Skip Navigation
Comment éviter l’éco-embourgeoisement en ville ?
Camille Langlade – Francopresse

Comment éviter l’éco-embourgeoisement en ville ?

Le verdissement de zones urbaines entraîne parfois une hausse des prix et le départ des populations les plus vulnérables. Rendre les villes durables sans aggraver les inégalités sociales, tel est l’enjeu des municipalités à l’heure des changements climatiques.

La mise en œuvre de solutions écologiques peut conduire à l’augmentation du coût de la vie et provoquer le départ de certains résidents, incapables de rester dans un quartier rendu trop cher pour eux.

Ce phénomène porte un nom : l’éco-embourgeoisement, aussi appelé gentrification verte.

Autrement dit, ces actions de verdissement augmentent l’attractivité d’un secteur, et donc le prix de ses logements.

« On voit l’arrivée de nouvelles personnes qui sont plus riches, plus éduquées, plus jeunes », observe Marie Lapointe, conseillère scientifique spécialisée en verdissement urbain à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).

Un concept récent

En 2009, la chercheuse américaine Sarah Dooling définit le concept de « gentrification écologique » comme « la mise en œuvre d’un programme d’aménagement de l’environnement relatif aux espaces verts publics qui conduit au déplacement ou à l’exclusion des populations les plus vulnérables sur le plan économique ».

En 2012, les chercheurs Kenneth Gould et Tammy Lewis parlent de « gentrification verte », prenant l’exemple du Prospect Park de Brooklyn, à New York.

L’éco-embourgeoisement peut aussi provoquer un « déplacement psychologique » quand un quartier « change [et] ne correspond plus à la culture ou à la communauté des résidents d’origine », souligne Lorien Nesbitt, professeure adjointe de foresterie urbaine et de justice environnementale à l’Université de la Colombie-Britannique.

« Cela peut mener à leur exclusion sociale. Ils peuvent rester, mais ne plus se reconnaître dans le quartier, ne plus avoir accès aux services dont ils ont besoin », ajoute Marie Lapointe.

Pour Lorien Nesbitt, la source du problème n’est néanmoins pas le verdissement urbain, mais la spéculation immobilière qui en résulte.

Rénovation durable ou pas, embourgeoisement il y aura, « parce que c’est ainsi que notre marché du logement est organisé à l’heure actuelle », lâche-t-elle.

Un phénomène inévitable ?

« Si vous réaménagez un quartier pour construire de nouveaux appartements, c’est généralement dans le but d’augmenter les loyers, ce qui attirera des personnes à revenus élevés. Et aujourd’hui, ce réaménagement est vert », analyse la chercheuse.

Mais, selon elle, l’aménagement durable n’est pas optionnel. « Il est important que tout le monde en ville ait accès à la nature. […] On devrait toujours planter des arbres, et il est possible de le faire tout en limitant le prix des loyers pour éviter l’embourgeoisement », défend-elle.

Dans cette optique, Marie Lapointe préconise le logement social pour « protéger les locataires en place, puis maintenir les populations vulnérables en place ».

« Cela inclut les habitations à loyer modique, mais aussi les coopératives d’habitation et les OBNL [organismes à but non lucratif] d’habitation », détaille-t-elle.

La conseillère scientifique prend notamment l’exemple des fiducies foncières communautaires.

Les municipalités peuvent faire l’acquisition de terrains dans des zones à risque, puis les geler. Si elles-mêmes n’ont pas les pouvoirs ou les moyens de faire du logement social, elles peuvent louer ces terrains-là ou les donner ou les vendre à des organismes qui en font.

Dans tous les cas, l’objectif reste le même : soustraire les logements du marché immobilier. « À ce moment-là, il ne peut plus y avoir de spéculation », assure Marie Lapointe.

Attention toutefois à ne pas confondre logement social et logement abordable.

« Le logement abordable, ça ne fait rien par rapport à la gentrification. Ce serait des logements, entre guillemets, moins chers que les autres, mais qui sont quand même trop chers pour les personnes en situation de vulnérabilité. Il faut parler vraiment de logements sociaux, de logements qui sont hors marché », plaide-t-elle.

