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En quelques mots

André Mercure : le caractère et la conviction

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Le père André Mercure

Le père André Mercure

Les prochains juges nommés à la Cour suprême pourront parler à tous les Canadiens et les comprendre, en anglais et en français. Le Canada convient enfin de rendre son plus haut tribunal conforme à son caractère linguistique. Fini les juges unilingues… 

L’histoire est une suite d’événements, de lieux et de personnages, un peu comme une pièce de théâtre qui s’étire inlassablement dans le temps. Je me permets de vous présenter un acteur presque oublié. Il avait mis sa foi dans le judiciaire pour mieux faire reconnaître le français au pays. Bien sûr, il n’est pas le seul à l’avoir fait. Si je parle de lui plutôt que d’un autre, c’est parce que ma route a croisé la sienne. Il s’agit du Père André Mercure, curé en Saskatchewan dans les années 80.

C’est d’abord en Acadie que je l’ai rencontré pour le retrouver dans sa province quelques années plus tard. À l’été de 1977, le Père Mercure passait à Moncton, accompagné d’une trentaine de jeunes Fransaskois pour un voyage à travers le Canada. 

Aussitôt descendu de l’autobus, il a présenté son projet : Saskatchewan étudiante voyage. « S.E.V. pour la sève qui monte » avait-il dit… Promesse d’avenir en français dans ce pays immense fait de plaines, de montagnes, de forêts et d’océans qui, à ses yeux, était autant celui de ces adolescents minoritaires que de n’importe quel autre Canadien.

Homme de conviction, il avait du caractère. Il aimait bien lancer son bolide à toute vitesse sur les routes droites et lisses des plaines de la Saskatchewan. C’est ce qu’il a fait sous un ciel de novembre en 1980. On a beau voir loin, il y a parfois des obstacles inattendus. La GRC n’a pas apprécié.

Ce n’est pas sa fibre de pilote, mais celle du francophone qui en a souffert. Le document accusateur était rédigé en anglais seulement. Il a du coup décidé d’amener l’affaire en justice, s’estimant bafoué non seulement dans sa langue, mais dans ses droits. Parce que droit il y avait. 

L’Article 110 de l’Acte des Territoires du Nord-Ouest prévoyait l’usage du français dans les textes de loi. La Saskatchewan et l’Alberta l’avaient toutes deux adopté lors de leur entrée dans la Confédération en 1905.

Accompagné de son avocat, Maître Raymond Blais, il s’est présenté devant la Cour provinciale en janvier 1981. Il n’a pas obtenu ce qu’il voulait. L’Association culturelle franco-canadienne de la Saskatchewan a repris le flambeau après sa mort en 1986. 

La Cour Suprême lui a donné raison en 1988, en reconnaissant toutefois à la province le droit de modifier le texte original, ce qu’elle s’est empressée de faire. La Saskatchewan aura été officiellement bilingue pendant deux mois.

Décédé trop tôt des suites d’un cancer, le Père Mercure n’a pu savourer sa victoire ni s’attrister devant le dénouement qui l’a suivie. Mais faut-il conclure à la défaite ? 

Attention, pas si sûr… Cet homme et son périple dans les arcanes judiciaires du pays incarnaient le francophone minoritaire dans sa lutte, sa conviction et sa ténacité. Il lui faut croire, vouloir et ne jamais renoncer.

Il a lancé sa poursuite en 1981. Le dénouement a eu lieu sept ans plus tard. Cela en fait davantage qu’une cause en justice. C’est un événement dans le débat sur la place du français au pays, qui s’ajoute à tous les mots, idées et gestes qui, petit à petit, donnent forme à un idéal. 

Tantôt, ce sont des écoles qui poussent ici et là, des services offerts en français, et puis des juges qui comprennent tous les justiciables. Toutes ces choses et plusieurs autres sont comme les briques d’un édifice. La ténacité de tous ceux et celles qui résistent est le mortier qui les assemble.
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