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De la « post-vérité » à la « post-démocratie »

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En 2016, le terme « post-vérité » (post-truth) a été ajouté au Oxford Dictionnaries. En 2018, allons-nous y ajouter la « post-démocratie » ?

Le néologisme « post-vérité » rappelle que les faits objectifs -- la vérité factuelle -- ont moins d’importance dans l’opinion publique que les emballements émotifs des uns ou les croyances inusitées des autres. Comment, dans ce monde où le mensonge et les fausses perceptions ont plus d’influence sur l’opinion publique que la vérité, pouvons-nous imaginer que la démocratie puisse fonctionner normalement? La « post-démocratie » serait ainsi le moment où, malgré le processus électoral démocratique régulier, la population élirait des représentants qui sont « anti-démocratie » et qui agiraient de façon autoritaire, au-dessus de la loi, de la moralité et de la dignité humaine. La population élirait des fascistes.

L’absence de référents, vérifiables et crédibles, déstabilise toutes les formes d’organisation collective, que ce soit des institutions, des échanges économiques ou les systèmes politiques ou juridiques. Notre civilisation s’est construite grâce à la capacité des individus et des institutions à faire confiance aux informations ou aux faits partagés. Pensons aux scientifiques et aux techniciens spécialistes qui exigent des données fiables et mesurables afin d’exécuter leur travail. Mais, évidemment, c’est moins dans les domaines professionnels que dans le monde politique où ces falsifications des faits deviennent les plus terrifiants. Lorsque les balises morales s’effondrent, toutes les horreurs deviennent possibles.

Certes, ce n’est pas la première fois que des politiciens refusent les faits ou en fabriquent de toutes pièces pour répondre à leurs intérêts particuliers ou à leur idéologie politique. Ce qui est terrifiant, c’est l’admissibilité sociale des discours politiques radicaux servant à diviser, apeurer ou attaquer des populations vulnérables grâce à des affirmations mensongères et incendiaires. Ce sont aussi les attaques directes contre les institutions républicaines, telles que le système de justice ou le processus électoral. Ces discours sont contagieux et légitiment les agressions à la dignité humaine.

L’époque actuelle nous rappelle les années 1930, en Europe, à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Adolf Hitler et d’autres fascistes notoires seront élus démocratiquement grâce à leur propagande ciblée, empreinte d’un racisme évident et d’une volonté autoritaire. Beaucoup de gens en situation de pauvreté et d’insécurité, suite à la crise économique de 1929, ont cru à leurs discours incendiaires contre les Juifs et les migrants et ont voté pour eux en espérant que leur régime autoritaire réglerait leurs difficultés économiques.

La « post-démocratie » est maintenant aux portes de plusieurs pays, dont les États-Unis. La montée du fascisme est bel et bien une tendance actuelle qui nous demande une grande vigilance pour ne pas succomber à la peur collective de l’autre, une peur qui servira de levier pour lancer des mesures radicales et d’engager une guerre contre les valeurs républicaines. Les boucs émissaires sont déjà ciblés. La rhétorique raciste prend de l’ampleur, les attaques contre les journalistes et le système judiciaire se développent quotidiennement et la situation économique de la majorité de la population est de plus en plus précaire.

Tout porte à croire, en observant la scène politique américaine, à la concrétisation de ce scénario terrifiant si, en novembre prochain, le parti républicain n’est pas défait. La guerre qui se prépare en arrière-plan du chaos actuel ne sera pas contre les réfugiés, mais bien pour imposer des « régimes » autoritaires qui défendront la nécessité de la guerre pour sécuriser les sources d’enrichissement d’une élite étroitement liée aux industries pétrolières et au complexe militaro-industriel. Restons vigilants et ne succombons pas à la propagande et aux rumeurs incendiaires, ce sont des écrans de fumée pour attiser la peur et l’ignorance.