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Maria Chaput recourt à Graham Fraser dans le dossier du Fonds pour les journaux communautaires

"J'ai fait ce que j'ai pu."

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La sénatrice manitobaine Maria Chaput

La sénatrice manitobaine Maria Chaput

La lutte de trois ans de la sénatrice manitobaine Maria Chaput, pour corriger les défaillances du programme fédéral d’appui aux journaux communautaires, mène à une impasse.

Exaspérée par l’inaction du gouvernement, elle a déposé le 24 février une plainte formelle auprès du commissaire aux langues officielles. Le cadre d’aide financière, renouvelé en 2011 avec le lancement du Fonds du Canada pour les périodiques, pénalise sévèrement certains hebdos, selon elle, et Patrimoine canadien refuse de le revoir.

« J’avais attiré à ce sujet l’attention de l’ancien ministre du Patrimoine canadien, James Moore, et j’ai écrit à l’actuelle ministre, Shelly Glover. J’ai souvent posé des questions au Sénat sur la formule de financement du Fonds et j’ai aussi lancé une interpellation durant laquelle plusieurs sénateurs se sont exprimés sur les défis de leurs journaux locaux. Le gouvernement n’a rien changé dans son approche et les journaux en souffrent... Je n’ai pas d’autre recours, déclare la sénatrice libérale. J’ai fait tout ce que j’ai pu. Il n’y a rien de plus que je peux faire. »

La ministre Glover défend le Fonds. « Notre gouvernement a augmenté l’appui aux publications de langue officielle en situation minoritaire de presque 15 % grâce au Fonds, souligne par courriel son attachée de presse, Marisa Monnin. Nous avons aussi changé la formule de financement pour que ce soit plus flexible pour les éditeurs, et pour qu’ils puissent utiliser les fonds pour plus d’activités. » 

Le Fonds fournit une « aide financière à des magazines imprimés, des journaux non quotidiens et des périodiques numériques canadiens pour surmonter les désavantages du marché et continuer à publier le contenu que les lecteurs canadiens veulent lire. »

D’après Maria Chaput, le Fonds favorise la distribution numérique aux dépens de l’expédition postale, une approche qui pénalise l’hebdo de sa province. « L’accès à l’internet est limité en milieu rural où sont éparpillés 70 % des abonnés de La Liberté. On a aussi une population vieillissante qui ne lit pas le journal en ligne. Un système de camelots coûte trop cher. Le journal n’a d’autre choix que d’utiliser la poste. »

Comme les autres membres de l’Association de la presse francophone (APF), le journal tente de survivre malgré des hausses des tarifs postaux, une baisse des subventions aux organismes communautaires (se répercutant sur la publicité) et une chute des annonces fédérales. La Liberté aurait connu une baisse de revenu de 40 000 $ au cours de l’année suivant l’abolition du programme d’aide original et puis un déficit de 50 000 $ l’an dernier. En Saskatchewan, l’Eau vive a vu ses revenus de publicité fédérale diminuer de 27% entre 2009 et 2014, soit une différence d’environ 45 000 $.

« Nous appuyons la démarche de la sénatrice Chaput, affirme le président de l’APF, Denis Poirier. Les journaux de langue française en situation minoritaire sont en effet laissés pour compte par le fédéral, notamment par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada qui en coordonne les placements publicitaires. 

« La part que nos journaux reçoivent est en chute libre depuis de nombreuses années, ajoute l’éditeur de quatre hebdos en Ontario. Les journaux reçoivent souvent moins de la moitié des placements que devrait faire le fédéral pour informer les communautés de ses programmes et services. Nous concentrons nos efforts sur les revenus de publicité. »

L’Association regroupe 23 journaux en milieu minoritaire, dont quatre bimensuels et un quotidien, Acadie-Nouvelle, à Caraquet (NB). Les membres ont un tirage combiné de près de 150 000, sans compter les abonne-ments numériques. 

La formule en place contrevient à quatre articles de Loi sur les langues officielles, soutient Maria Chaput, confiante que le commissaire Fraser acceptera de faire enquête. « Patrimoine canadien a manqué à ses obligations de mettre en place des mesures positives pour favoriser les langues officielles et de jouer son rôle de coordination au sein du gouvernement.

« Si ça ne se règle pas bientôt, conclut-elle, on ne pourra pas garder le personnel nécessaire pour faire le travail. Et on va perdre des journaux. »