Skip Navigation
Finaliste Prix de l'excellence

Retour dans les années 1970, première décennie de l’Eau vive

Entre une jeunesse qui bouge et un conservatisme religieux

Lors du colloque « Les médias francophones sous toutes leurs coutures » tenu à l’Université Sainte-Anne en Nouvelle-Écosse en octobre dernier, le professeur Michael Poplyansky et l’assistant de recherche Fredrick Etommy, tous deux à l’Université de Regina, ont présenté « Une vitrine sur les longues années 1970 : la première décennie de L’Eau vive ».

Les deux chercheurs ont exposé la genèse du journal francophone de la Saskatchewan L’Eau vive, né en 1971. Ils ont notamment présenté son rôle dans les débats socio-politiques qui marquaient la province au début des années 1970 et ont offert quelques réflexions sur l’importance des médias comme source archivistique.

En travaillant sur ce projet, Fredrick Etommy a surtout été frappé par le pluralisme idéologique de L’Eau vive pendant ses premières années. « Le journal donnait alors la parole aux baby-boomers fransaskois qui étaient en train de forger une nouvelle identité collective », écrit-il. Du même temps, L’Eau vive se faisait porte-parole d’une réaction conservatrice, notamment par rapport au féminisme et à la contreculture.

Un journal d’abord conservateur

Le ton conservateur devient évident dès le 2 novembre 1971, moins d’un mois après le lancement de L’Eau vive. Le journal s’interroge : « Pourquoi certains de nos enfants s’adonnent-ils à la drogue ? Que faire si notre enfant s’y adonnait ? Comment prévenir et empêcher cette funeste passion ? »

Par ailleurs, les chercheurs ont déniché cinq articles consacrés explicitement à l'avortement entre 1971 et 1973. Par exemple, le 19 avril 1973, l’éditorialiste Marcel Moor prétend que « tout individu censé, croyant ou athée, sait très bien que l’avortement légalisé n’est pas la solution ». À cette époque, l'avortement était souvent considéré comme un acte répréhensible. Beaucoup de Fransaskois, inspirés par la tradition catholique, partageaient clairement ce point de vue, notent les universitaires.

Véhicule des idées de son temps 

L’Eau vive insistait aussi sur le rôle traditionnel de la femme en tant que mère. L’article « La libération des francophones dépend des femmes » du 2 novembre 1971, rédigé par Roger Lalonde, président de l’Association culturelle franco-canadienne (ou ACFC, l’ancêtre de l’actuelle Assemblée communautaire fransaskoise, ou ACF), qui administrait le journal pendant ses premières années, en témoigne. Lalonde écrit : « Que la femme se libère, je n’y vois aucune objection sérieuse… Mais pour s’émanciper, la femme canadienne-française se doit de faire prendre conscience à ses enfants et son mari de la valeur de la langue et de la culture françaises. » Le fait qu’une femme puisse ne pas avoir d’enfants ou de mari est inimaginable pour le rédacteur, observent ainsi les deux chercheurs.

L’espoir d’une génération

Mais L’Eau vive comptait aussi sur les jeunes baby-boomers pour porter l’affirmation culturelle francophone. « Au début des années 1970, l’ACFC déployait beaucoup d’efforts dans l’organisation de programmes afin de réunir les jeunes pour qu’ils puissent réaliser leurs désirs », remarque Fredrick Etommy. Ainsi, le directeur général de l’ACFC René Rottiers publie un article dans L’Eau vive en janvier 1972 intitulé « Pour les jeunes », où il écrit que « l’ACFC n’a voulu que répondre au désir exprimé par les jeunes de se rencontrer. Elle ne leur a imposé aucun programme ni aucun discours et elle est heureuse du résultat. »

Dans les années qui suivent, d’autres articles saluant l’engagement de la jeunesse envers la francophonie, notamment dans le cadre de la lutte pour la télévision française en Saskatchewan, sont également publiés dans L’Eau vive. « Le journal voulait donner plus de liberté aux jeunes dans le but d’assurer la survie de la francophonie en Saskatchewan, mais avait peur des tendances contre-culturelles que ces mêmes jeunes véhiculaient, notamment de la drogue et du féminisme », ponctue l’assistant de recherche.

En définitive, cette analyse du journal fransaskois par Michael Poplyansky et Fredrick Etommy rappelle que les médias en milieu minoritaire sont aussi des marqueurs de leur époque. Ils touchent toujours à plusieurs enjeux, bien au-delà de la seule question linguistique.

Imprimer
33142

D’après les recherches de Fredrick Etommy et Michael PoplyanskyMichael Poplyansky

Autres textes par D’après les recherches de Fredrick Etommy et Michael Poplyansky
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Bilinguisme : 50 ans après, toujours le même défi

Bilinguisme : 50 ans après, toujours le même défi

À la lumière des élections récentes, il est important de se souvenir de la lutte pour l’éducation en français en Saskatchewan et dans l’Ouest canadien.

3 juin 2025/Auteur: Alyssa Parker/Nombre de vues (2141)/Commentaires (0)/
Études universitaires : une entente qui change la donne pour les francophones de la Saskatchewan

Études universitaires : une entente qui change la donne pour les francophones de la Saskatchewan

Le 7 mai, un protocole d'entente a été signé entre la Cité universitaire francophone de l'Université de Regina et l'Université d'Ottawa.

