Ad mari usque ad mare : la devise du Canada. Pratique, le latin. Pas de chicane, chacun y trouve son compte, anglophone comme francophone.
On peut en être fier de cette devise. Elle exprime une belle réussite politique et territoriale.
Y en a-t-il beaucoup des continents où l’on peut toucher deux mers aussi éloignées sans sortir visa ni passeport ? Il n’y a qu’en Amérique que c’est possible.
Avec une aussi vaste occupation du territoire, on nage dans le pancanadien… Initiatives, jeux, conférences, etc.
C’est ainsi que l’on nous a présenté le premier Forum national sur l’immigration francophone qui vient d’avoir lieu à Moncton au Nouveau-Brunswick. « Forum pancanadien », peut-on lire dans le deuxième paragraphe du communiqué remis aux journalistes.
L’initiative vient de deux groupes ministériels, le Forum des ministres responsables de l’immigration (FMRI) et la Conférence ministérielle sur la Francophonie canadienne (CMFC). On y a qualifié les discussions d’historiques puisque c’était la première fois que l’on associait officiellement francophonie et immigration dans un échange politique depuis que le Canada existe.
Dans une annonce tout en sourire, la galerie ministérielle a fait état de l’heureux dénouement de ses discussions. On est unanime pour attirer, retenir et intégrer les francophones du monde entier qui se cherchent une terre d’asile ou un nouveau pays. Pourquoi ? Parce que le Canada en général et les communautés francophones minoritaires en particulier en ont besoin.
L’enjeu consiste à stopper le déclin démographique francophone au pays. Le dernier recensement a confirmé le maintien d’une tendance délétère, vieille maintenant d’une trentaine d’années. En proportion, le terrain occupé par la Francophonie canadienne s’érode comme un cap de sable grugé par la mer. Ça ne va pas vite, mais le recul est inexorable, à la lecture des derniers recensements.
On veut renverser la tendance. Le fédéral a convenu de simplifier la procédure d’accueil pour les nouveaux arrivants francophones qui voudront s’installer au Nouveau-Brunswick. C’est la province qui l’a demandé.
L’Ontario veut ouvrir les bras elle aussi. Laura Albanese, ministre ontarienne de l’Immigration et de la Citoyenneté, veut conclure la même entente. Elle en a déjà fait la requête à Ottawa et espère obtenir un « oui » avant le prochain Forum qui aura lieu d’ici un an.
Mais en sommes-nous vraiment à l’initiative pancanadienne ? Pas certain !
Il y avait des absents à ce forum. Territoires, provinces et gouvernement fédéral confondus, le Canada compte 14 juridictions. Or, il en manquait cinq à ces assises : Terre-Neuve-et-Labrador, l’Ile-du-Prince-Édouard, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie-Britannique. Pas tout à fait d’un océan à l’autre.
Et puis, il y a cette phrase dans le communiqué final qui laisse perplexe.
« Il pourrait s’agir notamment de travailler avec les provinces et les territoires intéressés afin d’ajouter une dimension francophone aux ententes bilatérales en matière d’immigration… ». On y précise bien, provinces et territoires « intéressés ».
Il faut bien l’admettre, le « pancanadien » n’est toujours pas acquis. On l’a pourtant réalisé ailleurs.
Le chemin de fer, la route et Radio-Canada en sont des exemples. Pareil pour la monnaie. On peut dérouler un Sir Wilfrid Laurier en payant son sandwich dans un snack-bar à Tofino aux confins de l’ile de Vancouver ou une glace aux abords du havre de Saint-Jean Terre-Neuve.
Or, ce Forum historique n’a pas dépassé le Manitoba vers l’Ouest et s’est arrêté en Nouvelle-Écosse vers l’Est.
C’est en 1871 que le Canada a concrétisé sa devise latine, quand la Colombie-Britannique a rejoint la famille nouvellement fédérée. Où en sommes-nous un siècle et demi plus tard ?
Ad mari usque ad mare pour tous ? En matière d’immigration francophone, la volonté manifeste du Canada entier n’y est pas encore.
On y perd son latin… Est-ce trop dire ?