La communauté fransaskoise planifie son avenir. Depuis plus d’un an, l’Assemblée communautaire fransaskoise (ACF) élabore le Plan de développement global (PDG) 2021-2030, un document crucial pour la décennie à venir. Le Forum du réseau associatif et institutionnel fransaskois du 26 mars a permis de pousser la réflexion.
L’ACF est entrée en partenariat avec PGF Consultants, une firme de conseil basée à Ottawa, pour mettre en œuvre ce projet. Pour Benoit Hubert, président et propriétaire de PGF, « le PDG est un plan qui donne un élan de solidarité, qui respecte la diversité, qui valorise les acquis et revoit les valeurs ». Il souligne aussi que si l’ACF prend le rôle de facilitateur, tous les acteurs sont responsables.
Myriam Ben Nasr, directrice adjointe de l’ACF, explique que le développement du nouveau PDG a commencé au début de l’année 2020. Après une longue pause en raison de la pandémie, les travaux ont repris à l’automne 2021. A suivi une longue période de consultation avec, d’abord, un sondage en ligne qui a reçu 330 réponses, puis des entrevues plus poussées avec des membres de la communauté, et enfin des consultations avec les organismes.
De grands enjeux
Sandra de Moura, consultante à PGF Consultants
Captures d’écran
Les consultations ont pointé du doigt les problèmes de discorde, de discrimination et d’intimidation qui minent le sentiment d’appartenance et la fierté communautaire. À cela s’ajoute « une grande préoccupation face à l’exode, qui paraît croissant, relate la consultante Sandra de Moura. Un exode hors de la province en plus d’un exode rural pour les lieux urbains. » L’agente parle ici de « promouvoir l’engagement des jeunes pour qu’ils restent accrochés après les années scolaires ».
Face à ces défis, les organismes fransaskois estiment qu’ils manquent de moyens efficaces pour inverser la tendance. La coordination entre eux laisserait à désirer et leur déficit de concertation avec la communauté affaiblirait leur leadership. D’où une certaine difficulté à faire valoir leurs revendications et à conclure des alliances avec des groupes hors de la communauté. Le PDG met ainsi l’accent sur l’ouverture, l’accueil et l’inclusion, souhaitant promouvoir l’unité et la fierté.
Résonance du terme « fransaskois »
Parmi ses observations, l’ébauche du PDG signale que « le terme fransaskois ne résonne pas comme assez inclusif chez certains ». L’enjeu n’est pas nouveau : en novembre 2020, par souci d’inclusion, la Fédération provinciale des Fransaskoises (FPF) avait changé ses statuts et règlements pour rendre « toute femme francophone » admissible à devenir membre plutôt que « toute Fransaskoise ».
Benoit Hubert, président et propriétaire de PGF Consultants
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Pour les consultants, cette situation donne à la communauté l’« opportunité de se pencher sur la définition du mot et la clarifier », une suggestion qui a suscité de vives réactions. Julien Gaudet, directeur général de l’Association jeunesse fransaskoise (AFJ), rappelle que le mot « fransaskois » est né d’une initiative de son organisme il y a plus de 40 ans, désireux de regrouper tous les locuteurs du français ayant un lien avec la Saskatchewan. Cette tradition continue, souligne-t-il, car « la jeunesse est en train de faire un travail pour faire connaître notre définition du mot "fransaskois". »
Quant à elle, Suzanne Campagne, directrice du Conseil culturel fransaskois (CCF), compare l’origine du terme « fransaskois » à celle de son cousin « franco-manitobain ». « Chez nos voisins de l’est, ils ont tout de suite défini "franco-manitobains" comme des gens nés au Manitoba, puis ont commencé à parler de francophonie pour être plus inclusifs. » À l’inverse, la définition de « fransaskois » a, elle, toujours été très large.
La plupart des intervenants du forum se sont portés à la défense du mot « fransaskois ». « Il n’a jamais porté problème en lui-même, estime le directeur du Collège Mathieu Francis Kasongo. La polémique marque un déficit de marketing du terme et de la capacité des organismes de faire comprendre aux Fransaskois sa signification. »
Discussions et rétroactions
Christian Furé, directeur de la Société canadienne-française de Prince Albert (SCFPA), espère que le rapport final aura plus de détails pratiques sur la façon de mettre en œuvre les recommandations. « Le PDG est une opportunité de revoir nos pratiques, explique-t-il, on ne peut pas continuer à faire ce qu’on fait en espérant un résultat différent. Il faut revoir nos façons de faire et même remettre en cause ce que nous faisons. »
De son côté, Éric Lefol, directeur général de Vitalité 55+, a critiqué l’absence des aînés dans l’ébauche du plan. Il estime que leurs expériences vécues sont une source de leadership dans laquelle le PDG devrait puiser.
Avec trois sessions de discussion sur l’ébauche du PDG, l’ACF et les consultants ont pu recueillir les avis de la communauté, des apports qui seront utilisés pour peaufiner le document. Les membres du réseau associatif et les élus fransaskois auront d’autres occasions d’ajouter leurs contributions dans la copie finale. « Ce n’est pas le PDG de l’ACF, rappelle Myriam Ben Nasr, c’est le PDG de la communauté en entier. »