Éducation francophone : Me Roger Lepage décortique l’article 23
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Organisé autour de la thématique du continuum en éducation du 1er au 7 novembre, le Rendez-vous fransaskois a été marqué le 3 novembre par la tenue d’un atelier sur le droit aux services de l’éducation animé par l’avocat Roger Lepage.
La francophonie canadienne en situation minoritaire revient de loin en matière d’éducation en français. Les jeunes générations ne s’en souviennent pas, mais les pionniers comme maître Roger Lepage se rappellent bien l’époque sombre où s’instruire en français n’était pas un droit constitutionnel, encore mois une pratique légale.
« En 1918, la loi scolaire en Saskatchewan limitait l’enseignement en français. Quelques années plus tard, en 1929, la loi scolaire interdisait tout simplement l’enseignement en français », explique l’avocat constitutionnaliste.
Une assise solide
L’avocat Roger Lepage
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« Avant ces deux lois, il y avait 80 villages fransaskois où l’on enseignait le français du fait de l’activisme de l’Église catholique qui constituait le leadership de la communauté à cette époque. Après cet épisode, il n’en est resté qu’une douzaine qui ont préservé l’instruction en français », poursuit le Fransaskois, qui rappelle que ces lois anti-francophones ont été adoptées dans plusieurs provinces canadiennes.
Le juriste qui a engagé à maintes reprises des batailles juridiques contre le gouvernement provincial a non seulement décortiqué l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, mais est aussi revenu sur de nombreuses décisions de la Cour suprême dans plusieurs provinces canadiennes.
Adoptée en 1982 dans le sillage des velléités indépendantistes au Québec, la Charte canadienne et son article 23 sont venus garantir les droits linguistiques, éducatifs et culturels aussi bien des minorités francophones à l’extérieur du Québec que des minorités anglophones du Québec.
« Il y a trois catégories de citoyens canadiens qui ont le droit d’accéder aux services de l’école francophone, car celle-ci n’est pas accessible à tout le monde, précise l’avocat. La première est celle d’individus pour qui le français est la langue apprise ou comprise chez au moins l’un des deux parents. La deuxième est celle de personnes dont au moins un parent a reçu une éducation en français au Canada, alors que la troisième est celle dont un enfant a reçu une éducation en français », détaille Roger Lepage.
Quant aux nouveaux arrivants francophones, une permission d’admission à l’école est nécessaire, mais ceux-ci deviennent automatiquement des ayants droit une fois qu’ils acquièrent la citoyenneté canadienne.
Une lutte constante
N’étant pas absolu comme tout droit constitutionnel, le droit à l’éducation francophone est conditionné par plusieurs facteurs, comme celui du nombre suffisant d’élèves dans une communauté francophone minoritaire pour mettre en place un programme ou une école.
À l’instar de tous les textes constitutionnels, la Charte canadienne et son article 23 ont souvent été les sujets de batailles juridiques et de divergences d’interprétations entre les citoyens et leur gouvernement.
Il aura donc fallu plusieurs années et plusieurs jugements de la Cour suprême du Canada pour établir une certaine jurisprudence éclairant l’application de cet article constitutionnel par les provinces sur le terrain.
Par exemple, la question du nombre suffisant a dès 1990 fait l’objet d’une décision de la Cour suprême en Alberta. Celle-ci explique que le nombre pertinent d’élèves pour qu’une classe ou une école francophone soit créée est déterminé par deux facteurs : les services appropriés en termes pédagogiques et le coût.
Considérée comme la plus importante interprétation de l’article 23, la décision Mahé a clairement statué que l’objet général de cet article est de maintenir les deux langues officielles et leur culture, ainsi que de favoriser l’épanouissement des communautés et de remédier à l’érosion progressive des minorités.
Mieux encore, cette décision édicte la notion de « partenaires égaux » des deux groupes linguistiques en éducation. D’autres principes ont vu le jour avec la décision Mahé, comme le respect du droit de la gouvernance, à savoir la gestion scolaire, la construction d’écoles de proximité et l’obligation d’éviter les atermoiements des provinces qui imposent de longs délais aux projets d’écoles de langue minoritaire.
Autre décision pertinente de la Cour suprême, celle d’Arsenault-Cameron sur l’Île-du-Prince-Édouard en 2000. Cette dernière explique que l’article 23 est à caractère réparateur et n’a pas pour objet de renforcer le statu quo. Autrement dit, l’objectif visé par la Charte canadienne est l’égalité entre la majorité et la minorité en matière d’éducation.
La Fransaskoisie concernée
À la question de savoir comment la communauté fransaskoise peut tirer profit de l’article 23 et des jugements de la Cour suprême du Canada depuis trois décennies, maître Roger Lepage donne plusieurs pistes.
« Il faut tout d’abord utiliser les résultats du recensement de 2021 pour identifier le nombre d’ayants droit et leurs emplacements. Ensuite, il est nécessaire d’établir un plan provincial de petites écoles primaires de proximité », suggère l’expert constitutionnaliste.
D’après l’homme de loi fransaskois, il est important d’établir un plan urbain pour la communauté de Prince Albert. À Regina et Saskatoon, Roger Lepage explique que quatre écoles primaires et deux écoles secondaires sont aujourd’hui justifiées. Par ailleurs, un plan pour les communautés rurales est tout aussi nécessaire pour des écoles dans les centres régionaux comme Melfort, Estevan ou Swift Current.
« Il est également utile de travailler avec les jeunes parents pour identifier leurs besoins et emplacements », soutient Roger Lepage, pour qui le respect de l’article 23 est une responsabilité commune du conseil scolaire, des parents et des organismes communautaires.
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