Skip Navigation

Le légendaire Fort La Jonquière a-t-il été érigé en Alberta ou en Saskatchewan?

L’insoluble question m’a été posée une fois de plus la semaine dernière. Si la plupart des historiens s’accordent à mettre en doute la construction du fameux fort au pied des Rocheuses, où donc a-t-il été élevé ? Le fait est que l’on n’en sait trop rien.


Si encore aujourd’hui certains placent le fort dans la région de Calgary, la responsabilité en revient à Benjamin Sulte (1882) qui, dans le tome VII de son Histoire des Canadiens français, 1608-1880, conclut à cette position sans en avoir fait la démonstration.

 

Le fait est qu’il en aurait été incapable, car nous ne possédons sur la position du fort que des informations parcellaires en provenance d’une seule source. Il s’agit d’un rapport fort imprécis de la main du successeur de La Vérendrye, le sieur Legardeur de Saint-Pierre. C’est lui-même qui en exigea la construction. Voici ce qu’il écrivit :

 

L’ordre, que j’avois donné à M. de Niverville, d’aller établir un fort, à trois cens lieues plus haut que celui de Paskoya, fut exécuté le 29 May 1751. Il fit partir dix hommes en deux canots, lesquels remontèrent la rivière du Paskoya jusqu’à la montagne de Roche, où ils firent un fort, que je nommay le fort La Jonquière, et un amas considérable de vivres, en attendant l’arrivée de M. de Niverville, qui devoit partir un mois après eux, ce qu’il ne put faire à cause d’une grande maladie qu’il eut. J’appris, par les hommes revenus de son fort, qu’il n’y avoit pas à espérer qu’il se relevât de cette maladie, à quoy j’ajoutay foy, ses forces ne luy ayant pas permis de m’écrire un seul mot1 [sic].

 

Départ tardif, canots chargés jusqu’au plat-bord, le faible contingent d’hommes dépêché par Niverville ne pouvait espérer se rendre très loin. En fait, il n’était dans l’intérêt de personne qu’il parcourut une distance plus grande que celle dictée par les exigences du moment.

 

Le poste devait servir de tête de pont à une exploration ultérieure et plus lointaine. Sa construction devait répondre au vœu exprimé par les Iatcheouilini (Pieds-Noirs), les Brochets (ou « Kinousew Iriniwok »] et les Gros-Ventres [Atsinas] qui souhaitaient qu’un poste fût érigé sur un territoire fréquenté par leurs trois nations.

 

En fait, des faisceaux d’indices concordants2 ont conduit plusieurs historiens à placer le Fort La Jonquière sur la branche principale de la rivière Saskatchewan, voire entre Pemmican Point et les rapides de Nipawi, donc vraisemblablement sous les eaux de la rivière que des barrages ont depuis gonflées le long de ce parcours. Toute possibilité d’y retrouver la trace du fort serait désormais compromise.

 

Quant à la « montagne de Roche » mentionnée par Legardeur de Saint-Pierre, le père Antoine Champagne, spécialiste de La Vérendrye, a cru qu’il pouvait s’agir des Thickwood Hills.

 

Ces collines de faible élévation ne sont aucunement visibles depuis la rivière Saskatchewan. Comme leur nom l’indique, elles sont fortement boisées et il ne s’y trouve ni cime ni falaise rocheuse qui puisse leur faire mériter le vocable de montagne de Roche.


Les seuls noms français qu’on leur reconnaît sont : montagne Forte ou montagne de Bois fort et montagne d’Embarras. Tous ces noms font précisément référence au fait qu’elles sont densément boisées et que les pistes qui les traversaient étaient souvent « embarrassées » par des arbres renversés.

Or, le vocable « montagne de Roche » correspond en tout point à un calque du toponyme cri Asinîwaciy (ᐊᓯᓃᐊᐧᒋ), nom bel et bien donné aux Rocheuses.


Rien n’est plus embarrassant pour un détective que d’enquêter sur un meurtre lors même que la présumée victime jouit d’une certaine notoriété et qu’il n’y a pas de cadavre. La comparaison paraîtra excessive, mais l’incapacité à localiser un fort dont on ne peut nier qu’il a acquis une valeur symbolique est, pour dire le moins, assez contrariante. Legardeur de Saint-Pierre aurait dû être plus précis. À moins que, pour des raisons tout aussi inconnues, il préférât ne pas l’être.

 

1. Mémoire ou Journal sommaire du voyage de Jacques Le Gardeur de Saint-Pierre, Margry, P. (1876). Découvertes et établissements des Français dans l'ouest et dans le sud de l'Amérique septentrionale (1614-1754) mémoires et documents originaux. Paris: [s.n.], p. 637.

 

2. Voir à ce propos : Champagne, A. (1968). Les La Vérendrye et le poste de l'Ouest. Québec: Presses de l'Université Laval.

Les forts des Prairies de la Nouvelle-France

Les forts des Prairies de la Nouvelle-France

Illustration: Quebec Culture Blog

Imprimer
23775

Carol LéonardCarol Léonard

Autres messages par Carol Léonard
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Un prix d’excellence décerné à une éducatrice fransaskoise

Un prix d’excellence décerné à une éducatrice fransaskoise

Le 4 mai 2024 Charlène Isabelle, éducatrice à la garderie Pomme d'API de Mosse Jaw, a reçu un prix d’excellence lors du gala annuel de l’Association de la petite enfance de la Saskatchewan.

