Terre promise
« Quand le dernier vieux loup hurlera son ultime prière au ciel,
nous entendrons pour une dernière fois la note aiguë de l’âme sacrée de bois. »
(Serge Bouchard)
Au commencement était le nord
Le nord de ce pays
où le ciel s’éternise
où les aurores dansent la nuit
La forêt déployait son manteau d’épinettes
jusqu’aux franges de la toundra
Les rivières roulaient des eaux écumeuses
limpides
Là naissait le saumon
Des chapelets de lacs
turquoise
émeraude
S’égrenaient à la file indienne
Au commencement était la vie
Des hordes de caribous
arpentaient la plaine
Aux premières gelées
De grands vols de bernaches
pointaient vers le sud
faisant halte parfois sur les îles
De loin en loin
Un filet de fumée
s’élevait de quelques tipis
Sont venus les coureurs-de-bois
les chercheurs d’or
les marchands de sables mouvants
Sous leurs pieds
Une terre noire
comme l’asphalte de leurs rues
Ils ont creusé l’idée
mine de rien
Bûché le bois
Chassé l’Indien
Sont revenus les dinosaures
Qu’on croyait disparus
depuis la nuit des temps
Métal hurlant
Monstres d’acier
Les pattes dans la fange
La tête ailleurs
à Montréal ou Calgary
Et voici la terre promise
celle qui livre tout son suc
Après nous le désert
La table est mise
Mais le couvert
reviendra-t-il jamais?
Je n’aurai plus pour toi un lac
ni forêt millénaire
ni rivière à saumon
ni orignal ni caribou
Les oiseaux de passage
Feront un grand détour
par les contrées sauvages
s’il en reste
Alors nous nous dirons
incrédules et contrits
que nous avons perdu le nord
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