Selon le psychanalyste Erik Erickson, nous traverserions six stades de développement au cours de notre existence : la petite enfance, l’enfance, l’adolescence, l’âge adulte, l’âge mûr et l’âge blet pour dire poliment l’âge avancé. Je suis de ceux qui militent pour l’apparition d’un 7e stade : Le temps des pourquoi.
Vous savez cette période où l’enfant nous assomme à coup de : mais pourquoi on fait ça ? Pourquoi as-tu dit ça ? Pourquoi fait-il noir la nuit ? Pourquoi disons-nous pourquoi ? Nous finissons tous par répondre épuisé « … tout simplement, parce que... ». Cette période a du bon, elle permet parfois de se poser les vraies questions. Cette chronique est née d’un… mais pourquoi salons-nous les routes ?
Lorsque les températures baissent, les molécules d’eau s’attirent au point de se lier entre elles à 0 °C pour former un solide, la glace. Le sel est, quant à lui, constitué d’ions chlorure et d’ions sodium qui exercent une force d’attraction. Le mariage entre le sel et l’eau va briser les liaisons entre les molécules d’eau, les remettants ainsi en mouvement. Fini la glace, retour au liquide ! Voilà pourquoi nous salons les trottoirs et les routes en hiver, pour la sécurité des piétons et des automobilistes. Bien content de ne pas me retrouver en crabe à chaque virage, il ne faut pas se leurrer, cette pratique a un coût et comme pratiquement chaque fois, c’est le même qui trinque : l’environnement.
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L’hiver arrive et arrive avec lui le bal des saleuses. Inlassablement, des hommes et femmes arpentent chaque jour les routes pour faire fondre le verglas et ainsi assurer notre sécurité. Trois heures plus tard sur la même route, tous les grains de sel ont disparu ! ABRACADABRA ! Malheureusement, la magie n’existe pas, mais l’illusion oui. Le sel disparait dans l’environnement modifiant ainsi tous ses paramètres ô combien sensibles !
La première cause de pollution concerne la salinité aquatique. Le sel présent sur les routes va par ruissellement rejoindre les cours d’eau, les eaux de surface et les eaux souterraines augmentant la salinité de ces milieux. Certaines espèces sensibles à ces modifications de paramètres vont particulièrement en souffrir, c’est le cas entre autres des saumons, tritons, crapauds, salamandres.
Le sel modifie également la composition des sols, car il facilite le lessivage et rend l’eau et les ions nutritifs moins disponibles pour les plantes. En d’autres termes, il appauvrit considérablement le sol et provoque un ralentissement de la croissance et du développement des espèces végétales. Les concentrations en sel des végétaux parsemant le bord des routes atteignent des sommets en emportant avec eux le destin d’un paquet de leurs consommateurs direct. Une étude menée par Emilie Snell-Rood a montré que le salage des routes modifiait le comportement des papillons et pourrait écourter leur durée de vie. L’emblématique papillon monarque est au centre de cette étude qui a démontré que les papillons évoluant près des routes où une épandeuse passe régulièrement ont un développement significativement différent de leurs semblables vivants en rase campagne. Les taux de sel importants retrouvés chez ces individus entraineraient une surmortalité et des réponses physiologiques étranges : le surdéveloppement des muscles chez les mâles et la taille du cerveau chez les femelles !
Et comme je veux être sûr que l’ambiance est à son paroxysme, il a été découvert que le sel réagit chimiquement avec les métaux présents sur nos voitures pour libérer des métaux lourds dans l’environnement.
Heureusement, des solutions de rechange écologiques existent et fort heureusement il y a les Suisses ! Nous leur devons déjà le chocolat au lait, l’épluche-légumes et la fermeture éclair, nous leur devons maintenant une idée ! Celle d’épandre des copeaux de bois sur la route. Antidérapants, ils répondent parfaitement au POURQUOI salons-nous les routes. Au-delà de cela, l’épandage des copeaux de bois est surtout à un coût écologique moindre. En raison de leur forme oblongue et aplatie, ils ne glissent pas et adhèrent à la surface. Fini l’épandage de deux à trois fois par jour avec cette méthode, un seul épandage suffit tous les cinq jours pour assurer la sécurité des trottoirs et des routes. À la fin de l’hiver, les copeaux peuvent être récupérés et utilisés à titre de compost ou de carburant de chauffage. Et comme s’il en fallait plus pour vous convaincre, les copeaux de bois s’avèrent plus économiques et nettement plus efficaces que le sel par grand froid !
Depuis novembre dernier, la ville de Saskatoon teste cette pratique dans la zone industrielle au nord de la ville. Les activités annuelles d’élagage, de broyage d’arbres morts réalisées par la ville génèrent des copeaux de bois qui pourraient bien trouver une seconde vie. « Si le test est concluant, cette pratique pourrait très vite voir le jour dans d’autres zones de la ville », a déclaré le directeur de la voirie, M. Brandon Harris.
Pourquoi est-ce que je n’écoute pas plus souvent les enfants moi ?