Alors que les élections générales au Canada ont à peine été déclenchées, les partis politiques ont déjà élaboré une liste de promesses qu’ils annonceront au cours des 36 jours de campagne. La croyance populaire veut que les élus ne respectent pas leurs promesses, mais la réalité est tout autre selon les politologues.
Les politiciens ont tendance à tenir la plupart de leurs promesses selon le directeur de l’Institut d’études canadiennes de l’Université McGill (IÉCM), Daniel Béland. « Parfois, ils les tiennent seulement en partie. […] Les médias ou les partis d’opposition ont tendance à attirer l’attention sur les promesses qui ne sont pas réalisées ou entièrement réalisées », précise le chercheur.
Certaines promesses destinées à des groupes particuliers, comme la modernisation de la Loi sur les langues officielles, causent moins de remous dans la population générale si elles ne sont pas respectées, ajoute Daniel Béland.
Plus de 80 % des promesses réalisées partiellement ou en totalité
Selon Le Polimètre, les libéraux de Justin Trudeau ont réalisé 93 % de leurs promesses en totalité ou partiellement lors de leur premier mandat entre 2015 et 2019.
Crédit : Capture d’écran
L’initiative indépendante Le Polimètre, développée par des politologues canadiens, mesure le respect des promesses électorales. Depuis le lancement de l’initiative, les chercheurs se sont intéressés aux promesses des conservateurs fédéraux de Stephen Harper entre 2011 et 2015 ainsi qu’aux promesses des libéraux de Justin Trudeau depuis leur première élection en 2015. Le Polimètre suit aussi la réalisation des promesses des gouvernements provinciaux au Québec depuis 2014, en Ontario depuis 2018 ainsi qu’au Nouveau-Brunswick depuis 2018.
Pendant la campagne électorale fédérale de 2011, les conservateurs de Stephen Harper, qui misaient sur la reprise économique après la récession de 2008, ont formulé 143 promesses. Après l’élection d’un gouvernement majoritaire, les conservateurs ont réalisé complètement 110 (77 %) de ces promesses. Dix promesses ont été réalisées partiellement et 23 ont été rompues. Les conservateurs de Stephen Harper ont donc réalisé 84 % de leurs promesses en totalité ou partiellement lors de leur dernier mandat terminé en 2015.
En octobre 2015, les libéraux de Justin Trudeau ont pris le pouvoir avec un gouvernement majoritaire en faisant élire 184 députés. Pendant la campagne électorale, les libéraux ont formulé 353 promesses. De ce nombre, ils en ont réalisé 236 complètement, soit 67 %. Selon Le Polimètre, 92 promesses ont été partiellement réalisées pendant cette période et 25 ont été rompues au total.
La pandémie a changé les choses
Le politologue Daniel Béland est depuis 2019 le directeur de l'Institut d'études canadiennes de l’Université McGill.
Photo : David Stobbe
La réalité est tout autre depuis les élections d’octobre 2019. Les libéraux ont obtenu un gouvernement minoritaire en faisant élire 157 députés et ont dû gérer la pandémie de COVID-19 trois mois après le début des travaux parlementaires. Une situation particulière qui a fait changer les priorités du gouvernement et du Parlement, selon le directeur de l’IÉCM.
« La pandémie a vraiment transformé l’agenda en matière de politiques publiques. Par exemple, il y a des promesses sur la taille du déficit que les libéraux ont faites durant la campagne de 2019. Évidemment, ils ne peuvent pas tenir ces promesses-là à cause de la pandémie et d’autres promesses qu’ils ont faites », précise Daniel Béland.
En tout, les libéraux ont formulé 343 promesses pendant la campagne électorale de 2019. De ce nombre, en date du 12 août 2021, Le Polimètre calcule qu’ils en ont réalisé 43 en totalité ou partiellement et 143 étaient en voie de réalisation, tandis que 3 % ont été rompues.
La courte durée de la 43e législature, en cours depuis le 5 décembre 2019, explique aussi le faible nombre de promesses réalisées comparativement aux gouvernements majoritaires qui ont habituellement quatre ans : « C’est une situation qui est à l’avantage du gouvernement, parce qu’ils peuvent affirmer qu’ils n’ont pas eu le choix d’abandonner certaines priorités temporairement en raison du gouvernement minoritaire, en raison de la pandémie et de la situation économique, et du fait qu’ils ont eu relativement peu de temps pour agir », explique Daniel Béland.
Les élections sous le signe de la pandémie
Pendant la campagne électorale, les partis d’opposition risquent d’attaquer davantage les libéraux sur la gestion de la pandémie que sur l’échec de leurs promesses électorales selon le politologue.
« Le NPD va dire “Les bonnes choses que les libéraux ont faites, c’est à cause de nous, on les a influencés, ils ont dépensé plus qu’ils voulaient, ils ont étendu la durée de certains programmes d’urgence pour les chômeurs et les familles, et c’est à cause de nous.” Les conservateurs vont dire que les libéraux ont trop dépensé et qu’ils n’ont pas les bonnes priorités », prévoit Daniel Béland.
Les Canadiens se rendront aux urnes le lundi 20 septembre.