Close
Carol Léonard
/ Catégories: 2016, Les noms d'ici

La rivière Saskatchewan Sud, alias la Fourche des Gros-Ventres, alias rivière aux Arcs

Le cours de la rivière Saskatchewan Sud serpente interminablement sur 1 392 kilomètres depuis la confluence des rivières Bow et Oldman jusqu’à sa rencontre avec la Saskatchewan Nord pour se fondre avec elle et ne former plus qu’une même rivière. Mgr Alexandre Taché, archevêque de Saint-Boniface, résuma l’importance historique de la Saskatchewan-Sud en affirmant qu’elle est « à la branche nord ce que le Missouri est au Mississippi, c’est-à-dire un vassal plus puissant et moins célèbre que son seigneur ». 

La Saskatchewan Sud n’a pourtant rien à envier à sa concurrente. Ses eaux sont plus puissantes, plus rapides, plus limpides. Les paysages qui encadrent son cours rivalisent avec ceux offerts aux contemplateurs du parcours moins méandreux du bras nord.

Magnifique, la Saskatchewan Sud se gorge des eaux que lui apportent ses trois sources principales : la rivière Oldman (Mokowan, ventre), la rivière aux Arcs ou Bow (Mini-Osni-Wapta, rivière au courant froid), le troisième grand tributaire, la rivière à la Biche (Was-ka-soo Sipi) ou Red Deer s’abreuve aux eaux des glaciers près du lac Louise.

Mais, venons-en aux noms. Les voyageurs du temps de la traite des fourrures la connaissaient sous le vocable Fourche des Gros-Ventres. On en conviendra, le générique « fourche » est certes inattendu, extravagant même puisqu’il s’agit d’une rivière. Cette désignation tient au fait de sa rare fréquentation par les traiteurs qui n’étaient pas dans les meilleurs termes avec les nations résidentes. De cette rivière, ils ne voyaient le plus souvent que l’embouchure.

Or, les Atsinas ou Gros-Ventres1 s’étaient établis depuis longtemps à cet endroit. Ils contrôlaient une bonne partie des terres baignées par la rivière Saskatchewan Sud et vivaient en état de tension constante avec nombre de leurs voisins.

Ces mésententes compromirent durablement leurs perspectives d’avenir. Ennemis séculaires des Cris, ils reportèrent une partie de leur agressivité sur les traiteurs en raison de leurs pratiques commerciales avec les Cris.

La plus ancienne mention du nom Gros-Ventres pour désigner les Atsinas se rencontre sous la plume de Le Gardeur de Saint-Pierre (1751) qui, comme on le sait, enjoignit Niverville à construire un fort éloigné sur la Saskatchewan lequel fort prit le nom La Jonquière.

L’appellation Gros-Ventres est le résultat d’une méprise. Les traiteurs confondirent les Atsinas (aussi nommés Gros-Ventres des Prairies) qui sont des Arapahos (ou Gens des Vaches1) et les Minitari Hidatsas (ou Gros-Ventres du Missouri). Pourquoi le nom Gros-Ventres ? Nullement en raison d’un embonpoint collectif.

Les Minitari Hidatsas arboraient un tatouage particulier consistant en deux bandes verticales parcourant le thorax et l’abdomen. Ce signe distinctif inspira naturellement celui employé en langage des signes pour les désigner. Ce signe consistait en un geste des deux mains allant de haut en bas devant l’abdomen. Le geste fut mésinterprété et on en fit « ceux ayant de gros ventres » plutôt que « ceux tatoués de deux bandes sur le ventre ».

Or, le terme Atsinas d’origine Pikunis (Pieds-Noirs) signifie : viscères. L’espace entre « viscères » et « abdomen » fut rapidement franchi. C’est ainsi que les Atsinas se virent adjugés un nom et un symbole gestuel qui ne leur appartenaient pas et qui les confondirent avec les Hidatsa.

« On a cafouillé dans la sémiotique » comme eut pu dire le regretté Umberto Ecco.

