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Cascades trophiques

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Exemple de cascade trophique: un écosystème avec et sans les loutres de mer

Exemple de cascade trophique: un écosystème avec et sans les loutres de mer

Image: Patrice Francour, Université de Nice-Sophia Antipolis
Les cascades trophiques sont des phénomènes écologiques dont les répercussions se font sentir à tous les niveaux des écosystèmes. Les cascades trophiques sont fréquentes lorsqu’une espèce impliquée est considérée comme une espèce clé de voûte, soit une espèce qui a un effet disproportionné sur l’environnement en fonction de sa taille ou son abondance. Des changements aux populations d’espèces clé de voûte ont des effets qui cascadent. Dans cet article, je vous présente brièvement trois exemples de cascades trophiques dans divers écosystèmes.

Les forêts de laminaires, des algues pouvant mesurer jusqu’à la hauteur d’une maison de trois étages et ancrées au fond marin, sont des écosystèmes dynamiques le long de la côte Pacifique. Ces forêts sous-marines ont un rôle similaire aux forêts terrestres, faisant de la photosynthèse qui fixe une grande quantité de carbone atmosphérique, limitent l’érosion des côtes, et fournissent un habitat pour plusieurs espèces de poissons et de mollusques. Les oursins habitent les forêts de laminaires et se nourrissent des grandes algues en s’attaquant à leur ancrage au fond marin. La loutre des mers est un prédateur des oursins. Cependant, les loutres ont été fortement chassées pour leur fourrure entre 1741 et 1911 et leur nombre a chuté dramatiquement. En l’absence de prédation par les loutres, les populations d’oursins ont explosé et provoqué la décimation des grandes étendues de forêts de laminaires et la perte de leur fonction écologique. Depuis, les populations de loutres se rétablissent tranquillement, ce qui permet la restauration de l’équilibre et la récupération des forêts de laminaires.

Un autre exemple intéressant est la transgression de cascades trophiques à travers différents écosystèmes. Des chercheurs ont étudié des étangs dans le nord de la Floride et suivi l’abondance de poissons, libellules, insectes pollinisateurs, et des plantes à fleurs. Ils ont trouvé que la présence de poissons favorisait une meilleure pollinisation des fleurs autour des étangs, ce qui peut sembler étrange comme lien indirect. Pourtant, les larves de libellule sont aquatiques et servent de proie aux poissons. Ainsi, en présence de poisson, l’abondance de libellules est limitée, ce qui libère la pression de prédation sur les insectes pollinisateurs et permet la pollinisation des fleurs. En l’absence de poissons dans les étangs, rien ne limite l’abondance des libellules qui réduisent donc les populations d’insectes pollinisateurs. Ainsi, les cascades trophiques peuvent se manifester par des relations inattendues entre des espèces qui n’entrent jamais directement en contact.

Le dernier exemple est l’un des plus communément utilisés pour illustrer les cascades trophiques, soit la réintroduction des loups dans le parc national de Yellowstone, aux États-Unis, en 1995. Suite à une politique gouvernementale d’éradication des loups, le dernier loup de Yellowstone avait été tué en 1926. Entre-temps, la population de wapitis du parc, libérée de la prédation par les loups, avait augmenté énormément et causé le broutage extrême des vallées et des rives des rivières. La réintroduction des loups a causé non seulement une baisse de la population de wapitis, mais également un changement dans leur comportement. Les wapitis devenus plus craintifs ne demeuraient plus longtemps au même endroit et se sont mis à éviter certains endroits trop exposés à la prédation par les loups. Cela a permis aux jeunes pousses d’arbres et d’arbustes de prospérer et des endroits qui étaient presque dénudés de végétation ont verdi à nouveau. Les oiseaux ont recolonisé les boisés et les castors ont pu prospérer également. Les castors sont des ingénieurs de leur habitat et la construction de leurs barrages a permis la création d’habitats pour les loutres de rivière, rats musqués, canards, poissons et amphibiens. Puisque les loups attaquent aussi les coyotes, cela a permis une augmentation de l’abondance des lièvres, petits rongeurs, oiseaux de proie, renards, blaireaux et belettes. Les ours du parc ont aussi bénéficié de la présence des loups grâce à un plus grand nombre de carcasses et de baies sur les arbustes libérés du broutement des wapitis. La végétalisation a également permis de réduire l’érosion des sols et des berges. Les ramifications des impacts de la réintroduction des loups dans le parc de Yellowstone sont vastes et complexes. C’est également une occasion en or pour les biologistes de documenter des effets positifs d’une cascade trophique, alors que trop souvent il faut faire le suivi des impacts négatifs de la perte d’une espèce clé.

Les cascades trophiques sont intéressantes à étudier puisqu’elles mettent en valeur la complexité des écosystèmes naturels. Chaque partie, aussi petite soit-elle, a son rôle à jouer pour maintenir l’équilibre.