Denis Desgagné
Monsieur Desgagné a prononcé quelques mots en ouverture du spectacle bénéfice de 2016 au profit de l'Eau vive, organisé avec l'appui du Centre de la francophonie des Amériques. Ce spectacle mettait en vedette plusieurs artistes locaux qui ont partagé la scène avec Zachary Richard.
Photo : Jean-Pierre Picard (2016)
Le président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Denis Desgagné, est remplacé au pied levé sur décision du gouvernement québécois. Sa remplaçante, une fonctionnaire moins connue des communautés en milieu minoritaire, ne rassure pas les Franco-Canadiens. Ce changement annoncerait-il un repli à leur égard
Pourtant encensé par tous ses collaborateurs et en poste depuis huit ans, Denis Desgagné doit faire ses adieux de façon précipitée à son équipe du Centre de la francophonie des Amériques. « C’est arrivé très vite. Je n’ai pas eu beaucoup de temps. J’ai reçu un appel m’apprenant la nomination d’une nouvelle PDG, puis j’ai pris quelques minutes pour avaler, recevoir et digérer cette information. En 15 minutes, j’ai dû annoncer la nouvelle à mon personnel », relate-t-il.
La transition est en effet rapide : Denis Desgagné devra quitter son poste le 9 janvier prochain. Triste et surpris, le responsable n’exprime pas pour autant d’amertume. « J’ai eu le privilège d’exercer deux beaux mandats. J’espérais poursuivre mon travail, mais l’organisation est plus importante que l’individu. Il y a tellement de beaux projets en cours. »
Une nouvelle direction encore floue
Le président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques, Denis Desgagné. Photo : Radio-Canada/Gabrielle Thibault-Delorme
Denis Desgagné est ainsi remplacé par Johanne Whittom, une fonctionnaire du ministère du Conseil exécutif. Sidérée, Marie-France Kenny, ancienne membre du conseil d’administration du CFA de 2009 à 2015, cherche à comprendre : « Pourquoi changer la vision actuelle? Est-ce qu’on veut reculer, couper le financement? Personne d’autre que Denis Desgagné n’a une vision aussi rassembleuse et éclairante. Alors que l’organisme avait fait des pas de géant, on prend un sérieux recul en nommant une personne qui ne connaît pas du tout les communautés francophones. C’est comme si on balayait d’un revers de la main tout ce qui avait été accompli. »
Pour la Fransaskoise, décorée de l’Ordre des francophones d’Amérique, la décision s’apparente à une « nomination politique qui donne un autre coup dur à la francophonie ». Selon elle, le CFA souffre d’un sérieux problème de gouvernance, puisque le conseil d’administration avait fortement recommandé de renouveler le mandat de Denis Desgagné.
Luc Doucet, représentant de l’Acadie au conseil du CFA, témoigne : « Nous avons appris la nouvelle par les médias. Nous sommes très, très surpris du départ de Denis Desgagné. Le conseil avait donné une note de A+ pour son évaluation. » Le directeur général de l’Association des aînés francophones du Nouveau-Brunswick et président du Richelieu International souligne par ailleurs « la façon assez cavalière » dont le conseil a été traité. « Ce n’est pas acceptable », juge-t-il.
Aussi, les membres du conseil ont décidé d’envoyer une lettre ce lundi 3 décembre au premier ministre François Legault afin d’exiger une rencontre. « Nous considérons actuellement le gouvernement comme une partie adverse », lâche l’administrateur.
Francopresse. Le gouvernement québécois a décidé au pied levé de remplacer le dirigeant du Centre de la francophonie des Amériques. Sa remplaçante, peu connue des communautés en milieu minoritaire, ne les rassure pas. Ce changement annonce-t-il un repli?
Centre de la francophonie. Luc Doucet.
Une décision nuisible?
« Le CFA est devenu un outil extraordinaire pour la visibilité du Québec, du Brésil jusqu’au fin fond du Yukon », observe Luc Doucet. Le Centre de la francophonie des Amériques serait-il donc rapatrié dans le giron du gouvernement québécois?
La décision est peut-être plus politique encore : « Les rumeurs disent que quelqu’un dans le bureau d’un ministre a été très agacé par l’intervention de Denis Desgagné dans les médias suite à la décision du gouvernement Ford en Ontario, évoque le membre du conseil. On se pose sérieusement des questions. »
En réaction, les membres du conseil, incluant Zachary Richard, ont menacé de démissionner en bloc. Du côté des organismes francophones, l’incompréhension règne tout autant : « Notre niveau de frustration est très élevé, commente Denis Simard, président de l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF). Avec le départ de Denis Desgagné, nous perdons un allié sur le développement de nos communautés francophones. »
Pour le responsable, ce changement pourrait affecter les rapports entre le Québec et la francophonie canadienne : « Nous étions ravis de voir la participation du Québec par l’entremise du CFA. La direction était très positive et participative. Est-ce que les pratiques vont changer? », s’interroge-t-il.
Dans l’Est, l’inquiétude est partagée par Robert Melanson, président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB), qui se dit malgré tout prêt à travailler avec la nouvelle direction, « en espérant ne pas avoir à la sensibiliser aux besoins des francophones… »
La composition du conseil d’administration du Centre de la francophonie des Amériques
Le conseil est formé de 15 personnes :
- Quatre sont nommées par le gouvernement québécois, dont le PDG et le président du conseil
- Quatre sont désignées par des ministres québécois
- Sept sont élues par l’assemblée générale des membres, représentant le Québec, l’Ontario, l’Acadie, l’Ouest et les Territoires, l’extérieur du Canada, la francophonie canadienne et la jeunesse
Le poste de président du conseil a été renouvelé : Clément Duhaime succède à Diane Blais. Les sièges de représentants du Québec et de la jeunesse sont, eux, ouverts aux candidatures.