Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere

La loi 21 et l’Islamophobie

Femme musulmane
Crédit : Artem Pedrez – Pexels

FRANCOPRESSE – Au début du mois de décembre, l’enseignante Fatemeh Anvari de l’école Chelsea Elementary School en Outaouais s’est vue réaffectée à des tâches hors de sa salle de classe. La cause : elle porte le hijab. Depuis 2019 au Québec, la loi 21 interdit le port de symboles religieux à toute personne en position d’autorité embauchée après l’entrée en vigueur de la loi 21.

On peut se demander si une telle loi pourrait être adoptée ailleurs au Canada. Mais n’allons pas trop rapidement. La loi québécoise codifie et encourage des pratiques déjà bien répandues. La discrimination contre les personnes musulmanes au Canada a augmenté considérablement en réaction aux attentats de septembre 2001, mais elle leur préexistait. 

Ainsi dès 2004, Denise Helley, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), expliquait dans un article les différentes sortes de discrimination qui les visent, y compris les crimes haineux dont on a depuis vu d’autres exemples à Québec en 2017 ou à London à l’été 2021. La discrimination contre les personnes qui s’affichent comme musulmanes est un fait indéniable. 

L’islamophobie est un mot qui renvoie à cette discrimination et plus largement à l’hostilité envers les musulmans. Il fait référence au racisme, aux préjugés et aux stéréotypes plutôt qu’à une seule opposition religieuse. L’Islamophobie est donc un mélange de racisme et de discrimination religieuse.

Le Québec ne fait donc pas exception dans son traitement des personnes musulmanes, sauf dans la continuation de ce traitement par la loi. 

Un contournement de la Charte canadienne des droits et libertés

Malgré cette ressemblance dans le traitement, on voit mal une telle loi être mise en place ailleurs au Canada. La nouveauté de cette forme de loi se trouve dans l’approche des droits de la personne qu’elle suppose. 

D’abord, elle suppose une opposition à la Charte canadienne des droits et libertés, où les droits individuels l’emportent sur la capacité des gouvernements à légiférer. N’oublions pas aussi que le fait même d’adopter cette loi et de la défendre contre les critiques venant de l’extérieur du Québec permet de renforcer l’idée d’une distinction et d’une souveraineté à protéger.

La loi 21 s’appuie aussi sur la tentative de la part du gouvernement précédent, formé par le Parti québécois (PQ) de mettre en place une «Charte des valeurs», une opération politique où les «valeurs québécoises» étaient placées au-dessus de la Charte des droits de la personne propre au gouvernement québécois. Et tout comme la Charte de la langue française (loi 101), qui est elle aussi vue comme plus importante que les droits individuels, les droits collectifs de la majorité l’emportent sur ceux des groupes linguistiques ou religieux minoritaires. 

C’est ainsi que la «Charte des valeurs» et la loi 21 présentent certaines valeurs comme étant celles de la culture commune, et devant être enseignées aux Québécois·es d’autres cultures. On suppose donc que les personnes racisées ou de religions non chrétiennes ont à apprendre notamment l’égalité entre hommes et femmes.

On voit ainsi mal une telle loi être mise en place ailleurs au Canada, où il est plus difficile de faire accepter un contournement de la Charte canadienne des droits et libertés.

Le contrôle des femmes musulmanes et le colonialisme 

On trouve en France des politiques semblables. Depuis 1905, la séparation entre l’Église et l’État fait loi. Selon la définition du gouvernement français, «la laïcité implique la séparation de l’État et des organisations religieuses». Cependant, depuis plus de 110 ans, le principe de laïcité soulève des problèmes, entre autres autour du port du voile.

La chercheuse Hourya Bentouhami a pu parler d’un dégout pour les manifestations de l’Islam qui se manifeste en une obsession pour le voile. Parce que l’Islam est censé être incompatible avec les valeurs de la majorité française, les musulmans et surtout les musulmanes voilées se voient interdire l’apparition en public. En France, comme pour certains au Québec, selon Bentouhami «on considère qu’être voilée c’est non seulement être soumise, mais être prosélyte et incapable de représenter l’universel ou d’être neutre». Peu importe les conséquences des politiques; on ne veut simplement pas voir les femmes musulmanes, ni comprendre leurs raisons de se voiler.

