Jason Kenney
Le jour des élections, le 16 avril, le chef Jason Kenney du Parti conservateur uni a rendu visite à son équipe de circonscription à Calgary-Lougheed.
Photo récupérée sur le compte Twitter de Jason Kenney.JPG
L’Alberta de Jason Kenney entend baigner dans l’huile avec l’élection d’une majorité de 63 sièges sur 87 à la législature, le 16 avril. Le Parti conservateur uni a pris le pouvoir, rejetant quatre ans du régime néo-démocrate de Rachel Notley. La continuité de la droite avec sa dépendance au pétrole risque toutefois de drainer l’économie albertaine, entrainant des tensions politiques et sociales.
« Les Albertains sont aveugles, constate le sociologue Claude Couture. Ils ne voient pas à quel point Rachel Notley a gouverné au centre-droit et dans l’intérêt du secteur pétrolier. Dans cette province, depuis Peter Lougheed [le premier ministre de 1971 à 1985], on a élu une succession de petits bandits qui ont gaspillé la richesse du pétrole. »
Le professeur au Campus Saint-Jean à Edmonton en nomme plusieurs : Don Getty, Ralph Klein, Ed Stelmach, Alison Redford. « Ces gens-là se sont assis sur des réserves de pétrole et de gaz naturel. Pendant 40 ans, l’argent coulait à flots et ils n’ont rien mis de côté. Ils n’ont rien fait pour développer quelque chose d’intelligent pour l’économie. Ils n’ont pas préparé de plan B. »
Rien n’indique que le prochain chef du gouvernement aurait un projet d’avenir autre que « la continuité d’une irrationalité », selon les mots de Claude Couture. Il rappelle certaines interventions de fin de campagne des grands de l’industrie, redoutant l’élection de Jason Kenney.
« C’est l’absurdité de notre vie politique en 2019 »
« Il ne faut pas confondre les grands dirigeants avec les minus de la classe moyenne qui vivent des sous-contrats du secteur et ne voient qu’à court terme. Ils appréciaient le travail de Rachel Notley », qui tentait de faire avancer la livraison de la production pétrolière aux marchés.
À la veille des élections, le chroniqueur Gary Mason, du Globe & Mail, est revenu sur l’ironie que le gouvernement libéral de Justin Trudeau soit le propriétaire du seul oléoduc d’envergure en mesure d’acheminer du pétrole au Pacifique.
« Nous allons bientôt voir un premier ministre conservateur en Alberta mener une guerre contre un premier ministre libéral à Ottawa qui essaie de construire ce dont la province a le plus besoin : un nouveau pipeline la reliant à l’océan. C’est l’absurdité de notre vie politique en 20191. »
Le futur premier ministre albertain entend se joindre à la cause de ses homologues conservateurs de la Saskatchewan, de l’Ontario, du Manitoba et du Nouveau-Brunswick pour s’opposer à la taxe fédérale sur le carbone, entrée en vigueur le 1er avril.
François Legault dit non au pipeline
Le commentateur Andrew Coyne du National Post s’est prononcé, le jour des élections albertaines, sur la probabilité que les provinces en question perdent leur contestation judiciaire, actuellement en voie d’instruction dans un tribunal de Toronto. La droite aurait raté l’occasion de s’approprier l’initiative.
« Le prix sur le carbone a d’abord été proposé comme une alternative, alignée avec les marchés, aux approches traditionnelles de réglementation et de subventions. Son adoption par la gauche est la plus grande victoire des marchés depuis une génération2. »
Dans un discours se voulant rassembleur le soir du vote, Jason Kenney s’est adressé en français aux Québécois, les invitant à devenir des partenaires sur le plan énergétique.
« On a toujours été des alliés naturels, nous croyons dans un fédéralisme respectueux des champs de compétence provinciale. » Affirmant son grand respect pour le premier ministre François Legault, il a loué sa volonté de « mettre l'accent sur la croissance économique et de s’engager à éliminer la dépendance du Québec envers la péréquation ».
Dès le 17 avril, le chef québécois a rejeté l’idée d’un nouveau pipeline.
Fermer le Secrétariat francophone de la province ?
Claude Couture dénonce « le comble de l’absurdité » du projet de Jason Kenney de tenir un référendum national pour abolir la péréquation. « Au lieu d’être une province qui donnait, on est sur le point de qualifier, en Alberta, pour recevoir des paiements. Je prédis un taux de chômage dans les deux chiffres, des coupes sauvages en éducation et santé, ça va mettre des gens dans la rue. Est-ce que ça va aider l’économie ? Non, ça va aggraver les problèmes. »
Un aspect négligé de la campagne, signale le sociologue, serait le conservatisme social du chef Kenney. « Il se joint à une chorale de conservateurs, les mêmes qu’aux États-Unis et en Europe, qui sont hostiles à certains groupes. Il va s’en prendre à ceux qu’il considère comme des parasites du système, les minoritaires et les autochtones. Ça va ajouter aux tensions nationales. »
Il mentionne les attaques récentes contre l’ouverture d’un soutien dans les écoles albertaines pour les groupes LGBT. Concernant la minorité de langue officielle, Claude Couture prédit que les conservateurs unis pourraient fermer le Secrétariat francophone du gouvernement provincial.
1. Traduction de Francopresse
2. Ibid-30