Skip Navigation
150 ans Festival Cinergie 2024

Qu'est-ce que la communauté fransaskqueer?

Image
Crédit: Brielle French / Unsplash

Le 18 novembre, la Cité universitaire francophone de Regina organisait une table ronde sur la communauté fransaskqueer, du nom d’un projet d’études sur l’identité et les expériences queer et trans des Fransaskois. Quatre panélistes issus des communautés 2ELGBTQ et fransaskoise ont ainsi débattu d’enjeux identitaires, linguistiques et sociétaux.

La table ronde constituait un premier carrefour d’échanges pour le projet Fransaskqueer, dirigé par Jacq Brasseur, propriétaire d’une entreprise de conseil, et Jérôme Melançon, professeur associé aux études francophones et interculturelles à la Cité.

Jérome Melançon

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina.

Photo : Facebook

L’une des panélistes, Marjorie Beaucage, cinéaste et activiste franco-métisse qui se définit comme indigiqueer, souligne l’importance d’un dialogue ouvert au sujet des identités queer et trans : « Pour la communauté fransaskoise, c’est tout caché, il faut qu’on en parle publiquement, pour le futur des jeunes surtout. »

Marjorie Beaucage renchérit : « Ma mission est de faire une place pour la différence. Il n’y a pas de place pour les Métis ou les queers dans la communauté fransaskoise. Il faut la prendre, sinon personne ne va nous la donner ! »

Il n’y a pas de place pour les Métis ou les queers dans la communauté fransaskoise.

Une langue rassembleuse

Si les panélistes reconnaissent que la langue française les unit, ils déplorent du même souffle qu’il n’est pas facile d’exister en français. Au terme « bispirituel », Marjorie Beaucage préfère le mot cri « tastawiwiniyak » qui signifie « qu’on est sur la diagonale féminin-masculin ». « J’ai une façon d’être dans le monde qui n’est pas la façon dominante, j’ai une autre façon de voir le monde », complète-t-elle.

La question de l’insécurité linguistique est également ressortie des échanges, ce qui a fait dire à certains que la communauté 2ELGBTQ était en quelque sorte « doublement minorisée ».

« Au secondaire, à Regina, je vivais beaucoup d’insécurité linguistique, et j’avais l’impression de toujours porter un masque, c’est plate ! », se rappelle Mackenzy Vida, étudiante et artiste en arts visuels. 

Cette dernière explique que c’est en déménageant à Ottawa qu’elle a fait tomber son masque pour s’exprimer pleinement grâce à des programmes et des espaces pour les personnes queers.

Manquer de mots

Pour Jacq Brasseur, un sentiment de fragmentation de son identité s’ajoute à l’insécurité linguistique ressentie depuis son enfance, de Yellowknife à la Saskatchewan. « Je suis une personne non binaire, je suis entre les deux, je suis autre. En français, j’avais mes propres insécurités linguistiques, on me disait que je n’étais pas assez francophone, et je ne trouvais pas ma place dans la francophonie », témoigne Jacq Brasseur.

Et d’ajouter : « Je dois choisir entre être francophone, une personne ordinaire, une femme, une personne cisgenre, binaire ? Cela revient à séparer mes identités. Je suis intéressante, mais quand je dois me séparer en plusieurs petits morceaux, je n’existe pas complètement. »

La langue est une institution conservatrice pour Jacq Brasseur qui dit devoir inventer son propre vocabulaire : « Les mots pour me décrire n’existent pas en français. Ça existe en anglais, même si c’est un peu bizarre. Je dois utiliser des néologismes, trouver des mots différents pour me décrire. Il n’y a pas de mots pour décrire mon expérience. »

Les mots pour me décrire n’existent pas en français. 

Romain Chareyron, professeur adjoint de français à l’Université de la Saskatchewan, croit quant à lui que les enjeux entourant l’évolution d’un français plus inclusif et non genré sont encore loin de faire l’unanimité.

« On n’a pas les outils pédagogiques pour enseigner les pronoms neutres, par exemple. Je le conçois comme quelque chose de progressif, je commence à l’inclure dans mes cours. J’explique aussi que le français est une langue extrêmement genrée, et que certains pourraient ne pas se reconnaître. La prise de conscience doit être générale, mais ce n’est pas encore le cas », témoigne le professeur.

Le panéliste déplore à cet effet le tollé provoqué par l’inclusion du pronom « iel » dans les grands dictionnaires français, également décriée par le ministre de l’Éducation nationale en France.

