Skip Navigation
Festival Cinergie 2024

Les professeurs de moins en moins protégés dans leur liberté universitaire

FRANCOPRESSE – Selon un nouveau sondage Léger, près de la moitié des Canadiens sont au courant de la récente controverse à l’Université d’Ottawa, et plus de la moitié ont tendance à soutenir la professeure ayant prononcé le «mot en n» dans le cadre de son cours Art and Gender plutôt que les étudiants. De la Colombie-Britannique au Québec, les professeurs Samir Gandesha et Gérard Bouchard s’entendent pour protéger la liberté universitaire, mais mettent en lumière les conséquences auxquelles peuvent s’exposer certains professeurs qui s’y risqueraient.

Le sondage Léger, mené en collaboration avec l’Association d’études canadiennes (ACS), suggère que 75 % des Canadiens pensent qu’il faut «protéger à tout prix la liberté d’expression dans nos institutions d’enseignement universitaire afin de permettre un libre échange des idées et des opinions».

En contrepartie, 25 % des répondants pensent «que nous devrions limiter la liberté d’expression dans nos institutions d’enseignement universitaire afin de proscrire certains mots ou expressions qui peuvent offenser certains groupes», et ce quel que soit le contexte.

À lire aussi : Professeure suspendue à l'Ud'O: «deux principes à réconcilier», selon le recteur

Un espace sacré

«Vous parlez à quelqu’un dont le rêve était de devenir un professeur et qui l’est devenu, et qui s’en est toujours réjoui!» indique d’entrée de jeu le professeur Gérard Bouchard, de l’Université du Québec à Chicoutimi.

Sociologue et historien, il a coprésidé la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles — ou Commission Bouchard-Taylor — au Québec en 2007-2008.

«Il faut absolument protéger [cet espace de liberté universitaire], c’est quelque chose de sacré. Personne ne doit s’immiscer dans ce lieu-là pour en détourner l’opération», prévient Gérard Bouchard, pour qui la liberté universitaire est un énorme privilège et l’une des grandes conquêtes des sociétés occidentales.

«C’est un espace comparable à un laboratoire, en marge de l’agitation de la société, à l’abri de ses atteintes et de ses pouvoirs. Un espace privilégié pour réfléchir et interroger, qui n’est pas soumis aux préjugés et aux stéréotypes», soutient le professeur Bouchard.

Un espace tiraillé

Professeur agrégé au Département des sciences humaines de l’Université Simon Fraser, Samir Gandesha a fait de la liberté universitaire son champ d’expertise.

Selon lui, «la liberté universitaire est la liberté des individus qui ont été académiquement formés à suivre des pistes de recherche, peu importe où elles mènent. Et là où elles peuvent mener, elles peuvent être très controversées, voire déranger les pouvoirs en place dans la société. Elles peuvent aussi être offensantes pour des groupes particuliers qui ont peut-être moins de pouvoir dans la société.»

Il ajoute que la liberté universitaire permet de rester relativement à l’abri de l’ingérence de l’Église et de l’État, ce qui ne signifie pas pour autant qu’elle soit exempte de pressions :

«L’université est devenue moins une institution publique et plus une institution privée», précise le professeur Gandesha en faisant référence au secteur privé qui finance des projets universitaires. «Elle reçoit de moins en moins de fonds publics, qui doivent être compensés par des dons privés. Lorsqu’il y a ce genre de lien avec des fonds privés, il semble souvent qu’il y ait de plus en plus de conditions liées à l’obtention de ces fonds.»

Samir Gandesha se préoccupe aussi de la situation des professeurs contractuels dans les établissements d’enseignement universitaires : «On retrouve de moins en moins de postes permanents dans les universités qui soient protégés de toute sanction quant à leurs recherches et à l’utilisation de termes controversés relatifs à leur discipline.»

«[Cela fait en] sorte que beaucoup de professeurs universitaires, des professeurs à temps partiel, comme on les appelle, travaillent sous contrat de courte durée et sont soumis à la pression de ne pas être controversés, de ne pas être offensants, de ne pas déplaire à l’administration, aux étudiants et à leurs collègues permanents, par crainte de ne pas voir leur contrat renouvelé», dénonce Samir Gandesha.

Un laboratoire pour disséquer les mots

Gérard Bouchard suggère que la liberté académique permet de se pencher sur des concepts qui ne pourraient pas être débattus dans la société ou dans la vie quotidienne.