26 mai 2024/Auteur: Leanne Tremblay/Nombre de vues (4204)/Commentaires (0)/
Les enseignants soudés dans l’adversité

Les enseignants soudés dans l’adversité

Les enseignants du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) se sont réunis à Regina les 25 et 26 avril pour le congrès annuel.

17 mai 2024/Auteur: Leanne Tremblay/Nombre de vues (3542)/Commentaires (0)/
Gala Méritas : la Cité francophone fête ses étudiants

Gala Méritas : la Cité francophone fête ses étudiants

Le 8 avril, la Cité universitaire francophone a célébré la quatrième édition du Gala annuel Méritas.

19 avril 2024/Auteur: Ghita Hanane/Nombre de vues (3133)/Commentaires (0)/
Le budget provincial 2024-2025 déçoit les Fransaskois

Le budget provincial 2024-2025 déçoit les Fransaskois

L’annonce du budget provincial 2024-2025 en Saskatchewan déplaît à plus d’un Fransaskois

12 avril 2024/Auteur: Ghita Hanane – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5164)/Commentaires (0)/
Les élèves fransaskois excellent malgré les défis d’infrastructures

Les élèves fransaskois excellent malgré les défis d’infrastructures

Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) a publié son rapport annuel 2022-2023. L’occasion pour L’Eau vive de revenir sur les points saillants de cette période.

5 mars 2024/Auteur: Mehdi Jaouhari/Nombre de vues (4822)/Commentaires (0)/
Projet de loi C-35 : une demi-victoire pour les garderies francophones

Projet de loi C-35 : une demi-victoire pour les garderies francophones

Organismes et citoyens francophones se sont mobilisés pour appuyer un amendement important du Sénat au projet de loi C-35 sur les services de garde.

25 février 2024/Auteur: Mehdi Jaouhari/Nombre de vues (4026)/Commentaires (0)/
L’heure des contes désormais multilingue à la bibliothèque publique de Saskatoon

L’heure des contes désormais multilingue à la bibliothèque publique de Saskatoon

Une nouveauté débarque à la Bibliothèque publique de Saskatoon cette année : l’heure des contes est désormais bilingue.

4 février 2024/Auteur: Leanne Tremblay/Nombre de vues (5577)/Commentaires (0)/
De nouvelles places de garderie à Moose Jaw

De nouvelles places de garderie à Moose Jaw

Le Centre éducatif Pomme d’Api à Moose Jaw vient de recevoir du financement gouvernemental afin d’ouvrir de nouvelles places en français. Une bonne nouvelle pour les parents, mais qui est loin de répondre à la demande. Car sur les 2 349 places en cours de création dans la province, 28 seulement sont dédiées aux Fransaskois.

12 janvier 2024/Auteur: Mehdi Jaouhari/Nombre de vues (4022)/Commentaires (0)/
Vente de l’école du Parc à Regina : un manque à gagner pour les Fransaskois

Vente de l’école du Parc à Regina : un manque à gagner pour les Fransaskois

Fin septembre, les parents fransaskois ont eu la mauvaise surprise d’apprendre que l’école du Parc, solution temporaire en attendant l’ouverture d’un nouvel établissement pour leurs enfants, sera finalement vendue plutôt que conservée. Une déception pour nombre d’entre eux.

31 octobre 2023/Auteur: Ghita Hanane – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (4885)/Commentaires (0)/
Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF

Message du directeur général du CÉF .

11 septembre 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (6931)/Commentaires (0)/
ALLOFrench : la gratuité au service des Canadiens de l'Ouest

ALLOFrench : la gratuité au service des Canadiens de l'Ouest

Projet pilote d'un an, ALLOFrench offre des cours gratuits de français en Saskatchewan et en Alberta du 1er avril 2023 au 31 mars 2024. Réservé aux citoyens canadiens, le programme vise à étendre l'influence du français dans les Prairies.

1 septembre 2023/Auteur: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5370)/Commentaires (0)/
Une première pierre pour la nouvelle école francophone de Regina

Une première pierre pour la nouvelle école francophone de Regina

Une cérémonie haute en émotion a eu lieu au 5382, 2e Avenue Nord à Regina, le lieu retenu pour la nouvelle école francophone où les travaux ont officiellement débuté le 29 juin. Une centaine de personnes se sont réunies pour assister à la pose symbolique de la première pierre.

18 juillet 2023/Auteur: Marie-Lou Bernatchez – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5663)/Commentaires (0)/
Mot du directeur général du CEF

Mot du directeur général du CEF

Mot du directeur général du CEF.

5 juillet 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (5782)/Commentaires (0)/
École St-Isidore

École St-Isidore

École St-Isidore

3 juillet 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (6053)/Commentaires (0)/
École Notre-Dame-des-Vertus

École Notre-Dame-des-Vertus

Bravo aux élèves de NDV pour les belles chansons à la fête de la Saint-Jean-Baptiste à Zénon Park. 

3 juillet 2023/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (6287)/Commentaires (0)/
RSS
245678910Dernière

 - jeudi 14 novembre 2024