/Commentaires (0)/

Soirée Méritas, l’école Providence récompense ses élèves les plus méritants

C’est ce mercredi 18 juin 2014 que l’école Providence de Vonda a choisi de récompenser ses élèves les plus méritants avec sa traditionnelle soirée Méritas.

26 juin 2014/Auteur: Abdoul Sall – ACFT/Nombre de vues (28229)/Commentaires (0)/

Rencontre de travail du Conseil scolaire fransaskois à Saskatoon

Des défis et des questions

Le vendredi 20 juin, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a tenu une rencontre de travail à Saskatoon. Au cours de celle-ci, André Denis a été confirmé dans son poste de président. Le conseiller de Zenon Park, Denis Marchildon, remplace Simone Couture à la vice-présidence. 

26 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (27121)/Commentaires (0)/

Bourses d'études de la Fondation fransaskoise: Réflexions des lauréats

Des finissants de 12e année reçoivent un appui du Fonds Bourses d'études Louis et Gabrielle Lepage

Le Fonds Bourses d’études Louis et Gabrielle Lepage a pour but de fournir une bourse d’études à chaque finissant de la 12e année des écoles francophones du sud de la Saskatchewan. La Fondation fransaskoise verse annuellement jusqu’à 100% des montants des revenus nets générés par le capital du fonds « Bourses d’études Louis et Gabrielle Lepage. »

26 juin 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (26154)/Commentaires (0)/

Lettre des parents mobilisés

Position des parents mobilisés à la lumière des enjeux récents concernant la gestion des écoles fransaskoises: Les Parents mobilisés appuient le Conseil scolaire fransaskois (CSF), mais reconnaissent que le Conseil des écoles fransaskoises s(CÉF) a fait des erreurs stratégiques au cours des dernières années.

26 juin 2014/Auteur: Les parents mobilisés pour une saine gestion scolaire/Nombre de vues (23593)/Commentaires (0)/

Si on se donne des règles, c’est pour les suivre

Je doute que les premiers feux de signalisation ou panneaux d’arrêt aient été installés dans les villes l’année même où les voitures ont fait leur apparition dans nos rues. Il aura fallu sans doute quelques collisions avant de prendre conscience de la nécessité d’offrir un certain encadrement à la circulation. 

26 juin 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (21563)/Commentaires (0)/
RSS
Première2425262729313233Dernière

 - jeudi 23 mai 2024