Consulter les résidents

« Lors du réaménagement d’un quartier, il est très important d’écouter les résidents en place et de leur rendre des comptes, surtout s’ils pourraient être contraints de devoir déménager », ajoute Lorien Nesbitt.

« Il faut aller vers eux, faire des rencontres dans leur milieu de vie, dans leur langue, pour qu’ils puissent vraiment s’exprimer sur leurs besoins, appuie Marie Lapointe. Il faut répondre aux besoins de ces personnes-là avant tout. »

« Il y a souvent des consultations locales au début afin de définir une vision pour le réaménagement, mais sans promesse que cette vision se concrétisera », regrette Lorien Nesbitt.

Et la professeure de constater, amère : « L’éco-embourgeoisement n’est qu’un exemple de planification du haut vers le bas qui déplace la population vulnérable que nous essayons soi-disant de servir. »

Entrepreneuriat local

« Pour combattre l’éco-embourgeoisement, il faut aussi que les entreprises locales aient des perspectives d’affaires », note de son côté Jennifer Barrett, directrice principale de l’Institut urbain du Canada (IUC).

Elle prend notamment l’exemple des Sociétés de développement commercial (SDC) à Montréal, des associations à but non lucratif qui visent « le développement économique et la mise en valeur d’une zone commerciale », explique le site web de la Ville.

« Il est important que tous les services d’une ville ou d’une municipalité travaillent ensemble pour s’assurer que des mesures sont prises pour éviter les déplacements », soutient Jennifer Barrett.

Toutes les villes n’ont cependant pas les mêmes moyens de lutter contre l’embourgeoisement.

« Certaines municipalités sont vraiment sous-financées, rappelle Marie Lapointe. Elles dépendent beaucoup trop des revenus fonciers et cela a des répercussions pas juste sur le logement, mais aussi sur les lieux naturels. »

« Pourquoi conserver un milieu naturel quand elles pourraient le développer et faire des fonds pour pouvoir payer une école ? Elles ont des choix tellement difficiles à faire », ajoute-t-elle. Verdir ou ne pas verdir, telle est la question.

Print
4411

Camille Langlade – FrancopresseMarie-Lou Bernatchez

Other posts by Camille Langlade – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Rentrée scolaire : des parents se confient

Rentrée scolaire : des parents se confient

Une rentrée sous le signe de la fébrilité et de la solidarité

À quelques semaines du jour J, beaucoup d’interrogations subsistent. Tantôt confiants, tantôt inquiets, plusieurs parents fransaskois se sont confiés à l’Eau vive.

Thursday, August 20, 2020/Author: Estelle Bonetto/Number of views (15987)/Comments (0)/
Dans ce temps-là !

Dans ce temps-là !

À l’époque où j’étais élève à la fin de l’élémentaire, quand arrivait le mois de juin, nous étions assez intenables dans les classes... La fête de la Saint-Jean-Baptiste marquait le début des vacances estivales. Les classes s’étaient terminées la veille et on avait vidé nos pupitres. Plus de devoirs. Plus de leçons. 

Thursday, July 16, 2020/Author: Michel Vézina/Number of views (21986)/Comments (0)/
Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Les Fransaskois obtiennent enfin une nouvelle école

Après plusieurs années d’attente et une entente de principe avec le gouvernement de la Saskatchewan qui tardait à se concrétiser, une nouvelle école primaire francophone verra finalement le jour dans la capitale provinciale.

Monday, July 13, 2020/Author: Lucas Pilleri/Number of views (28342)/Comments (0)/
Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Immersion : Cinquante ans d’une formule éprouvée

Le tout premier programme d’immersion en Saskatchewan est apparu à Saskatoon en 1968. Cinquante ans plus tard, ils sont plus de 16 500 à travers la province à se retrouver sur les bancs du programme qui fait de plus en plus d’adeptes.

Wednesday, July 8, 2020/Author: Lucas Pilleri, avec les informations de Diane Lacasse/Number of views (25584)/Comments (0)/
Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Un jardin communautaire à l’école Mgr de Laval à Regina

Produire local, le nouveau défi des francophones de Regina

REGINA - LAssociation canadienne-française de Regina a inauguré son tout premier jardin communautaire le 15 juin dernier sur le terrain de l'École Mgr de Laval.

