Skip Navigation
Fonds l'Eau vive banniere Nouveau système d'abonnement
Marine Ernoult – Francopresse

Étudier en français sans le parler : le défi des élèves allophones

Image
Crédit : Katerina Holmes / Pexels

L’intégration des élèves allophones, de plus en plus nombreux, représente un défi pour les écoles francophones en milieu minoritaire. Les établissements scolaires se mobilisent, mais les ressources disponibles et la pédagogie actuelle demeurent inadaptées selon certains spécialistes. Le risque que ces jeunes s’éloignent de la francophonie canadienne après leurs études est bien réel. 

De plus en plus de voix d’enfants immigrants et réfugiés dont la langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais se mêlent dans les couloirs des écoles francophones en milieu minoritaire. 

« La morphologie scolaire a changé avec les mouvements migratoires successifs. Des enfants hispanophones, arabophones, sinophones et d’Afrique subsaharienne sont arrivés », constate Carole Fleuret, professeure à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.

Lutter contre la fermeture des écoles 

Malanga-Georges Liboy
Malanga-Georges Liboy, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse
Crédit : Courtoisie

Sur papier, ces enfants angolais, syriens, mexicains, chinois ou philippins ne devraient pourtant pas se trouver dans le système d’éducation francophone. Selon larticle 23 de la Charte canadienne des droits et des libertés, seuls les ayants droit y ont accès. 

« Les conseils scolaires [francophones] n’ont pas été conçus pour remplir un tel rôle », confirme Malanga-Georges Liboy, professeur au Département des sciences de l’éducation de lUniversité Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse. « Au départ, ils avaient une mission spécifique : la préservation de la langue et de la culture française dans un milieu anglodominant », ajoute-t-il.

Mais, sur le terrain, face au vieillissement de la population et à la baisse de la natalité en milieu minoritaire, les écoles se sont progressivement tournées vers cette nouvelle clientèle. La volonté affichée est claire : assurer la vitalité linguistique des communautés francophones. 

« Ce sont des choix politiques. C’est une manière de lutter contre la fermeture des écoles en maintenant, voire en augmentant le volume de la population scolaire », observe Carole Fleuret.

« Nous n’acceptons pas automatiquement toutes les demandes, on a un processus d’admission strict pour s’assurer des motivations des familles. Elles doivent être prêtes à sengager en faveur de la fransaskoisie », nuance Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), qui accueille quelque 2 035 étudiants dans ses 17 établissements. 

Le responsable veut éviter les inscriptions de parents uniquement motivés par la perspective de donner de meilleures opportunités professionnelles à leurs enfants. « Ils sont de bonne foi, animés d’une réelle envie de faire de leurs enfants des Canadiens bilingues, mais ils n’ont pas conscience du manque daccompagnement auquel ils risquent d’être confrontés », poursuit Malanga-Georges Liboy.

Manque de formation et ressources 

Carole Fleuret
Carole Fleuret, professeure à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa
Crédit : Courtoisie

Au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan, les élèves allophones bénéficient de cours sur mesure, en tutorat ou par petits groupes. Le CÉF propose par ailleurs des cours de français aux parents.

Cependant, « les ressources dédiées à la prise en charge des élèves allophones sont inadaptées, voire insuffisantes », estime Carole Fleuret. « Leurs besoins spécifiques ne sont pas suffisamment pris en compte alors qu’ils passent par un choc culturel à leur arrivée, qu’ils ont parfois vécu des traumatismes en zones de guerre », note Malanga-Georges Liboy.

Ce dernier souligne également le fait que les familles ne connaissent pas bien le fonctionnement et les attentes du système scolaire canadien. Et les enseignants ne sont pas suffisamment informés des trajectoires migratoires des enfants.

Les deux universitaires plaident ainsi pour la mise sur pied de centres d’aide aux devoirs et de classes daccueil à destination des jeunes qui ont été déscolarisés pendant plusieurs années. Ils défendent la création de postes d’interprètes et dagents de liaison afin de maintenir le contact avec les parents.

En outre, les deux chercheurs pointent le manque de formation interculturelle des enseignants qui n’ont pas toujours les clés pour gérer des classes riches d’une grande diversité ethnoculturelle, avec des écarts de niveaux importants.

Image
Ronald Ajavon, directeur général du Conseil des écoles fransaskoises
Crédit : courtoisie CÉF

« Il reste beaucoup à faire, mais la volonté de s’adapter et de comprendre la culture des immigrants est là. On veut favoriser les échanges et le rapprochement interculturel », réagit Ronald Ajavon du CÉF. 

Carole Fleuret insiste quant à elle sur le besoin de repenser la pédagogie en s’appuyant sur les cultures d’origine des étudiants. « Il faut relégitimer leur langue maternelle, ça les valorise, ça évite des tensions entre l’école et la maison et c’est bénéfique à leur réussite scolaire », croit-elle.

Surtout, la professeure de l’Université d’Ottawa assure que les élèves allophones développeront un sentiment d’appartenance plus profond et contribueront de manière plus durable aux communautés francophones si l’on reconnaît pleinement leur langue et leur identité.

Le chemin à parcourir reste long et des résistances au changement persistent. « La peur d’être assimilé, de voir les écoles disparaître est tellement forte, transmise de génération en génération, que l’accent est uniquement mis sur l’identité franco-canadienne », analyse Carole Fleuret, déplorant ainsi une vision « ethnocentrée et étriquée » qui ne correspondrait plus à la réalité de la francophonie actuelle, « plurielle et hétérogène ». 

Previous Article Qu'est-ce que la communauté fransaskqueer?
Next Article Garderies à 10 $ : pas de clause linguistique pour les francophones
Print
8103

Marine Ernoult – FrancopresseFrancopresse

Other posts by Marine Ernoult – Francopresse
Contact author

Contact author

x
Écoles de proximité : un modèle à explorer pour les ayants droit ?