«[Un] concept qui est vraiment dégradant, qui aux yeux de plusieurs personnes évoque une mémoire malheureuse et qui est chargé de souffrance, en raison du lieu que constitue l’université, on peut le prendre pour le disséquer, pour comprendre son histoire et son origine, pour comprendre le cheminement par lequel il en est venu à se charger de résonances aussi honteuses, aussi infamantes», estime le professeur. 

«De façon, si possible, à mieux le faire comprendre et finalement à donner des raisons à chacun […] ne pas l’utiliser», ajoute-t-il. 

En ce qui concerne le «mot en n», Gérard Bouchard prévient qu’en faire un tabou, l’enrober d’un interdit et même l’associer à des sanctions, comme dans le cas de la professeure de l’Université d’Ottawa, est «la pire façon» de procéder.

Selon lui, ces comportements éveillent l’incompréhension d’abord et invitent ensuite à l’agressivité, au ressentiment et au profit.

Il ajoute qu’étudier un mot sous la loupe pour démontrer pourquoi il faut se garder de l’utiliser entraine, au contraire, une démarche positive dont ont bénéficié par exemple les mots «sauvage», «Apartheid» et «Shoa».

«Les Juifs n’ont pas essayé d’enfouir ce mot-là sous un tabou ou un interdit. Ils ont fait le contraire : ils l’ont rendu ouvert à toute la population, à tous ceux qui voulaient réfléchir pour s’en emparer. Et puis finalement, ils ont réussi, je ne dis pas à le neutraliser, mais ils en ont fait un objet culturel sur lequel tout le monde peut réfléchir, que tout le monde peut utiliser», souligne Gérard Bouchard.

«Et le résultat est formidable! Ce qui était un drame ou une tragédie pour une partie de la population, c’est-à-dire les Juifs, s’est transformé en une tragédie qui concerne l’ensemble de l’humanité. C’est l’ensemble de l’humanité qui se sent maintenant interpelée par cette tragédie. Voilà qui est beaucoup plus efficace pour lutter contre l’antisémitisme, et au-delà de l’antisémitisme, pour lutter contre le racisme comme tel. C’est une opération très intelligente», défend le sociologue et historien.

La responsabilité de l’enseignant

Samir Gandesha rappelle que grâce à son poste permanent, il connait bien la liberté académique qui n’existe que si elle est utilisée.

Il se dit donc prêt à repousser les limites de la liberté académique et il est, selon lui, important de le faire. Mais il ne s’attend pas à ce que ses collègues agissent de la sorte en raison de leur statut précaire.

Il précise vouloir aussi exercer son jugement avec prudence et ne pas être provocateur pour le plaisir de provoquer. Selon lui, les universités suivent des procédures assurant la meilleure approximation de la vérité possible, les meilleures recherches disponibles et un flot constant de projets de recherche défiant la vérité acceptée du jour.

Mais, tempère-t-il, «en tant que professeur, vous faites partie de la communauté universitaire et les étudiants font également partie de cette communauté. Voulez-vous livrer un contenu qui mette certains étudiants mal à l’aise? Est-ce que ça va aider votre enseignement? Vous êtes également un enseignant, pas seulement un chercheur. À quel point allez-vous être sensible aux préoccupations de vos étudiants? Je pense que c’est une question importante, qui n’est pas souvent incluse dans la discussion sur la liberté académique», nuance Samir Gandesha.

Gérard Bouchard suggère, en référence à la controverse de l’Université d’Ottawa, d’«arrêter de se lancer des pétitions et de se dénoncer les uns les autres sur les réseaux sociaux ou dans les journaux. Il faut aller plus loin que ça maintenant ; il fallait que ça se fasse, mais là, maintenant, il faut passer à autre chose.»

Il souhaiterait voir davantage de structure dans ce débat : «Les administrations des universités, la direction des syndicats de professeurs et professeures ou la direction des associations d’étudiants et d’étudiantes pourraient prendre en charge cet exercice [d’échanges entre les professeurs et leurs étudiants]. Il me semble que ça serait de ces milieux-là que ça devrait venir.»