Pour Marjorie Beaucage, la langue ne se résume pas aux pronoms ou à la grammaire : « Ce n’est pas une question de grammaire, c’est une question de valeurs ! Comment on parle de notre sexualité, de notre corps. »

Au-delà de la langue

Image
La rencontre, animée par Raphaële Frigon, journaliste à ICI Saskatchewan, a rassemblé une vingtaine de participants.
Crédit : Carlos de Toro / Unsplash

Les panélistes s’entendent toutefois pour dire que la langue est seulement la pointe de l’iceberg et que, si la langue inclusive défraie la chronique, les vrais enjeux, eux, ne sont pas pour autant réglés

« Au-delà des toilettes non genrées et des pronoms, il reste des questions importantes comme la pauvreté et la difficulté de trouver un médecin qui comprend notre réalité », rappelle Jacq Brasseur, précisant que les institutions comme l’église, les médias, les linguistes, ou encore les écoles ont encore beaucoup de chemin à faire en la matière.

De plus, les panélistes encouragent la création de lieux ouverts à l’expression de la « queerness ». Mackenzy Vida voudrait des « lieux sécuritaires, chaleureux et accueillants pour les jeunes franco-queers, surtout dans les écoles ». 

Les choses commencent d’ailleurs à bouger au sein des écoles du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF), comme le précise l’une des participantes en ligne, avec la création de groupes queer et d’ateliers.

L’art a aussi été évoqué comme véhicule de visibilité et d’acceptation. « On pourrait faire plus pour inviter des artistes franco-queers qui sont d’autres modèles pour les jeunes. On est invisibles. Il faut créer des occasions d’être visibles et se valoriser », propose Marjorie Beaucage.

On est invisibles.

Une fierté franco-queer

La fierté semble être un point rassembleur pour tous les panélistes : « Oui, on devrait être fier d’être fransaskois et aussi d’être queer ! », clame Jacq Brasseur. Marjorie Beaucage l’appuie : « Il faut être fier, qu’on soit métis, noir, gay, tout ça ! »

Pour briser le silence et l’homophobie, et instaurer un sentiment d’appartenance, le dialogue est essentiel : « Il faut faire l’effort de partager notre histoire, songe Mackenzy Vida. À l’école, on parlait beaucoup de diversité culturelle, mais pas un mot sur les jeunes queers. »

Pour assurer une plus grande visibilité et ouvrir les portes du placard, les panélistes incitent à l’ouverture et à l’inclusion dans les événements francophones, comme le Rendez-vous fransaskois ou les Rendez-vous de la Francophonie.

« Je ne devrais pas avoir à choisir entre la communauté francophone et queer », ponctue Jacq Brasseur, rappelant que « si le réseau francophone formel a parfois tendance à parler comme des décideurs, il ne faut pas oublier que beaucoup de francophones ne s’impliquent pas dans la communauté ». 

Le projet Fransaskqueer comporte trois volets : une table ronde, un projet de recherche sur les expériences fransaskqueer et un atelier d’inclusion 2ELGBTQ.

Article précédent Éducation francophone : Me Roger Lepage décortique l’article 23
Prochain article Étudier en français sans le parler : le défi des élèves allophones
Imprimer
9423

Estelle Bonetto – IJL-Réseau.Presse Estelle Bonetto

Autres messages par Estelle Bonetto – IJL-Réseau.Presse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x
Omnium de volleyball

Omnium de volleyball

Un projet de l'AJF et du CÉF

C’est sous le signe de la fraternité que s’est déroulé l’Omnium fransaskois de volleyball au centre Henk Ruys à Saskatoon les 8 et 9 octobre derniers.  Quelque 483 élèves des écoles du Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) des quatre coins de la province se sont amusés en y participant.  

16 octobre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (34344)/Commentaires (0)/
Le Lien: Un centre de ressources francophones provincial

Le Lien: Un centre de ressources francophones provincial

Une mine de ressources à une distance de clic

Créé en 1986, le Lien est un centre de ressources culturelles et pédagogiques en français. Il dessert les francophones et francophiles de la Saskatchewan et de l’Ouest canadien. Seul centre francophone de prestation de services, le Lien met gratuitement à la disposition de ses usagers 42 000 titres soit 70 000 ressources sous forme de livres, de films (DVD, VHS), de CDs et propose l’accès à du matériel audiovisuel.

15 octobre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (26135)/Commentaires (0)/
Nicole Lemire:  De Nipawin à Edmonton, en passant par Prince Albert

Nicole Lemire: De Nipawin à Edmonton, en passant par Prince Albert

Chaque année, des milliers d’étudiants en 12e année sont confrontés à la même question : qu’est-ce qu’ils feront après l’obtention de leur diplôme : amorcer des études collégiales ou universitaires, aller directement sur le marché du travail ou prendre une pause d’études?

 

9 octobre 2014/Auteur: Étienne Alary/Nombre de vues (27215)/Commentaires (0)/

Nicole Dupuis, enseignante en école d’immersion à Estevan

Ceux qui choisissent le métier d’enseignant doivent être prêts à aimer leurs élèves, être capables de collaborer avec leurs collègues et prêts à appuyer les parents.

9 octobre 2014/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (30987)/Commentaires (0)/
Yves St-Maurice réélu à la présidence de l’ACELF

Yves St-Maurice réélu à la présidence de l’ACELF

Lors de l’assemblée annuelle tenue à Halifax, le 27 septembre dernier, les membres de l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) ont réélu M. Yves St-Maurice à la présidence de l’association pour un quatrième mandat consécutif. 

