Québékoisie est un film documentaire produit et réalisé par Mélanie Carrier et Olivier Higgins. Il convient de noter que ce film a reçu plusieurs prix, ce qui justifie l’intérêt que l’on doit lui accorder.
Le film soulève la problématique de la relation entre les Québécois (Canadiens-français) et les Autochtones. Pour comprendre cette relation, les cinéastes ont fait un voyage à vélo en allant à la rencontre des Autochtones du Québec. Dans le film, au gré de leurs rencontres, les deux aventuriers vont déconstruire les faux clichés que les Québécois ont des Premières Nations, jusqu’à mettre en évidence que les Québécois sont fortement métissés avec les Autochtones, comme en témoigne la recherche du Dr Hélène Vézina. Cette dernière démontre que plus de 50 % des Québécois ont au moins un ancêtre amérindien. Francine Lemay, la sœur du caporal tué à Oka en 1990, qu’on rencontre dans Québékoisie, en fait partie. Si le métissage s’avère vrai pour les Québécois, il est aussi vrai pour les Autochtones du Québec. C’est le cas d’un autre intervenant du documentaire, Marco Bacon, administrateur à l'Université du Québec à Chicoutimi, qui se croyait à 100 % autochtone, mais qui découvre qu’il a des ancêtres venant de la Normandie.
En fait, dans le contexte québécois, le film pose les limites des identités collectives qui empêchent l’ouverture, l’écoute et le dialogue avec les autres. Pour le sociologue Ross-Tremblay, un intervenant du film, les identités collectives sont sources de peur. D’ailleurs, il ajoute que les identités collectives sont légitimées par les pouvoirs politiques.
Ce documentaire conforte aussi la thèse de ceux, comme John Saul (Mon pays métis, Boréal, 2008), qui pensent que la singularité de la société canadienne (notamment son ouverture relative à l’Autre) serait inspirée des Autochtones.
Cependant, des auteurs tels que Gérard Bouchard (« Le faux sang indien des Québécois », La Presse, 7 février 2015) se méfient de cette thèse du « métissage intensif des Québécois ». En effet, Bouchard considère que la présence du « sang indien dans les veines des Québécois est très faible et insignifiante puisque « chacun des Québécois compte plus de 2000 ancêtres ». En réalité, pour lui, la singularité de la société québécoise résulte « de toutes les collectivités du Nouveau monde ».
Pour ma part, il faut reconnaître le caractère rigoureux de l’analyse de Bouchard, surtout qu’il appelle à éviter « de remplacer un stéréotype par un autre ». Toutefois, la vigueur de sa démonstration aboutit toujours à la différenciation entre les identités culturelles. J’abonde dans le même sens que le sociologue Ross-Tremblay, qu’on entend dans Québékoisie, qui a bien conclu que l’union des êtres humains doit aller au-délà des considérations ethniques, raciales… Ce qui m’amène à soutenir que la complexité des relations culturelles pourrait être atténuée si l’on en appelait au « cœur » et non à « l’intellect ». Peut-être qu’en essayant de comprendre les choses avec le « cœur », l’on pourrait aller envers l’Autre sans peur, puisqu’avec le « cœur », l’humain viendrait en premier, ensuite l’identité, la culture. Saint-Exupéry, dans son roman Le petit prince, ne dit-il pas que « On ne voit bien qu’avec le coeur. L’essentiel est invisible pour les yeux »?
Pour conclure, j’ai bien apprécié Québékoisie parce qu’il bouscule les faux clichés sur les Autochtones et nous rappelle qu’aller à la rencontre de l’Autre est un puissant levier pour déconstruire les stéréotypes.
5/5
* Ouamar Sylla est étudiant du cours FRN 340 - Le dialogue interculturel dans la francophonie canadienne et internationale