Sondage Léger

Sondage Léger

Le sondage Léger, mené en collaboration avec l’Association d’études canadiennes (ACS), suggère que 75 % des Canadiens pensent qu’il faut «protéger à tout prix la liberté d’expression dans nos institutions d’enseignement universitaire afin de permettre un libre échange des idées et des opinions». Crédit : Sondage hebdomadaire du 27 octobre 2020 – Léger

Article précédent Campus Saint-Jean : vers une intervention fédérale?
Prochain article Liberté académique : la parole aux universités de l’Ouest
Imprimer
12871

Marie-Paule Berthiaume (Francopresse)Francopresse

Autres messages par Marie-Paule Berthiaume (Francopresse)
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Robert Craig, lauréat du prix Prix Alpha Sask

Robert Craig, lauréat du prix Prix Alpha Sask

Grâce à la communauté fransaskoise j’ai pu garder mon français

Cette année, le prix Alpha Sask récompensait un texte répondant à la thématique Pourquoi avez-vous décidé d’apprendre le français? C’est totalement par hasard que Robert Craig est tombé sur l’affiche du concours, pendant sa pause café. C’était le dernier jour pour envoyer les textes. Il a décidé de tenter sa chance. En effet, il avait bien des choses à dire sur son histoire d’amour avec le français.

20 novembre 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (26080)/Commentaires (0)/
Parents et petits à Prince Albert

Parents et petits à Prince Albert

Des activités ludiques... en français!

Si vous vous promenez du côté de la bibliothèque John M. Cuelenaere à Prince Albert, le samedi matin vers 10 h, vous assisterez à  la venue d’une joyeuse troupe mêlant parents et enfants et ayant pour but la découverte du français de façon amusante.

20 novembre 2014/Auteur: Ahmed Hassan (EV)/Nombre de vues (30447)/Commentaires (0)/
École St-Isidore : de bonnes raisons pour se réjouir

École St-Isidore : de bonnes raisons pour se réjouir

Terry Gaudet nommé l’entraîneur de performance masculine de l’année par l’Association de Volleyball de la Saskatchewan.

À l’École St-Isidore, il y a cette année bien des raisons de se réjouir. On vient de mettre la dernière touche au plancher tout neuf du gymnase, un sol de sport Pulastic. Cette nouvelle acquisition arrive à point nommé. En effet, l’école et la communauté de Bellevue, en collaboration avec la communauté de Wakaw, seront les hôtes du tournoi de volleyball de la ligue provinciale masculine 3A de la Saskatchewan High School Athletics Association (SHSAA) 

20 novembre 2014/Auteur: Jennie Baudais (CÉF)/Nombre de vues (32452)/Commentaires (0)/
Les jeunes s’emparent du Parlement

Les jeunes s’emparent du Parlement

REGINA - Le Parlement franco-canadien du Nord et de l'Ouest (PFCNO) se déroule chaque année et rassemble les jeunes francophones des provinces du Nord et de l'Ouest du Canada. Cet évènement national donne la chance aux jeunes qui ont entre 16 et 25 ans de donner leur propre avis à propos des politiques adoptées par le Parlement officiel et, bien sûr, de se faire plein d’amis.

13 novembre 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (31573)/Commentaires (0)/
Pour une éducation fransaskoise de la pré-maternelle à l’université

Pour une éducation fransaskoise de la pré-maternelle à l’université

L'éducation au coeur des discussions au Rendez-vous fransaskois 2014

SASKATOON - Cette année, l’édition 2014 du Rendez-vous fransaskois se déroulait à Saskatoon sous le thème de l’éducation. En ouverture, samedi le 8 novembre, la présidente nouvellement réélue de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF), Françoise Sigur-Cloutier, a rappelé l’importance de cette thématique. Ainsi, selon elle, ‘’toute la valeur de notre communauté dépend de cette cause’’

12 novembre 2014/Auteur: Arnaud Decroix/Nombre de vues (31009)/Commentaires (0)/

Postsecondaire : petit voyage dans le temps

Au Rendez-vous fransaskois, le kiosque de l’Eau vive permettait de faire un petit voyage dans le temps en se promenant dans les albums de l’hebdomadaire des 30 dernières années. Les gens s’amusaient à regarder les photos des membres de la communauté à une époque où les cheveux étaient plus foncés ou plus fournis.

12 novembre 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (25387)/Commentaires (0)/
Mais que font les professeurs quand ils ne sont pas en classe?

Mais que font les professeurs quand ils ne sont pas en classe?