9 octobre 2014/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (29976)/Commentaires (0)/
Français pour l’avenir:  Plus de 200 000 $ de bourses à gagner!

Français pour l’avenir: Plus de 200 000 $ de bourses à gagner!

10e édition du Concours national de rédaction

Le français pour l’avenir lance la 10e édition du Concours national de rédaction pour les élèves de la 10e à la 12e année.

2014-12-19 23:00 - 23:30/Auteur: L'Eau vive/Nombre de vues (12922)/Commentaires (0)/
Institut français: Des initiatives pour favoriser la réussite des étudiants

Institut français: Des initiatives pour favoriser la réussite des étudiants

Services de mentorats et tutorats

Depuis le début de l’année universitaire, l’Institut français, sous la supervision de Ariadna Sachdeva, Conseillère et coordonnatrice des programmes crédités et des services aux étudiants, a mis en place un programme de mentorat.

9 octobre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (25673)/Commentaires (0)/
Hausse des inscriptions dans les écoles francophones de l'Ontario et de l'Ouest

Hausse des inscriptions dans les écoles francophones de l'Ontario et de l'Ouest

Les écoles fransaskoises connaissent la deuxième plus forte hausse au pays

La tendance nationale des inscriptions dans les écoles francophones est positive. Mais pas dans toutes les provinces, où se profilent d’importants défis pour l’avenir. Le 24e Congrès de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF) fera le point. 

3 octobre 2014/Auteur: Lucien Chaput (Francopresse)/Nombre de vues (22978)/Commentaires (0)/
Programmation du Collège Mathieu 2014-15

Programmation du Collège Mathieu 2014-15

L'institution fransaskoise s’affirme comme l’un des acteurs majeurs du post-secondaire francophone en Saskatchewan.

Petit à petit, à force de travail et au fil du temps, le Collège Mathieu, sous la direction générale de Francis Kasongo, s’affirme de plus en plus comme l’un des acteurs majeurs, avec l’Institut français, du dossier du post-secondaire francophone en Saskatchewan.

2 octobre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (26238)/Commentaires (0)/
Les choses bougent à l’Institut français

Les choses bougent à l’Institut français

 Deux mois et demi après sa prise de fonction à la direction de l’Institut français, Sophie Bouffard peut déjà se prévaloir d’un bilan honorable.

2 octobre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (27250)/Commentaires (0)/
Êtes-vous business?

Êtes-vous business?

Le sujet de cette première formation d'une série de quatre, animée par le conseiller en développement économique Ildephonse Bigirimana, était l’acquisition d’une franchise. 

2 octobre 2014/Auteur: Marie-Pier Boilard/Nombre de vues (38524)/Commentaires (0)/
Le CÉF et l’Eau Vive font équipe pour soutenir les initiatives des conseils écoles

Le CÉF et l’Eau Vive font équipe pour soutenir les initiatives des conseils écoles

Le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF) et la Coopérative des publications fransaskoises (CPF) lancent une campagne d’aide au financement de projets scolaires par vente d’abonnements au journal l’Eau Vive

2 octobre 2014/Auteur: Conseil des écoles fransaskoises/Nombre de vues (25858)/Commentaires (0)/
L’université francophone ontarienne pour 2025?

L’université francophone ontarienne pour 2025?

Gouverne ontarienne, mission canadienne

Le Sommet provincial des États généraux sur le postsecondaire en Ontario français, du 3 au 5 octobre à Toronto, promet de franchir une étape clé dans la création d’une université franco-ontarienne. Un projet qui dépasserait les frontières provinciales.

28 septembre 2014/Auteur: Louis-Marie Achille (Francopresse)/Nombre de vues (22686)/Commentaires (0)/

Rencontre avec Miles Muri, directeur des écoles Sans-Frontière et Père Mercure

M. Miles Muri travaille pour le Conseil des écoles fransaskoises (CÉF). Il a été directeur de l’École secondaire Collège Mathieu à Gravelbourg puis directeur du Centre d’éducation virtuelle et d’innovation (CÉVI) pendant un an avant de devenir directeur des écoles Père Mercure et Sans-Frontières.

18 septembre 2014/Auteur: Alexandre Daubisse (EV)/Nombre de vues (24000)/Commentaires (0)/
Pour une solution à long terme

Pour une solution à long terme

Le CSF et le jugement de la Cour du banc de la reine

Le 19 août dernier, le juge Brian A. Barrington-Foote de la Cour du Banc de la Reine a ordonné au gouvernement de la Saskatchewan de payer la somme de 500 000 $ au Conseil scolaire fransaskois (CSF) qui réclamait 5,2 M $.

18 septembre 2014/Auteur: Jean-Pierre Picard/Nombre de vues (25099)/Commentaires (0)/
RSS
Première2223242527293031Dernière

 - dimanche 28 avril 2024