Mars, mois de la célébration de la Francophonie, tel que décrété par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Mars, Dieu de la guerre dans la mythologie romaine… Pourquoi ne pas combiner les deux? On évoquerait ainsi l’aventure francophone, en particulier celle dont témoigne la francité vécue au Canada. Mars deviendrait alors mois de la détermination et de la ténacité.
Parlons de ceux qui choisissent de vivre là où la langue de Molière se débat dans la mouvance anglophone, de ceux qui s’installent sur la ligne de front, là où l’essor du français dépend d’une lutte quotidienne.
Geneviève Charron est Québécoise, maintenant fille adoptive des Territoires du Nord-Ouest. Elle dirige une école française à Yellowknife. Dans le voisinage, Maxence Jaillet, à la fois Québécois et Français, est à la tête de L’Aquilon, Nicolas Servel, un Français, veille sur la radio communautaire. Jean de Dieu Tuyishime a fui la guerre au Rwanda il y a 20 ans. Il est directeur général la Fédération franco-ténoise. On est loin des grands axes, là aux confins de la taïga, au pays du soleil de minuit.
Beaucoup plus à l’est, on trouve le havre de Saint-Jean, à Terre-Neuve.
Jacinthe Tremblay, une Québécoise d’origine, s’y est accrochée pour piloter Le Gaboteur. Elle parle avec cœur de la vie en français dans cette province qui fut territoire britannique jusqu’au milieu du siècle dernier.
À Kemptville, à quelques kilomètres au sud d’Ottawa, une petite école de 47 élèves, submergée dans son voisinage anglophone, transmet le français à la descendance…Tout un défi.
Invraisemblable à notre époque où l’on regroupe et concentre au nom de l’efficacité pédagogique, pour avoir de beaux et grands gymnases et de généreuses bibliothèques.
Et puis, il y a toujours la résonance des pas de nos ancêtres sur la carte géographique du pays… Lac LaBiche en Alberta, St-Claude au Manitoba, Gravelbourg en Saskatchewan, Embrun en Ontario, Saint-Joseph-du-Moine en Nouvelle-Écosse…
On pourrait noircir des pages et des pages de ces anecdotes…
Rien de ce que je viens d’écrire témoigne d’une bouillonnante et prospère grande ville où le fait français pavoise devant la foule admirative comme le veut la tradition du vainqueur.
Cela dit, il y a quand même victoire dans tout ça, celle d’une langue qui a franchi siècles, océans, plaines et montagnes pour se manifester sur un territoire à la mesure d’un continent.
Celle d’une langue victorieuse contre les forces politiques qui ont tenté, en vain, de l’étouffer. Bien sur, la pérennité n’est pas acquise, mais on sent cette force vive que manifestent les aventuriers d’aujourd’hui. À leur manière, ils continuent de porter la langue française sur notre territoire.
Rien n’est acquis. L’assimilation poursuit son œuvre… Il faut bien l’admettre. Mais, notons aussi que la francophonie canadienne n’a pas encore en main tous les moyens qui devraient lui être acquis. Ses droits sont reconnus, mais pas toujours respectés. Même le Nouveau-Brunswick, la province la plus généreuse en matière de droits linguistiques, laisse trainer des petites choses, comme la question du transport scolaire pour les Acadiens.
Le mois de mars devrait être l’occasion pour nos gouvernements de réitérer leurs promesses, et pour la Francophonie, de raffermir ses intentions.
Ces jours-ci, j’écoute à répétition Petitcodiac de Zachary Richard au volant de ma voiture… Le CD est coincé dans le lecteur… Panne opportune et providentielle, puisque c’est dans ce passage que j’ai puisé cette chronique.
« Crazy Horse, Beausoleil, Louis Riel, Jacky Vautour…» Tous ces noms évoquent un combat… Il ne sera jamais fini… On peut toutefois le civiliser, ce combat, pour en faire autre chose qu’une chicane… Il faut s’en rappeler, le Canada est né d’une guerre entre deux grandes nations. La paix lui a succédé, heureusement.
Il reste encore à en supprimer les échos. Ce serait la mission des aventuriers de la francophonie du 21e siècle.
«Asteur, c’est mon tour…»