Marie-Rose Archambault et bien d'autres Fransaskois ont contribué à la réussite du souper.
Photo : Luc Bengono
Le samedi 3 mai, vers 22 heures, en sortant de la paroisse Saint-Jean-Baptiste, Marie Fotsin affiche un large sourire en dépit de la fatigue. « Je suis satisfaite », confie-t-elle à un proche, avec soulagement. Le souper africain qui vient d’être organisé dans le but de l’aider à regrouper sa famille a rencontré un franc succès.
Près de 200 personnes ont défilé devant les buffets installés dans la petite église pour goûter aux spécialités culinaires africaines. Au menu, entre autres, du Picapoyo de poulet et du Ndolè, le plat le plus populaire au Cameroun, le pays de Marie, situé en Afrique centrale. C’est là-bas, à 15 000 km de Regina, que tout a commencé.
Elle menait une vie confortable
En 2007, les prix du blé, du riz, du maïs et du soja augmentent du simple au double sur le marché international. À cela s’ajoute la flambée des prix du pétrole. Dans plusieurs pays, les populations pauvres se retrouvent asphyxiées. Elles se révoltent. C’est ce que l’on appelé Les émeutes de la faim. Le Cameroun n’y échappe pas.
À l’époque, Marie Fotsin mène une vie des plus agréables. Elle est à la tête d’un syndicat des transporteurs à Douala, capitale économique du Cameroun. Elle se retrouve, malgré elle, au cœur d’un conflit entre les chauffeurs de taxis et de motos et le gouvernement auquel ces derniers réclament à cor et à cri une diminution du prix du pétrole.
Marie transmet ces revendications aux autorités administratives. Ils font la sourde oreille. Elle insiste et prévient que la colère du peuple affamé gronde. En vain. En février 2008, c’est l’explosion. Les masses populaires se soulèvent contre le gouvernement qui tire sur les manifestants. Des centaines de personnes sont tuées.
Je ne pouvais pas laisser ma fille
Marie est arrêtée, maltraitée, et manque de peu d’être lynchée par ceux dont elle a pourtant défendu bec et ongles les intérêts. ll faut partir du pays le plus vite possible. « Je ne pouvais pas laisser ma fille », dit-elle.
Avec Princesse, sa dernière fille de deux ans, elle trouve refuge à l’ambassade de Russie et, quelques jours plus tard, elles arrivent à Moscou. C’est le début d’un long et terrible calvaire... « Je n’aime pas parler de cette histoire », prévient-elle. Les émotions refont surface...
D’après Bernard Laplante, qui a coordonné l’organisation du souper, plus de 5 400 $ ont été récoltés. C’est « une belle réussite », dit-il. Grâce à cet argent, ses trois fils dispersés à travers les Pays-Bas et l’Allemagne pourront retrouver leur mère (Cf. l’article de L’Eau vive, Souper africain, Une levée de fonds pour réunir une famille, dans sa livraison du 10 avril 2014).
Marie tient à remercier du fond du cœur tout ceux qui ont participé de près ou de loin au succès de cette levée de fond. « Je n’ai jamais imaginé une chose pareille. Je me croyais capable de payer les billets moi-même. J’ai parfois l’impression d’être une mendiante, mais je n’ai pas le choix », dit-elle avant de disparaître dans les rues sombres de la ville de Regina.