Il ne gagnera pas, que je disais. Que se passera-t-il s'il ne reconnaît pas sa défaite, que je demandais. La question était légitime mais la prémisse était fausse. Il a gagné. C'est peut-être parce qu'un Américain sur deux n'a pas voté, mais Trump a gagné. Nombreux sont ceux qui se sont réveillés en état de choc le 9 novembre dernier. Ou ceux qui, comme moi, ont passé une très mauvaise nuit après avoir attendu et espéré jusqu'à la toute fin.
Dès l'annonce des premiers résultats, le site d’Immigration Canada s’est effondré, les bourses ont chuté, le malaise s'est répandu sur la planète. Pas partout, il faut le dire. Les tenants d’extrême droite jubilaient. Marine Le Pen du Front national (France) a été la première à féliciter M. Trump, bien avant que sa victoire ne soit officielle.
Alors que le KKK secoue ses plumes et annonce un défilé le 3 décembre pour célébrer la victoire, bon nombre d'Américains sont descendus dans la rue pour exprimer leur indignation. Francopresse a obtenu des réactions. En voici quelques-unes.
Alexis Lagimodière-Grisé, assistant d’artistes, New York.
Je croyais que nous étions dans une progression. Que nous allions avoir des soins de santé universels, que les femmes auraient plus d’options et les minorités plus de pouvoir. Je suis bouleversé et je me sens dépaysé. Je ne suis pas Américain, mais ceci ne concerne pas seulement les Américains. »
Naila E. Jones, coach de carrière, Cleveland.
«Le cauchemar va durer quatre ans. Je passe à travers des étapes du deuil — la colère est ravageuse en ce moment. Je ne peux pas croire que mes voisines, ma famille par alliance, mes amies du quartier aient pu voter pour un homme qui veut faire reculer l’humanité. La société américaine se leurre devant la promesse de changement. Ce qui changera certainement, c’est l’acceptation ouverte du racisme, du sexisme et de la violence dans les relations humaines de tous les jours. J’ai vraiment peur. »
Tayeb Meridji, modérateur pour Passage to Canada, Winnipeg.
« Si le système politique laisse faire Trump, les minorités vont payer le prix de la démocratie. Les organisations des droits humains, le système juridique américain, la liberté de presse, les pressions internationales, les intérêts économiques et militaires ne lui permettront pas d’avoir ses petites mains libres. Mais s’il ne livre pas ses promesses, on peut s’attendre à une tempête politique, sociale et à un marasme économique. »
Marie Hélène Eddie, doctorante en sociologie à l’Université d’Ottawa.
« La victoire de Trump montre que les opinions misogynes et sexistes sont tolérées, admises, acceptées aux États-Unis. Nous vivons dans un monde où un candidat à la présidence d’un pays qui se vante de harcèlement et d’agression sexuelle, et qui est ouvertement raciste et homophobe, n’est pas disqualifié automatiquement ni rejeté en bloc par la population.
La chose à faire maintenant, c’est de rester plus vigilants que jamais. Se rappeler les erreurs du passé et ne pas tomber dans le piège de l’intolérance. Continuer de lutter pour la justice sociale et de remédier aux inégalités. Maintenir le cap jusqu’aux prochaines élections. »
Désiré Nyela, professeur à l’Université Sainte-Anne, Pointe-de-l’Église (NE)
« L’Amérique est fortement polarisée entre les élites, favorables à la mondialisation, et le peuple, encore à l’aise dans un ancrage identitaire. On a vu cette ligne de faille entre les zones urbaines et rurales. C’est en cela que l’élection a un écho auprès de certaines communautés, comme en milieu rural en Acadie, où les enjeux identitaires se vivent avec une réelle acuité.
L’élection s’est jouée sur des enjeux identitaires (...) Nos hommes et femmes politiques devraient être à l’écoute des angoisses identitaires pour mieux y apporter des réponses au risque de livrer les populations à tous les populismes. »