Ottawa ne se contentera de rien de moins que de l'abolition complète des pratiques discriminatoires dans le programme d'étiquetage américain qui oblige les producteurs de viande à annoncer l'origine de l'animal.
Forts d'une quatrième décision en leur faveur lundi, les gouvernements canadien et mexicain demandent à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) de les autoriser à mettre en oeuvre des mesures de rétorsion.
Le feu vert de l'OMC est attendu à la fin de l'été. Il y aura alors imposition de tarifs sur une série de produits américains importés au Canada allant de la viande de boeuf aux matelas, en passant par le chocolat et le vin. Ottawa espère que l'OMC l'autorisera à récupérer ainsi entre 2,5 et 3 milliards $ par année.
Le ministre de l'Agriculture, Gerry Ritz, assure que le Canada ne reculera pas tant que la règle de l'Étiquetage obligatoire du pays d'origine (ÉPO) ne sera pas abolie.
"Ce ne sera pas le fait que Washington commence à bouger. Il faudra que le geste d'abolir l'ÉPO soit complété. Alors, ce n'est pas le point de départ mais bien le point d'arrivée qui compte", a lancé le ministre Ritz au cours d'un point de presse à Ottawa, mardi matin.
Le ministre croit avoir des alliés aux États-Unis et reproche à l'administration Obama de rechercher "une solution politique à un problème qui n'a jamais existé".
Alors que le ministre Ritz et son collègue du Commerce international, Ed Fast, brandissaient leur menace de rétorsion à Ottawa, des membres d'un comité du Congrès américain présentaient un projet de loi à Washington pour abolir l'ÉPO.
Ceux qui présentent le projet de loi au comité de l'agriculture croient qu'il passera facilement à la Chambre des représentants mais son adoption par le Sénat pourrait être plus compliquée.
"Ce train quitte la gare; en fait, il est parti", a avancé Michael Conaway, le président du comité de l'agriculture de la Chambre, comité qui commence l'étude du projet de loi cette semaine.
"Nous avons perdu _ de manière évidente. On nous menace maintenant de mesures de rétorsion", a rappelé M. Conaway qui estime que ces menaces ont déjà un "effet de ralentissement, un impact négatif, sur les compagnies américaines".
Aux côtés de M. Conaway pendant sa conférence de presse à Washington, des représentants du lobby des vins de Californie appuyaient le projet de loi pour abolir l'ÉPO.
"Il nous a fallu des décennies pour construire ce marché au Canada", a plaidé le président du Wine Institute, Robert Koch. Les ventes au Canada ont augmenté de 78 pour cent dans les cinq dernières années pour les exportateurs de vin californien. Selon M. Koch, tout ce travail serait perdu "en un instant", si le Congrès n'adoptait pas cette loi pour contenter le Canada et le Mexique.
À Ottawa, les deux ministres canadiens étaient accompagnés de plusieurs représentants de l'industrie canadienne du boeuf et du porc. Ceux-ci ont pu ainsi applaudir, en personne, l'annonce du gouvernement, après s'en être réjouis la veille, par communiqués.
"Les produits canadiens étaient discrédités au profit des produits américains", s'est plaint Jean-Guy Vincent, ex-président du Conseil canadien du porc (CCP).
"Cette discrimination (...) a provoqué des dommages financiers énormes", a dit en écho un des directeurs du CCP, Rick Bergmann.
"Le CCP estime que depuis 2009 (...) les producteurs de porc ont perdu 3 milliards $", a ajouté M. Bergmann. Les producteurs québécois sont responsables de 30 pour cent de la production canadienne de porc. Les États-Unis demeurent le principal pays d'exportation du porc canadien.
De son côté, le président de la Canadian Cattelmen's Association (association d'éleveurs de bovins) a confié que la bataille contre l'ÉPO a coûté 3,25 millions $ à son association en frais légaux depuis 2007.
"Le prix de se battre contre l'ÉPO est mineur à comparer à ce que l'ÉPO a fait subir à toute l'industrie", de l'avis de Dave Solverson.