Katherine d’Entremont a dénoncé le manque de rigueur du gouvernement au Nouveau-Brunswick dans son premier rapport annuel du 17 juin. Le 7e de François Boileau, publié le 10 juillet, est tout aussi revendicateur. Les deux commissaires profitent de circonstances favorables pour se faire entendre.
Le commissaire aux services en français (CSF) de l’Ontario bénéficie du contexte d’un gouvernement libéral majoritaire et de sa nouvelle indépendance pour mener une nouvelle offensive, souligne le professeur de l’Université de Montréal et spécialiste des régimes linguistiques, Martin Normand.
« Dans le ton, il y a quelque chose de plus revendicateur et dénonciateur qu’avant. Certaines de ses observations remontent sûrement à plusieurs années, mais il n’avait pas eu l’opportunité de les faire.
« On a mis beaucoup l’accent sur sa recommandation de créer un comité parlementaire sur les services en français, indique le chercheur. C’est une idée formidable mais difficilement réalisable parce que ça demande beaucoup de ressources. Mais celle sur l’Office des affaires francophones est plus importante."
Depuis janvier 2014, François Boileau répond directement à l’Assemblée législative. Auparavant, il relevait de la ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur, responsable de l’Office et de la mise en œuvre de la Loi sur les services en français. Dans son rapport, le commissaire demande à l’Office de publier dorénavant un rapport annuel explicitant les progrès réalisés.
« Jusqu’à il y a quelques mois, le commissaire était un employé de l’Office, rappelle Martin Normand. Il ne pouvait pas faire ce genre de revendication, mais c’est la plus structurante du rapport. C’est un problème de gouvernance. Le message, c’est qu’on doit arrêter de blâmer tous les autres ministères. »
Les observations des commissaires vont dans le sens de l’imputabilité, précise-t-il, une préoccupation très présente dans le discours public. Par exemple, la commissaire d’Entremont dénonce l’absence de résultats concrets du plan gouvernemental sur les langues officielles.
« Il y a des problèmes en immigration, explique le professeur, on le voit dans toutes les juridictions. Ça commence à ressembler à une vieille cassette. Si les recommandations reviennent à chaque année, c’est que quelque chose ne va pas. »
Les deux officiers ont aussi demandé un meilleur accès à la justice et à la santé en français pour les populations les plus vulnérables, ajoute Martin Normand. « C’est une nouvelle responsabilité que prennent les commissaires, en faisant un parallèle entre les droits linguistiques et la justice sociale.
« Les commissaires observent l’immobilisme des gouvernements, dit-il. En Ontario, il y avait l’incertitude face aux élections ; au Nouveau-Brunswick, le gouvernement hésite à agir. Le message dans la presse anglophone, c’est qu’il n’y a pas de problème, passons à autre chose. On réagit pour éviter que ce discours ne prenne trop. »
La Législature ontarienne doit se prononcer prochainement sur la durée du mandat du commissaire Boileau. En poste depuis sept ans, il est dans son 3e et peut-être dernier mandat, estime le professeur Normand. « Il veut s’assurer de marquer le coup avant de passer le flambeau. » Au Nouveau-Brunswick, la commissaire d’Entremont est dans son premier mandat et elle aussi ressentirait le besoin de s’affirmer.
Dans les rapports 2013-2014 : le commissaire Boileau a reçu 280 plaintes du public, effectué 216 enquêtes et émis quatre recommandations ; la commissaire d’Entremont a recueilli 155 plaintes, mené à terme 46 enquêtes et publié cinq recommandations.