Écoles de proximité : un modèle à explorer pour les ayants droit ?

Alors que les infrastructures scolaires francophones ne répondent pas aux besoins en Saskatchewan, certaines voix appellent même à considérer les écoles de proximité.

Saturday, December 21, 2024/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (590)/Comments (0)/
Une nouvelle présidence au Conseil scolaire fransaskois

Une nouvelle présidence au Conseil scolaire fransaskois

Après sept années de mandat, Alpha Barry a laissé sa place à Geneviève Binette au poste de présidente du Conseil scolaire fransaskois.

Saturday, December 14, 2024/Author: Lucas Pilleri – IJL-Réseau.Presse/Number of views (1107)/Comments (0)/
Jocelyne Vogt, une instagrameuse métisse qui outille

Jocelyne Vogt, une instagrameuse métisse qui outille

Par manque de ressources en français, surtout pour parler des sujets autochtones, une enseignante décide d’outiller elle-même les autres via son compte Instagram frenchiemetisteaches.

Tuesday, November 19, 2024/Author: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Number of views (2638)/Comments (0)/
«Décoloniser» le système scolaire francophone : un travail de longue haleine

«Décoloniser» le système scolaire francophone : un travail de longue haleine

Quand les conseils scolaires et les établissements postsecondaires francophones s’engagent sur le chemin de la réconciliation avec les peuples autochtones…

Tuesday, November 12, 2024/Author: Marine Ernoult – Francopresse/Number of views (3144)/Comments (0)/
Le commissaire aux langues officielles cible l’éducation et l’immigration

Le commissaire aux langues officielles cible l’éducation et l’immigration

Dans un rapport rendu le 9 octobre, le commissaire aux langues officielles souligne les défis dans les domaines de l’éducation et de l’immigration francophone.

Wednesday, October 16, 2024/Author: Inès Lombardo – Francopresse /Number of views (4102)/Comments (0)/
Nouvelles écoles de Prince Albert et Saskatoon : les emplacements enfin choisis

Nouvelles écoles de Prince Albert et Saskatoon : les emplacements enfin choisis

Le gouvernement de la Saskatchewan a dévoilé le 25 septembre les sites qui accueilleront les deux nouvelles écoles francophones de Saskatoon et Prince Albert.

Wednesday, October 9, 2024/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (4352)/Comments (0)/
Les Centres éducatifs finalement exemptés de loyers

Les Centres éducatifs finalement exemptés de loyers

Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) a finalement décidé d’annuler l’imposition d’un loyer mensuel aux Centres éducatifs de la petite enfance (CÉPE).

Thursday, October 3, 2024/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (4001)/Comments (0)/
CÉF et CÉPE : des consultations en cours

CÉF et CÉPE : des consultations en cours

Nouvelles charges financières… Les Centres éducatifs de la petite enfance (CÉPE) en pleine consultation avec le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) !

Sunday, September 22, 2024/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (4873)/Comments (0)/
Vivre l’art dans la salle de classe

Vivre l’art dans la salle de classe

En cette rentrée scolaire, les enseignants des écoles fransaskoises et d’immersion peuvent se réjouir d’apprendre que le programme LIVE Arts est de retour.

Thursday, September 19, 2024/Author: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Number of views (3598)/Comments (0)/
Le dossier de l’éducation toujours dans l’actualité

Le dossier de l’éducation toujours dans l’actualité

Un article publié dans l’Eau vive en 1983 nous rappelle que la lutte pour l’éducation francophone reste un dossier prioritaire pour les Fransaskois.

Wednesday, September 18, 2024/Author: Alyssa Parker /Number of views (3728)/Comments (0)/
Rentrée 2024 : les enseignants francophones manquent à l’appel

Rentrée 2024 : les enseignants francophones manquent à l’appel

En cette rentrée 2024, les enseignants francophones se font de plus en plus rares et la pénurie touche désormais les villes.

Tuesday, September 17, 2024/Author: Marine Ernoult – Francopresse/Number of views (3995)/Comments (0)/
L’infrastructure de collèges et universités francophones en «rattrapage»

L’infrastructure de collèges et universités francophones en «rattrapage»

En milieu francophone, certains établissements postsecondaires peinent à trouver les fonds pour financer l’entretien de leurs installations et de leurs équipements.

Monday, September 16, 2024/Author: Marianne Dépelteau – Francopresse/Number of views (4878)/Comments (0)/
Lutter contre la violence et le harcèlement à l’école

Lutter contre la violence et le harcèlement à l’école

Le retour en classe n’est pas bien vécu par tous les jeunes, victimes de violence et harcèlement dans les cours d’école et sur les réseaux sociaux. Quelles solutions ?

Tuesday, September 10, 2024/Author: Eya Ben Nejm – Francopresse/Number of views (3321)/Comments (0)/
L’Université de Regina fête son 50e anniversaire

L’Université de Regina fête son 50e anniversaire

Le 1er juillet 2024 est la date officielle du 50e anniversaire de l’Université de Regina et marque le commencement d’une année remplie d’événements spéciaux.

Sunday, September 8, 2024/Author: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Number of views (4653)/Comments (0)/
Maternelle et prématernelle : la hausse des frais agite parents et centres éducatifs

Maternelle et prématernelle : la hausse des frais agite parents et centres éducatifs

Les nouvelles charges financières annoncées par le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) pour la petite enfance créent polémique au sein de la communauté fransaskoise.

Thursday, September 5, 2024/Author: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Number of views (5088)/Comments (0)/
RSS
1345678910Last

 - Monday 23 December 2024