La loi 21, dans son application autant que dans son esprit, s’attaque directement aux femmes musulmanes. Il n’y a rien de neuf dans cette stratégie. 

En 1956, le psychiatre et philosophe d’origine martiniquaise Frantz Fanon, expliquait la situation en Algérie, sa terre d’adoption. La France, explique-t-il, utilisait l’idée des «valeurs occidentales» dans une opération idéologique et militaire pour maintenir sa domination en Algérie. 

C’est dans ce contexte que le féminisme fut mis au profit de la guerre coloniale de la France. La propagande portait sur la libération des femmes de leur voile, comme ce sera plus tard le cas quand on refusera le droit aux filles de porter le voile à l’école en France. 

L’impact de la loi 21 

C’est ce lien entre l’Islamophobie et la laïcité à la française héritée de son empire colonial et utilisé fréquemment comme référence qui se répète avec la loi 21. Nous devons bien entendu reconnaitre des différences entre les manifestations françaises et canadiennes de l’Islamophobie. 

Toutefois, le vocabulaire, les attitudes négatives envers les comportements et symboles religieux, ainsi que l’instrumentalisation et l’isolement des femmes suivent les mêmes motifs. Et, le gouvernement par ses propres politiques, appuie et encourage la discrimination, en montrant les personnes musulmanes – et surtout les femmes – comme étrangères à la société. 

Elles sont ainsi sommées de se convertir à l’idéal des valeurs de ce qui est pourtant aussi leur société, et à laisser de côté leurs convictions et leurs liens familiaux. Sans que rien ne soit fait pour enrayer l’Islamophobie. 

Nous pouvons ainsi nous tourner vers ce que les organisations musulmanes du Canada demandent et recommandent et commencer par écouter ce que les personnes musulmanes expriment déjà.

Imprimer
7567

Jérôme Melançon, chroniqueur – Francopresse Jérôme Melançon

Autres messages par Jérôme Melançon, chroniqueur – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Deux enseignantes de la Saskatchewan reçoivent le Prix d’histoire
 du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement

Deux enseignantes de la Saskatchewan reçoivent le Prix d’histoire
 du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement

Le 22 novembre 2017, à Rideau Hall, les enseignantes saskatchewannaises Naomi Fortier-Fréçon et Leia Laing ont reçu le Prix d’histoire du Gouverneur général pour l’excellence en enseignement 2017

7 décembre 2017/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (31334)/Commentaires (0)/
Les conseillers scolaires à la rencontre des aspirants chefs

Les conseillers scolaires à la rencontre des aspirants chefs

Les conseillers scolaires fransaskois ont commencé à rencontrer les candidats à la chefferie du Parti saskatchewannais et du Nouveau Parti Démocratique, le 4 décembre dernier à Regina. 
6 décembre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (38007)/Commentaires (0)/
L’intégration socioscolaire des jeunes immigrants

L’intégration socioscolaire des jeunes immigrants

Café causerie organisé à Regina dans le cadre de la Semaine nationale de l'immigration francophone

Pour une famille venue d’ailleurs, l’intégration d’un enfant dans un nouveau milieu scolaire est l’un des nombreux défis liés à son arrivée dans une communauté d’accueil.

14 novembre 2017/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (35554)/Commentaires (0)/
Le Conseil scolaire fransaskois se tourne vers les tribunaux

Le Conseil scolaire fransaskois se tourne vers les tribunaux

Surpeuplement dans les écoles fransaskoises

Lors d’une vidéoconférence extraordinaire, le 7 novembre dernier, les conseillers scolaires fransaskois ont voté, à l’unanimité, afin de déposer un recours contre le gouvernement saskatchewannais.

9 novembre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (39490)/Commentaires (0)/
Regard autochtone sur l'Histoire

Regard autochtone sur l'Histoire

« Blanket exercise » à l’École St. Dominic Savio de Regina

REGINA - 28 élèves de 7e et 8e année de l’École St. Dominic Savio ont eu la chance de prendre part à un « blanket exercise », le 12 octobre dernier.