30 mai 2025/Auteur: Cécile Rey – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (4106)/Commentaires (0)/
Abolition des frais scolaires : une victoire pour les familles fransaskoises

Abolition des frais scolaires : une victoire pour les familles fransaskoises

Le 9 mai, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) a annoncé l’abolition des frais scolaires de 150 dollars par mois pour les élèves de prématernelle et de maternelle à temps plein.

25 mai 2025/Auteur: Cécile Rey – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5120)/Commentaires (0)/
Le Collège Mathieu inaugure son nouveau campus à Regina

Le Collège Mathieu inaugure son nouveau campus à Regina

C’est dans une ambiance chaleureuse et pleine d’enthousiasme qu’a été inauguré, le 15 mai, le tout nouveau campus du Collège Mathieu à Regina.

22 mai 2025/Auteur: Ghita Hanane – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (6606)/Commentaires (0)/
Médecins francophones : chronique d’une pénurie

Médecins francophones : chronique d’une pénurie

Si la pénurie de médecins reste une préoccupation majeure pour l’ensemble de la population canadienne, elle l’est encore plus pour les francophones hors Québec.

21 mai 2025/Auteur: Mohammed Amine Harmach – Francopresse/Nombre de vues (3744)/Commentaires (0)/
Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Utiliser la langue première des élèves anglophones ou allophones faciliterait l’apprentissage du français, soutiennent des chercheurs.

20 avril 2025/Auteur: Marine Ernoult – Francopresse/Nombre de vues (5040)/Commentaires (0)/
Entente bilatérale : un pas décisif vers la pérennité du français en Saskatchewan

Entente bilatérale : un pas décisif vers la pérennité du français en Saskatchewan

Le gouvernement du Canada, en collaboration avec la Saskatchewan, a récemment annoncé la signature d’une entente bilatérale pour l’éducation en langue française.

30 mars 2025/Auteur: Pascal Lévesque/Nombre de vues (11831)/Commentaires (0)/
Éducation dans la langue de la minorité : les choix des provinces déterminant dans la distribution des fonds

Éducation dans la langue de la minorité : les choix des provinces déterminant dans la distribution des fonds

Le ministère de Patrimoine canadien a expliqué que certains établissements anglophones hors Québec pourraient bénéficier d’une partie des fonds réservés pour l’enseignement de la langue seconde.

21 février 2025/Auteur: Inès Lombardo – Francopresse/Nombre de vues (5197)/Commentaires (0)/
Des cours d'informatique gratuits pour les francophones de Prince Albert

Des cours d'informatique gratuits pour les francophones de Prince Albert

Le Service d'accueil et d'inclusion francophone (SAIF) a offert une série de cours d'informatique gratuits destinés à la communauté francophone de Prince Albert.

18 février 2025/Auteur: Jean Faustin Ningamo/Nombre de vues (5796)/Commentaires (0)/
Le Collège Mathieu devient centre agréé pour le Test de connaissance du français (TCF)

Le Collège Mathieu devient centre agréé pour le Test de connaissance du français (TCF)

Le Collège Mathieu est officiellement agréé par France Éducation International pour devenir un centre d'examen du Test de connaissance du français (TCF).

16 février 2025/Auteur: Pascal Lévesque – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (6824)/Commentaires (0)/
La littératie, une affaire familiale

La littératie, une affaire familiale

A l’occasion de la journée nationale de l’alphabétisation familiale, le Collège Mathieu et l’Association des parents fransaskois ont offert des activités de sensibilisation.

4 février 2025/Auteur: Leanne Tremblay – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (5268)/Commentaires (0)/
Comment retenir le personnel enseignant issu de l’immigration?

Comment retenir le personnel enseignant issu de l’immigration?

L’insertion socioprofessionnelle de personnes immigrantes dans le secteur de l’enseignement comporte de nombreux défis...

27 janvier 2025/Auteur: Marine Ernoult – Francopresse/Nombre de vues (7455)/Commentaires (0)/
Des établissements postsecondaires francophones n’écartent pas les formations en anglais

Des établissements postsecondaires francophones n’écartent pas les formations en anglais

Certains établissements postsecondaires francophones, sans mandat bilingue, donnent déjà ou envisagent d’élargir leur offre de cours bilingues ou en anglais.

25 janvier 2025/Auteur: Marianne Dépelteau – Francopresse/Nombre de vues (6763)/Commentaires (0)/
L’art pour répondre aux défis des écoles francophone

L’art pour répondre aux défis des écoles francophone

L’art doit être davantage présent dans les écoles de langue française en milieu minoritaire, soutient la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

10 janvier 2025/Auteur: Mohammed Amine Harmach – Francopresse/Nombre de vues (7845)/Commentaires (0)/
Écoles de proximité : un modèle à explorer pour les ayants droit ?

Écoles de proximité : un modèle à explorer pour les ayants droit ?

Alors que les infrastructures scolaires francophones ne répondent pas aux besoins en Saskatchewan, certaines voix appellent même à considérer les écoles de proximité.

21 décembre 2024/Auteur: Hélène Lequitte – IJL-Réseau.Presse/Nombre de vues (9168)/Commentaires (0)/
RSS
1345678910Dernière

 - mardi 17 juin 2025