« C’est quoi cette question ? » pourrait-on s’exclamer. Le ton est peut-être radical, mais la question se pose quant à l’usage des fonds fédéraux destinés aux écoles françaises.
La Commission nationale des parents francophones (CNPF), la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) ont annoncé, en septembre, une entente avec Patrimoine canadien qui porte entre autres sur le contrôle des sous qu’Ottawa verse aux systèmes scolaires francophones.
Pourquoi avoir conclu cette entente ? Simple… On veut mettre fin à une anomalie. Depuis des années, Patrimoine canadien contribue financièrement aux écoles françaises sans trop savoir où va cet argent. Le milieu de l’éducation en français veut que ça cesse.
Précisons d’emblée une chose. Les provinces sont obligées d’accorder des écoles à leurs minorités. Elles le font toutes, certaines avec générosité, d’autres au compte-goutte. Or, il se trouve que le gouvernement fédéral alimente le compte-goutte. Il verse aux provinces une contribution financière annuelle pour les aider à respecter la Charte des droits et libertés, en l’occurrence l’article 23 qui reconnait le droit à l’éducation dans la langue de la minorité.
Cela dit, l’éducation relève des provinces. Ottawa peut donc difficilement se donner droit de regard sur l’usage de ces fonds sans se mêler de ce qui, en terme constitutionnel, ne le regarde pas… Pourtant, il s’agit bien de son argent qu’il verse dans une intention précise.
Grâce à cette assistance, les provinces peuvent piger ailleurs que dans leur seul coffre pour financer leur système d’éducation de langue française. L’aide fédérale peut leur permettre de réduire la part qu’elle y consacrerait pour l’envoyer ailleurs.
Bien sûr, personne ne peut l’affirmer. Mais un coup d’œil sur le terrain révèle bien des écarts qui éveillent les soupçons, puisque les systèmes anglophones sont souvent mieux pourvus.
À cet égard, la Fédération nationale des conseils scolaires francophones avait montré un documentaire plutôt choquant lors de son assemblée annuelle à Yellowknife à l’automne 2016. On y faisait état d’une école française de Colombie-Britannique sans gymnase, dont les locaux étaient inadéquats.
Par ailleurs, on se souvient des parents de Summerside à l’Île-du-Prince-Édouard qui ont du se rendre en Cour suprême à la fin des années 90 afin que leurs enfants aient un toit bien à eux pour apprendre en français.
Tout ça se produit alors qu’Ottawa verse des millions pour aider des gouvernements à prendre ce qui, au fond, ne devrait être que leur seule responsabilité.
Parents et conseils scolaires sont satisfaits de l’engagement que vient de prendre Patrimoine canadien. Bien sûr, rien n’est acquis. Les provinces ne sont pas obligées de bouger. Ce sera au fédéral à négocier et à convaincre.
Si tout va bien, cette anomalie qui remonte aux années 70 sera enfin corrigée. On en saura davantage l’année prochaine quand Ottawa dévoilera son plan quinquennal sur les langues officielles.
Un autre élément intéressant ressort de cette entente.
On permettra enfin aux conseils scolaires de mettre leur grain de sel dans l’élaboration des programmes fédéraux destinés aux écoles. Jusqu’à ce jour, tout se passe comme si les fonctionnaires fédéraux étaient mieux placés qu’eux pour définir leurs besoins. Ne vaut-il pas mieux compter sur l’expérience de ceux qui sont sur le terrain ?
En conclusion, si tout va bien, les cinq prochaines années devraient lancer une nouvelle ère pour l’enseignement en français, avec des écoles mieux financées et encadrées par des conseils scolaires qui auront un pouvoir plus étendu.
Les minorités ont acquis de chaude lutte le droit de gérer leurs écoles. Mais quand ce droit est sans contrôle sur les crédits dépensés, et quelqu’un à mille lieues du patelin dit quoi faire, on sent la coquille vide. Espérons que les cinq prochaines années permettront de la remplir…