Les Atsinas nous sont connus sous une autre désignation française, Gens des rapides. Elle correspond à celle en usage en anglais Fall Indians. Elles sont toutes deux inspirées du nom Hahá-ton-wan (village des rapides) qui leur fut donné par les Assiniboines.

Selon John MacDonald of Garth, partenaire de la Compagnie du Nord-Ouest, la Saskatchewan Sud était indifféremment désignée sous les noms « Rivière des Arcs » ou « La Fourche des Gros Ventres ». C’est dire l’idée que l’on se faisait de la rivière Bow alors perçue comme véritable source de la Saskatchewan Sud. Une chronique plus détaillée consacrée à la rivière Bow paraîtra dans un proche avenir.


1.      Leur autonyme est Aáninen « gens de la terre blanche ».

2.      Les traiteurs et Métis employaient plus souvent les termes « vache » et « buffalo » pour désigner le bison. Présents jadis au Minnesota, les Arapahos se virent ainsi totémisés.

 

Imprimer
16296

Carol LéonardCarol Léonard

Autres messages par Carol Léonard
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan

Le CCS sur Facebook

Nouvelles du CÉCS

2 postes à combler : Conseillers.ères en développement économique

Le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) est à la recherche de deux Conseillers/Conseillères en développement économique (CDÉ). Date de clôture : 17 décembre 2021 Plus de détails The post 2 postes à combler : Conseillers.ères en développement économique appeared first on CÉCS.

Poste à combler : Conseiller.ère en emploi

Le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) est à la recherche d’un conseiller(ère) en emploi).  DÉTAILS The post Poste à combler : Conseiller.ère en emploi appeared first on CÉCS.

Offre d’emploi : Coordonnateur.trice du programme Jeunesse Canada au Travail

Le Conseil économique et coopératif de la Saskatchewan (CÉCS) est à la recherche d’un Coordonnateur/Coordonnatrice du programme Jeunesse Canada au Travail dans les deux langues officielles (JCTDLO). DÉTAILS The post Offre d’emploi : Coordonnateur.trice du programme Jeunesse Canada au Travail appeared first on CÉCS.
RSS
123456789Dernière

Actualité économique

La Saskatchewan manque de revenus et devra présenter deux déficits La Saskatchewan manque de revenus et devra présenter deux déficits

La Saskatchewan manque de revenus et devra présenter deux déficits

19521
Le premier ministre de la Saskatchewan, Brad Wall, a déclaré que son gouvernement faisait face à un "sérieux manque de revenus", ce qui le forcera à aligner des budgets déficitaires
Brad Wall rabroue les maires de la Communauté métropolitaine de Montréal Brad Wall rabroue les maires de la Communauté métropolitaine de Montréal

Brad Wall rabroue les maires de la Communauté métropolitaine de Montréal

28326

Par l'intermédiaire des médias sociaux, M. Wall a déclaré: "je suis convaincu que les maires de la région de Montréal vont poliment rembourser leur part des 10 milliards $ de paiements de péréquation auxquels l'Ouest du pays a contribué". 

Comment gérer la diversité culturelle au travail ? Comment gérer la diversité culturelle au travail ?

Comment gérer la diversité culturelle au travail ?

REGINA - Vendredi le 6 novembre, à Regina, dans le cadre de la Semaine nationale de l’immigration francophone, le Réseau en immigration...
22963
La Fondation fransaskoise loin de la crise de 2008 La Fondation fransaskoise loin de la crise de 2008

La Fondation fransaskoise loin de la crise de 2008

Fortement touchée par la chute des marchés boursiers et la crise mondiale de 2008, la Fondation fransaskoise (FF) voit...
30153
Le CCS repense son identité et devient le CÉCS Le CCS repense son identité et devient le CÉCS

Le CCS repense son identité et devient le CÉCS

Depuis le samedi 17 octobre 2015, le Conseil de la Coopération de la Saskatchewan est officiellement devenu Conseil économique et...
29589
RSS
Première678911131415Dernière
Conditions d'utilisationDéclaration de confidentialité© Copyright 2024 Journal L'Eau Vive. Tous les droits sont réservés.
Back To Top