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Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Quand le plurilinguisme devient un atout pour apprendre le français

Utiliser la langue première des élèves anglophones ou allophones faciliterait l’apprentissage du français, soutiennent des chercheurs. Ces approches plurilingues semblent gagner du terrain au pays et ailleurs dans le monde, mais elles suscitent néanmoins des craintes d’assimilation à l’anglais, langue dominante.

«Les approches plurilingues cherchent à valoriser la diversité linguistique, à reconnaitre la pluralité de la francophonie», explique le professeur agrégé à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, Joël Thibeault.

Enseigner le français en utilisant les connaissances de l’élève dans sa langue d’origine, tel est le principe des approches plurilingues. Autrement dit, il s’agit pour les enseignants et enseignantes d’encourager les jeunes à comparer les langues, à tisser des liens entre elles.

«On pense qu’elles sont isolées les unes des autres, mais dans notre cerveau, elles sont reliées. Quand on est bilingue, on alterne entre le français et l’anglais spontanément, sans réfléchir», observe la professeure agrégée à l’École d’orthophonie de l’Université Laurentienne, à Sudbury, en Ontario, Chantal Mayer-Crittenden.

L’orthophoniste assure que plus un enfant est «conscient du fonctionnement du langage, plus il lui sera facile et rapide d’apprendre plusieurs langues».

«Éducation inclusive»

Pour Joël Thibeault, des échanges ponctuels en classe sur des mots choisis dans un texte sont tout aussi valables que des leçons complètes de grammaire ou de lecture, ciblées carrément sur la comparaison entre plusieurs langues.

«Ça peut être de gros dispositifs comme des clins d’œil. L’idée est toujours d’ouvrir la discussion sur les similitudes et les différences», poursuit-il. Selon lui, il faut miser sur une «éducation inclusive, où tout le monde se reconnait, quelle que soit sa trajectoire linguistique»

En maternelle, les enfants peuvent mettre en parallèle des mots de vocabulaire. À l’élémentaire, ils peuvent comparer les structures syntaxiques des phrases et l’accord de certains mots en genre ou en nombre.

Au secondaire, les enseignants peuvent montrer comment se servir efficacement des outils de traduction. Les adolescents peuvent aussi lire et comprendre un texte dans leur langue maternelle et le résumer dans leur langue seconde.

«Les enseignants n’ont pas à connaitre toutes les langues. Au contraire, ils se décentrent et se fient aux élèves qui deviennent les experts», précise la professeure titulaire à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa, Carole Fleuret.

Étant donné l’augmentation du nombre d’élèves allophones et anglophones, issus de familles ayants droit ou exogames, ces méthodes d’approches plurilingues font leur chemin dans les écoles de langue française en situation minoritaire.

Le programme-cadre de français de l’Ontario de 2023 les mentionne ainsi explicitement pour la première fois.

Un concept qui fait école

Les 12 et 13 avril se tient le Congrès des savoirs en matière de littératie, à Ottawa. Cet évènement réunit des personnes engagées dans le domaine de l’enseignement du français en milieu minoritaire. Il y sera notamment question des approches plurilingues.

Ces approches, ou «translangage» dans les milieux anglo-saxons, sont déjà répandus dans plusieurs pays du monde. Le concept, né au pays de Galles, en Grande-Bretagne, est utilisé dans les écoles basques en Espagne, mais aussi en Belgique et aux États-Unis.

«Développer un rapport positif» au français

«Ce n’est pas encore très répandu dans les salles de classe, mais ça s’en vient, assure Joël Thibeault. Il y a une belle ouverture, en particulier dans les centres urbains où il existe une grande diversité linguistique.»

Alors que le français devient souvent «une langue seconde apprise à l’école», selon Chantal Mayer-Crittenden, les approches plurilingues permettent aux jeunes de «développer un rapport positif» avec cette langue.

«On percevait souvent les enfants qui ne parlaient pas français à la maison comme un fardeau. Il faut changer de perspective et l’aborder comme une richesse», plaide-t-elle.

«Il y a un avantage sur le plan affectif. Ça marche mieux sur le plan de l’intérêt. Les élèves se sentent reconnus dans leur singularité, leurs cultures», abonde dans le même sens Carole Fleuret.

Joël Thibeault croit lui aussi que le français est «vu comme une langue autoritaire, punitive», lorsque les élèves doivent «laisser leur langue première à la porte d’entrée».

Les chercheurs sont conscients des craintes que peuvent susciter ces méthodes dans un contexte minoritaire où les communautés francophones doivent se battre pour leur survie.

«La peur de l’assimilation à l’anglais est complètement normale, mais on ne peut pas faire comme si le phénomène n’existait pas, estime Carole Fleuret. La francophonie devient multilingue et on a besoin des nouveaux arrivants si l’on veut assurer la survie du français.»

Sensibiliser aux enjeux de la francophonie

Chantal Mayer-Crittenden insiste pour sa part sur le besoin d’un cadre bien défini afin que les jeunes prennent conscience de la place particulière du français en situation minoritaire. Parler du manque de services, des rapports de pouvoir entre les langues, il s’agit d’après elle d’autant de façons de garantir l’identité francophone de la nouvelle génération.

«On doit créer des espaces sécuritaires, des moments de la journée où les élèves doivent avoir besoin de parler français», ajoute-t-elle.

«On n’enseigne pas l’anglais, on l’utilise pour que les apprenants comprennent la dynamique du français», appuie Joël Thibeault.

À ses yeux, les approches plurilingues ne menacent pas non plus la construction identitaire des jeunes : «La plupart se considèrent déjà bilingues, ils ne se reconnaitront pas si on leur propose d’adhérer à une représentation monolingue de la francophonie.»

Quelles que soient les peurs du corps enseignant, les chercheurs restent persuadés que si les enfants «amènent leur langue dans la salle de classe, ils parleront plus facilement le français et développeront un sentiment d’appartenance plus grand», selon les mots de Carole Fleuret.

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