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L’autre 15 février

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En 1996, le 15 février a été déclaré le Jour du drapeau national du Canada. C’est à cette date, en 1965, qu’il est hissé pour la première fois. Maurice Bourget, président du Sénat, déclare alors « Le drapeau est le symbole de l'unité nationale car il représente, sans aucun doute, tous les citoyens du Canada sans distinction de race, de langue, de croyance ou d'opinion ».

Et un symbole d’unité, le Canada en a drôlement besoin au milieu des années 60. La révolution tranquille bat son plein, le Québec vient tout juste de nationaliser son réseau électrique sous la gouverne du ministre des Richesses naturelles, René Lévesque.

Nous sommes alors en pleine montée du nationalisme québécois. Le brillant orateur Pierre Bourgault promène ses discours d’un bout à l’autre de la province pour enflammer une nouvelle génération de francophones en les faisant rêver à un pays où ils seraient majoritaires. En 1965, cela fait 18 ans que le Québec a son propre drapeau.

On espère que le nouveau drapeau canadien devienne un symbole de ralliement national. Il fera rêver les Québécois aux Rocheuses et on oubliera Buckingham Palace en le regardant flotter.

Trois ans plus tard, le premier ministre canadien Pierre Elliott Trudeau se fera lancer des bouteilles dans un Montréal enflammé par une St-Jean-Baptiste explosive. Cinq ans plus tard, en 1990, le diplomate britannique James Cross sera enlevé et le ministre québécois Pierre Laporte sera tué par des militants du Front de libération du Québec (FLQ).

Les membres du FLQ adoptent un symbole : l’image d’un Patriote du soulèvement de 1837, avec sa ceinture fléchée et son fusil.  À ce symbole est rattaché un autre 15 février, en 1839 celui-là. C’est la date à laquelle cinq patriotes – un instituteur, un huissier, un notaire, un agriculteur et un militaire français – sont pendus pour s’être levés contre la couronne britannique. Est-ce un hasard si cette même date a été choisie pour donner naissance et célébrer l’Unifolié de l’unité?

Le nouveau drapeau devait servir de pansement sur la déchirure entre les deux peuples fondateurs du pays. Il semble qu’il ait réussi dans une certaine mesure. La génération de Canadiens qui sont nés sous ce drapeau est plus bilingue que jamais. Au Québec le nationalisme s’est dilué avec l’afflux de nouveaux arrivants qui s’identifient à ce drapeau rouge qui les a accueillis.

Malheureusement, certaines politiques du gouvernement sont en train de ternir le sentiment de fierté chez plusieurs Canadiens. Même sur la scène internationale, l’image de notre pays en souffre. En 2010, c’était la première fois dans l’histoire de l’ONU que le Canada ne réussissait pas à remporter un siège au Conseil de sécurité alors qu’il prenait part à la course.  Le Canada de Lester B. Pearson, père du drapeau et fondateur des Casques bleus, est bien différent de celui de Harper.

Dans quelques mois, la Cour suprême devra se prononcer sur le statut légal du français dans l’Ouest canadien, où Louis Riel fut pendu en 1885. Un jugement positif viendrait redonner un peu d’éclat à l’Unifolié qui en a bien besoin.