Wednesday, July 1, 2020/Author: Leslie Diaz – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (30586)/Comments (0)/
Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Les Fransaskois applaudissent la victoire des parents franco-colombiens en Cour suprême

Après 10 ans de lutte judiciaire, la Cour suprême du Canada a tranché en faveur des parents franco-colombiens. Cette décision historique a été chaudement saluée par la communauté fransaskoise.

Monday, June 29, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (27141)/Comments (0)/
L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

L’histoire de la fransaskoisie narrée aux jeunes

Ateliers scolaires Gardiens de lys'toire par la Société historique de la Saskatchewan

À travers sa série d’ateliers pédagogiques, la Société historique de la Saskatchewan (SHS) donne vie à l’histoire dans la salle de classe des écoles de la province. 

Sunday, June 28, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF/Number of views (26939)/Comments (0)/
La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

La pandémie risque de nuire à la francophonie des universités

Les universités francophones du pays misent sur l’inscription d’étudiants internationaux. Les mesures sanitaires en place affecteront directement les inscriptions.

Sunday, June 14, 2020/Author: André Magny (Francopresse)/Number of views (21788)/Comments (0)/
Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Toujours pas de déblocage pour le Campus Saint-Jean

Trois semaines après que l’Association canadienne-française de l’Alberta a lancé une campagne de mobilisation pour sauver le Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta, l’incertitude règne toujours quant à l’avenir de l’établissement.

Saturday, June 13, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault – Francopresse /Number of views (23585)/Comments (0)/
Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Conseil des écoles fransaskoises: À vos pupitres, citoyens!

Si tout va bien à la rentrée de septembre, le Conseil des écoles fransaskoises (CEF) ira de l’avant avec un concept nouveau en Saskatchewan, mais qui a fait ses preuves dans d’autres provinces: l’école communautaire citoyenne.

Saturday, June 13, 2020/Author: André Magny (Initiative de journalisme local – APF – Ouest)/Number of views (25319)/Comments (0)/
La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême donne gain de cause aux parents franco-colombiens

La Cour suprême du Canada a donné raison aux francophone de la Colombie-Britannique, qui réclame depuis dix ans devant les tribunaux que le système scolaire de langue française soit mis à égalité avec le système anglophone.

Friday, June 12, 2020/Author: Marc Poirier – Francopresse /Number of views (28791)/Comments (0)/
André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

André Moquin, récit vivant de la fransaskoisie

Fils et petit-fils de colons de l’Ouest, André Moquin a œuvré toute sa vie pour l’avancement de l’éducation en français dans sa province.

Tuesday, June 2, 2020/Author: Lucas Pilleri – Initiative de journalisme local – APF /Number of views (30753)/Comments (0)/
L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'École Mgr de Laval slame ses accents à Regina

L'école fransaskoise remporte un prix international

Six élèves de la 8e année du Pavillon secondaire des Quatre Vents de l'école de Monseigneur on remporté un des deux Prix du public offerts dans le cadre du concours « Slame tes accents » du Centre de la Francophonie des Amériques.

Saturday, May 23, 2020/Author: Conseil des écoles fransaskoises/Number of views (28257)/Comments (0)/
Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

Un vent de solidarité au Canada pour sauver le Campus Saint-Jean

L’appel à l’action de l’ACFA dans le cadre de la campagne «Sauvons Saint-Jean» a été entendu d’un bout à l’autre du pays, et même au-delà de nos frontières. 

Tuesday, May 19, 2020/Author: Guillaume Deschênes-Thériault (Francopresse)/Number of views (23989)/Comments (0)/
Une miniécole de médecine pour y voir clair

Une miniécole de médecine pour y voir clair

Le premier volet de la 24e édition de la Miniécole de médecine de l’Université d’Ottawa s’est consacré entièrement au sens de la vue, présentant l’anatomie de l’œil et jetant les bases de la prévention des troubles de la vision.

Tuesday, May 19, 2020/Author: Sébastien Durand/Number of views (30813)/Comments (0)/
RSS
First34568101112Last

 - Thursday 14 November 2024