26 octobre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (39393)/Commentaires (0)/
L’autre côté de l’immersion

L’autre côté de l’immersion

Si les programmes d’immersion française ont joué un rôle dans l’augmentation du nombre de Canadiens bilingues dont faisait état le dernier recensement, leurs impacts négatifs sur les francophones sont reconnus, à défaut d’être étudiés. 
20 octobre 2017/Auteur: Denis Lord /Nombre de vues (31600)/Commentaires (0)/
Le Pavillon Monique-Rousseau

Le Pavillon Monique-Rousseau

Un nouveau nom pour le pavillon élémentaire de l’École canadienne-française de Saskatoon

SASKATOON - Suite à une consultation auprès de la population de Saskatoon, le pavillon élémentaire de l’École canadienne-française de Saskatoon portera le nom Pavillon Monique-Rousseau.

12 octobre 2017/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (34886)/Commentaires (0)/
Patrimoine canadien représentera 
les conseils scolaires lors des négociations

Patrimoine canadien représentera 
les conseils scolaires lors des négociations

Protocole en éducation

Désormais, Patrimoine canadien représentera les conseils scolaires lors des négociations. 

11 octobre 2017/Auteur: Anonym/Nombre de vues (24712)/Commentaires (0)/
L’argent des écoles… peut-être anglaises ?

L’argent des écoles… peut-être anglaises ?

La question se pose quant à l’usage des fonds fédéraux destinés aux écoles françaises.

28 septembre 2017/Auteur: Réjean Paulin/Nombre de vues (24448)/Commentaires (0)/
Table des élus: les écoles fransaskoises au cœur des discussions

Table des élus: les écoles fransaskoises au cœur des discussions

SASKATOON- Les présidences des organismes fransaskois ont eu une journée productive où plusieurs enjeux de la communauté fransaskoise ont été discutés de long et en large, le 16 septembre dernier.
28 septembre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (29156)/Commentaires (0)/
Les services de prématernelle fransaskois seront facturés

Les services de prématernelle fransaskois seront facturés

Aide financière disponible pour les familles à faible revenu

REGINA - Le Conseil des écoles fransaskoises a décidé de maintenir sa décision de facturer la prématernelle à la suite de la séance extraordinaire par audioconférence du 2 septembre dernier.



 

13 septembre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (34688)/Commentaires (0)/
Casse-tête dans trois écoles fransaskoises

Casse-tête dans trois écoles fransaskoises

Rentrée scolaire 2017

La rentrée scolaire est bel et bien amorcée en Saskatchewan. Toutefois, le Conseil des écoles fransaskoises doit composer avec un manque d’espace dans certains de ses établissements scolaires.


 

13 septembre 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (33444)/Commentaires (0)/
Christiane Guérette quitte la présidence du CSF

Christiane Guérette quitte la présidence du CSF

Des élections scolaires prévues à Saskatoon

REGINA - La présidente du Conseil scolaire fransaskois Christiane Guérette a annoncé sa démission le 23 juin 2017.

6 juillet 2017/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (33717)/Commentaires (0)/
Préparer un été harmonieux avec ses enfants

Préparer un été harmonieux avec ses enfants

Quand 2 mois de vacances peuvent sembler interminables…

Alors que l’été représente pour les enfants 2 mois de liberté, de repos et de découvertes, il en est tout autrement pour les parents !

1 juillet 2017/Auteur: Sandra Hassan Farah /Nombre de vues (43058)/Commentaires (0)/
Le drapeau du Traité no 4 hissé à l’école Sacred Heart Community School

Le drapeau du Traité no 4 hissé à l’école Sacred Heart Community School

REGINA - Le drapeau du Traité 4 s’est élevé à l’école Sacred Heart Community School de Regina, le 6 juin dernier devant plus de 250 élèves.
28 juin 2017/Auteur: Pierre-Émile Claveau/Nombre de vues (45367)/Commentaires (0)/
RSS
Première89101113151617Dernière

 - vendredi 22 novembre 2024