Bienvenue à la réserve nationale de faune du lac de la dernière montagne.
Photo : Arthur Béague
J’aimerais bien qu’il oublie de se pointer une année, mais non, vous pouvez être sûr qu’il sera toujours au rendez-vous. Le genre même à arriver en avance. Je hais l’automne ! Plus le mercure chute, plus je m’enfonce dans mon canapé. Sauf qu’en Saskatchewan, c’est différent. Qui dit automne, dit migration. De là à attendre le mois d’octobre, il n’y avait qu’un pas.
Situé sur des couloirs migratoires, nous avons la chance de pouvoir assister à ce flux d’oiseaux se rendant à leurs prochaines destinations de vacances. Finis les Caesars, place aux Mojitos ! Et puis, il y a les sédentaires comme nous autres qui assistent bec bée à ce balai majestueux. Et s’il y a bien un endroit où faire l’avant-première, ce serait au lac de la dernière montagne. La position stratégique de ce lieu situé au cœur des voies migratoires d’Amérique du Nord, la qualité et la diversité de l’environnement font que plus de 280 espèces d’oiseaux y sont recensées chaque année pendant la migration. Avec 21 % de zones humides, 50 % de prairies naturelles et 25 % de terres agricoles (ayez la main légère), vous avez un cocktail 5 étoiles pour nos amis à plumes !
Devant l’importance de cette halte pour les oiseaux migrateurs, le gouvernement a décidé en 1887 de protéger cette zone en lui attribuant le statut de refuge d’oiseaux, une première dans l’histoire de l’Amérique du Nord. Grâce à ce statut, 131 années plus tard, on peut toujours se balader sans entendre de coup de feu et la renommée du site n’est plus à prouver : il est maintenant considéré comme une zone humide d’importance internationale (Site Ramsar).
Situé à 2 heures au sud-est de Saskatoon, je me rends très vite compte que le GPS ne sera pas nécessaire. Si Simba est guidé par les étoiles, moi, je suis guidé par les oies des neiges. Telle une flèche me montrant la direction à suivre, la formation en V des oies des neiges les aide à économiser leur énergie vitale. Des chercheurs de l’université d’Oxford ont montré qu’elles pouvaient ainsi économiser 10 à 14 % de leur énergie en volant derrière les autres oiseaux ; le tout en alternant les positions pour que ce ne soient pas toujours les mêmes qui se la coule douce ! Il y a une justice chez les plumés !
Elles ont passé l’été en Sibérie et au Groenland pour la saison de reproduction et il est l’heure pour elles de mettre le cap plein sud, direction le sud des États-Unis, le Mexique ou la côte Atlantique. C’est que ça caille là-haut ! Elles resteront dans leurs quartiers d’hivernage jusqu’au printemps, avant d’être irrémédiablement poussées par ce besoin de migrer de nouveau et de retourner au nord pour la prochaine saison de reproduction. Tout ça pour notre plus grand plaisir, mais, aussi, pour leur plus grand risque.
C’est ainsi que 2 fois par an (au printemps et à l’automne), le lac de la dernière montagne accueille jusqu’à 450 000 oies et 50 000 grues du Canada au maximum de la migration. Ces chiffres, nous les devons au Last Mountain Bird Observatory (LMBO) qui est la seule station de suivi des oiseaux de toute la province qui a intégré, en 1992, le Réseau canadien de surveillance des migrations (The Canadian Migration Monitoring Network). Employés et bénévoles travaillent ensemble pour assurer le suivi des oiseaux. Chaque année, ils passent la bague au doigt en moyenne à 3 400 individus de 76 espèces différentes. On ne voit vraiment pas qui pourrait s’opposer à cette union, car la pose de cet anneau avec un numéro unique permet et permettra d’apporter des informations précieuses sur le mouvement, la longévité et les menaces qui pèsent sur l’avifaune.
À l’heure où tout semble accessible d’un clic, nous ne savons toujours pas pourquoi certaines espèces migrent ni comment elles font pour se repérer. De nombreuses hypothèses sont avancées sur le fait que les oiseaux utiliseraient le champ magnétique pour se repérer ou encore les étoiles et le soleil comme boussole, mais tout reste à prouver. D’autant plus quand on se donne rendez-vous à la dernière montagne ! J’ai beau faire un 360°, je dois admettre que c’est calme au sommet. Trop fort ces volatiles !
Tout le monde peut abonder dans ce sens en étant bénévole pour le LMBO ou simplement en partageant ses données d’observation. Alors, tous à vos jumelles ! Que ce soit sur le circuit en voiture ou sur les sentiers pédestres, pour les plus courageux, vous aurez peut-être la chance d’observer la majestueuse grue blanche, une des 9 espèces en danger à fréquenter la réserve. C’est moi ou on a gagné quelques degrés ?
Sources
https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/201502/02/01-4840716-les-oiseaux-migrateurs-se-relaient-en-tete-pour-moins-se-fatiguer.php
http://www.naturesask.ca/what-we-do/lmbo
https://www.allaboutbirds.org/guide/Snow_Goose/overview
https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/reserves-nationales-faune/existantes/lac-derniere-montagne.html