Le long voyage de Pierre-Guy B. : un grand moment de théâtre
"Si on n'est pas capable de dire la vérité à ceux qu'on aime, on la dit à qui?"
Le long voyage de Pierre-Guy B.
Rencontre de Christian Essambre (à gauche) et Pierre Guy Blanchard avec le public à Saskatoon.
Photo: Jean-Pierre Picard (2015)
SASKATOON - Le long voyage de Pierre-Guy B, c'est d'abord l'histoire de deux gars, un auteur (Philippe Soldevila) et un comédien (Christian Essambre), fascinés par un troisième, musicien voyageur (Pierre Guy Blanchard). Ensemble ils se sont lancés dans une aventure existentielle qui n'a laissé personne indemne. Trois ans plus tard, leurs vies ne sont plus les mêmes. Ça transparait sur scène. Et ça fait de ce spectacle un grand, grand moment de théâtre.
La Troupe du Jour présentait, les 13, 14 et 15 novembre derniers, Le long voyage de Pierre-Guy B, 2e volet d'une "Trilogie acadienne de fiction biographique" qui a débuté, pour ceux qui ont eu la chance de connaître, avec Les trois exils de Christian E.
Le long voyage de Pierre-Guy B raconte les retrouvailles de Christian et Pierre-Guy. Le premier est père et bientôt mari, le deuxième est percussionniste et nomade. Le premier a une carrière, le deuxième a envie d'aller marcher sur la glace, loin, toujours plus loin...
Christian E. nous emmène dans son auto, en direction de Charlo, Nouveau-Brunswick, où il se rend pour demander à son ami Pierre-Guy B. de s'occuper de la musique à son mariage. Sentiment d'urgence. Le mariage approche mais surtout, Pierre-Guy B., récemment revenu d'un très long voyage au Moyen-Orient, a paru bizarre, perturbé, lorsqu'ils se sont parlés au téléphone.
Christian Essiambre est formidablement efficace dans une formule échevelée où il interprète tour à tour, parfois dans une même phrase, une galerie de personnages, passant de l'un à l'autre avec une aisance inouïe, faisant d'un monologue une fresque.
Les retrouvailles entre les deux amis prennent des allures d'odyssée existentielle où il est question "d'errance, de quête de vérité, de marginalité, de voyage intérieur... et de musique". Le visage de Pierre-Guy B se dessine lentement. À l'image de sa personnalité d'insaisissable nomade, il nous apparaît tranquillement, par petites touches. Et puis, quand il se dévoile, c'est explosif.
Passant d'un micro à un autre, d'un instrument de percussion à un autre, d'une émotion à une autre, Pierre Guy Blanchard est aussi puissant que touchant. Le 8 minutes consacré à la description de sa vie à Istambul est désormais inscrit à mon panthéon personnel des grandes perfomances.
"Tout est vrai dans la pièce", confient les auteurs-comédiens Pierre Guy Blanchard et Christian Essiambre, pendant la rencontre avec les spectateurs qui s'est déroulée après la représentation de samedi. L'histoire et ses origines logent vraiment à Charlo, Nouveau-Brunswick. Pierre Guy a vraiment marché trop loin sur la glace, Pierre Guy et Christian ont vraiment fait de l'improvisation ensemble dans des équipes adverses, Christian a vraiment eu beaucoup de succès avec Les trois exils de Christian E., etc.. Mais ce que la pièce ne dit pas, et que disent ceux qui l'ont créée, c'est qu'elle a changé leur vie. La leur et celle du co-auteur et metteur en scène, Philippe Soldevila.
"Une des phrases qui me revient tout l'temps c'est quand Pierre Guy dit "si on peut pas dire la vérité à ceux qu'on aime, on la dit à qui ?".. Ça me donne encore des frissons" de dire Christian. À nous aussi, cette phrase donne des frissons. Et donne matière à réflexion. Et on se dit que l'objet théâtral auquel on vient d'assister, c'est un voyage qui a marqué notre coeur aussi bien que notre esprit.
De l'art, avec un grand A.
Le long voyage de Pierre-Guy B
Texte: Philippe Soldevila, Pierre Guy Blanchard et Chrstian Essiambre
Mise en scène: Philippe Soldevila
Distribution: Pierre Guy Blanchard et Christian Essiambre
Musique sur scène: Pierre Guy Blanchard
Production: Théâtre Sortie de secours (Québec), Théâtre l'Escaouette (Moncton), Théâtre français du Centre national des arts d'Ottawa
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