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S'exprimer autrement
Cette chronique, en collaboration avec La Cité universitaire francophone,  offre des textes dont les auteurs ont en commun d’avoir choisi le français comme langue seconde.

Pauvres jeunes !

Pauvres jeunes !
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Le Canada a un problème de taille qui s’accroît de jour en jour et pour lequel nos gouvernements ne semblent pas avoir de réponse. Après un repli à partir de l’été 2022, les prix de l’immobilier sont repartis à la hausse dans presque toutes les régions du pays, et ce, malgré la hausse des taux d’intérêt. En plus de réduire l’abordabilité des logements, la bulle immobilière que connaît le Canada depuis des années devient un fardeau financier pour les jeunes et les générations futures.

Personne ne sera étonné d’apprendre que les salaires ne suivent pas le rythme de l’augmentation des prix des logements.

En tenant compte de l’inflation, les salaires ont augmenté d’environ 25 % depuis le début des années 2000 au Canada. Or, dans la plupart des régions du pays, le prix d’achat des logements, lui, a doublé ou triplé, voire quintuplé dans des villes comme Ottawa, Toronto ou Vancouver.

Il n’y a plus une province où le prix de référence d’une maison unifamiliale soit de moins de 250 000 dollars.

Les ménages dépensaient le cinquième de leur budget pour se loger il y a 20 ans. C’est presque le tiers aujourd’hui. Jamais le marché immobilier n’a été aussi inaccessible.

De nombreux facteurs expliquent la hausse des prix de l’immobilier au pays depuis une vingtaine d’années : forte croissance de la population, déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, faibles taux d’intérêt, hausses du prix des matériaux, etc.

Plus récemment, la vague sans précédent d’immigration que connaît le pays, l’épargne accumulée pendant la pandémie et la hausse des salaires liée à la pénurie de main-d’œuvre ont été les principaux moteurs de la hausse des prix.

Et avec la montée rapide des taux d’intérêt, voilà maintenant que les promoteurs retardent les mises en chantier de logements neufs, ce qui accroît encore la pression sur les prix.

Le coût élevé des logements n’affecte pas que l’accès à la propriété. Les locataires dépensent aussi davantage pour se loger puisque les prix des logements locatifs ont suivi la même tendance que ceux des maisons unifamiliales et des condos. La pression est forte sur les propriétaires pour augmenter les loyers.

Jeunes et locataires laissés pour compte

Ainsi, les jeunes adultes commencent leur vie active avec un boulet financier que leurs parents ou leurs grands-parents n’ont pas connu, et ce, même si la pénurie de main-d’œuvre actuelle joue en leur faveur pour leur permettre d’accroître leurs revenus.

À court terme, la bulle immobilière a comme première conséquence de contraindre les jeunes à dépenser une part supérieure de leurs revenus pour se loger.

L’accès à la propriété est souvent conditionnel à l’aide financière de la famille. Au Québec, 20 % des jeunes reçoivent un appui financier de leurs parents pour financer l’achat d’une première propriété. En Ontario, ce sont 4 parents sur 10 qui financent l’achat du premier logement de leurs enfants.

Les jeunes restent aussi plus longtemps chez leurs parents et ont des enfants plus tard que les générations précédentes. Il y a un lien direct entre l’abordabilité des logements et l’âge moyen du premier accouchement des femmes.

À long terme, le manque de logements abordables pour les jeunes réduit leur capacité à épargner. Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur leurs possibilités de bien vivre à la retraite.

La part des biens immobiliers dans le patrimoine des familles est très importante et elle ne cesse de grandir. En moyenne, la valeur des propriétés immobilières représente 40 % de la valeur nette des ménages canadiens. Ce pourcentage est de près de 50 % en Colombie-Britannique et en Ontario.

Mais une cassure se dessine, car de moins en moins de jeunes auront accès à cette richesse.

De plus grandes inégalités

De plus, la bulle immobilière a comme conséquence de creuser les inégalités au sein de la population.

Il y a toujours eu des ménages plus pauvres pour qui l’accès à la propriété était plus difficile. Or, de nos jours, même un salaire de 50 000 dollars par an ne suffit souvent plus.

Il y aura donc de plus en plus de travailleurs qui habiteront dans des logements à loyer, non pas par choix, mais par obligation.

L’héritage jouera aussi un rôle prépondérant dans la capacité à accéder à la propriété. Les baby-boomers canadiens sont assis sur une fortune de près 3 800 milliards de dollars. Les biens immobiliers représentent plus de 1 500 milliards de dollars dans ce pactole.

Au cours des 20 à 25 prochaines années, une bonne partie de cette richesse sera transmise aux générations futures. L’écart de richesse entre les jeunes qui ont des parents ou des grands-parents possédant une propriété et ceux dont les aînés sont locataires deviendra alors plus grand.

Malgré de beaux discours, les gouvernements de tous les ordres ne saisissent pas encore l’ampleur du problème qui se dresse.

Le nombre de logements abordables financés par les gouvernements est dérisoirement inadéquat pour répondre à la crise actuelle. Le logement est encore trop souvent considéré comme un bien privé, un secteur où les gouvernements ont peu de marge de manœuvre pour intervenir.

Pourtant, c’est de l’équité intergénérationnelle et de l’égalité des chances entre les citoyens dont il s’agit. Les gouvernements feraient bien d’accorder plus d’importance à l’accessibilité au logement.

Plus on attend avant d’agir, plus la tendance sera difficile à renverser.

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