Congrès annuel de l’Association des professeurs de français de la Saskatchewan (APFS)

Quand vous regardez le calendrier scolaire de votre enfant, vous voyez toutes ces journées mystérieuses : perfectionnement professionnel, session de planification, conventions... Et je suis sûre que vous vous demandez ce que ce font les enseignants au lieu d’être en classe avec votre enfant. 

6 novembre 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (27161)/Commentaires (0)/
L’École Valois à l’heure de l’Halloween

L’École Valois à l’heure de l’Halloween

PRINCE ALBERT - Sous les yeux du Père Valois, le fondateur de la seule école francophone de Prince Albert, et avec l’accord de M. RIVARD, directeur des lieux, les chaises, les tables et les enfants studieux ont laissé place à des locataires d’un soir à savoir des fantômes, des animaux de la nuit, des toiles d’araignée et beaucoup d’autres personnages.

6 novembre 2014/Auteur: Ahmed Hassan Farah (EV)/Nombre de vues (27748)/Commentaires (0)/
« Ne pas perdre ma langue! »

« Ne pas perdre ma langue! »

Jamie Gignac de Vonda au Campus St-Jean

Il y a deux ans, la Fransaskoise Jamie Gignac, alors élève de 12e année à l’école Providence de Vonda, s’est retrouvée devant un dilemme : quoi faire au terme de ses études secondaires? « J’ai changé d’idée au moins cinq fois en cours d’année », avoue candidement la jeune femme. 
29 octobre 2014/Auteur: Étienne Alary/Nombre de vues (30384)/Commentaires (0)/
Mgr de Laval lutte contre la faim, avec enthousiasme

Mgr de Laval lutte contre la faim, avec enthousiasme

Certains auront du mal à y croire. « La faim existe au Canada »1, qui fait partie des 10 pays les plus riches de la planète. Les élèves de l'école Mgr de Laval de Regina ont décidé de faire quelque chose.

22 octobre 2014/Auteur: Luc Bengono/Nombre de vues (28122)/Commentaires (0)/
Congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)

Congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)

François Kasongo élu représentant de l'Ouest au conseil d'administration

Plus de 85 personnes, présidences des collèges, directions générales, directions des études et de la formation continue, ainsi que de nombreux partenaires, ont participé encore une fois au congrès annuel du Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC) qui s’est tenu les 2 et 3 octobre derniers à Ottawa sous l’égide de La Cité. 

22 octobre 2014/Auteur: Réseau des cégeps et des collèges francophones du Canada (RCCFC)/Nombre de vues (28373)/Commentaires (0)/
Congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones

Congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones

La Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) représentant environ 150 000 élèves de langue française répartis dans plus de 640 écoles partout au pays tenait son congrès annuel sur le thème du démarchage, à Niagara Falls, du 16 au 18 octobre.

22 octobre 2014/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (28970)/Commentaires (0)/
Émile Fortier: Comme une grande famille!

Émile Fortier: Comme une grande famille!

Un fransaskois au Campus St-Jean d'Edmonton

EDMONTON - Avec ses 750 étudiants, le Campus Saint-Jean est considéré comme un petit établissement au sein de l’Université de l’Alberta qui accueille chaque année près de 30 000 étudiants.

22 octobre 2014/Auteur: Étienne Alary/Nombre de vues (29473)/Commentaires (0)/
Capacité d’apprentissage: Six lieux, 3 groupes et un couffin

Capacité d’apprentissage: Six lieux, 3 groupes et un couffin

Des chercheurs ont suivi pendant quatre ans des jeunes enfants en milieu minoritaire pour mesurer l’impact d’un programme enrichi créé en Saskatchewan. Le résultat est « significatif » et pertinent.

22 octobre 2014/Auteur: Anonym/Nombre de vues (25274)/Commentaires (0)/

Des facteurs socioéconomiques et culturels influent sur la performance au chapitre de l'éducation et des compétences

Il faut mieux comprendre les défis particuliers auxquels sont confrontés les autochtones.

Selon un nouveau rapport du Conference Board du Canada sur l'éducation et les compétences dans les territoires produit dans le cadre de l'analyse Les performances du Canada, les résultats des territoires au chapitre de l'éducation et des compétences sont inférieurs à ceux des provinces en raison d'écarts notables entre les niveaux de scolarité des populations autochtones et non autochtones.

16 octobre 2014/Auteur: Conference Board of Canada/Nombre de vues (21224)/Commentaires (0)/
RSS
Première2122232426282930Dernière

 - jeudi 2 mai 2024