Skip Navigation
Bon 36366
Tombes sans sépulture : le travail continue

Tombes sans sépulture : le travail continue

FRANCOPRESSE – Un peu plus d’un an s’est écoulé depuis l’annonce des premières découvertes de centaines de tombes sans sépulture près des sites d’anciens pensionnats autochtones. Les communautés de Tk'emlúps te Secwépemc et de Cowessess continuent leurs efforts pour identifier les enfants qui sont décédés dans les pensionnats de Kamloops en Colombie-Britannique et de Marieval en Saskatchewan et pour trouver les sites où ils pourraient être enterrés.

Avertissement – contenu sensible et potentiellement bouleversant

Depuis la vague de stupéfaction de l’été 2021, ce travail continue à l’abri du regard du public. Les communautés peuvent ainsi se concentrer sur leurs efforts, ainsi que sur leur guérison. 

Pour y arriver, elles utilisent avant tout le géoradar (ou radar à pénétration de sol) pour découvrir des anomalies qui indiquent la présence probable de tombes, mais elles ont également recours à plusieurs autres technologies là où le géoradar ne convient pas au terrain.

Plusieurs nations ont ainsi pu faire leurs propres découvertes, comme la Première Nation de Keeseekoose en Saskatchewan en février, la Première Nation George Gordon dans la même province en avril et la Nation crie de Saddle Lake en Alberta en mai, où des restes humains ont parfois été déterrés par hasard depuis 2004. 

Ce printemps, plusieurs communautés au Manitoba ont lancé leurs propres recherches. Or, plusieurs sites se trouvent sur des terrains privés, ce qui complique ou empêche carrément les recherches.

À Regina, où des démarches sont en cours depuis plusieurs années, l’utilisation du géoradar a permis de préciser le nombre de tombes présentes dans le cimetière de l’ancienne École industrielle autochtone. Des sépultures ont été installées pour marquer leur emplacement.

Une réponse partielle du gouvernement fédéral

Les réponses des institutions responsables du système des pensionnats n’ont pas tardé à venir dès le mois d’aout 2021. Le gouvernement fédéral a annoncé l’octroi de fonds pour mener les recherches nécessaires. Ce financement s’inscrit dans le sillage des appels à l’action 74 à 76 de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada. 

Au début du mois de juin 2022, Ottawa a nommé une interlocutrice spéciale pour assurer le lien entre le gouvernement et les communautés menant leurs recherches autour des pensionnats.

Puis, le lendemain de la Journée nationale des peuples autochtones, un projet de loi proposant la création du Conseil national de réconciliation a été déposé à la Chambre des communes.

Cette réaction relativement rapide à l’annonce des découvertes suit plusieurs années d’inaction et de résistance passive aux appels à l’action de la CVR, qui pour la plupart n’ont pas encore eu de suite. 

La sociologue Eva Jewell qui est Anishinaabekwe, et l’historien allochtone Ian Mosby ont calculé qu’en décembre 2021, seulement 11 des 94 appels à l’action avaient mené à des résultats.

Et les résultats varieront en fonction de la manière de donner suite aux appels à l’action. Par exemple, plusieurs, dont celle de l’archéologue métisse, papaschase et britannique Kisha Supernant, conseillent aux équipes de recherche sur les pensionnats de se méfier des nombreuses compagnies qui les inondent de propositions de service depuis l’annonce du financement pour les recherches archéologiques.

La plupart de ces compagnies n’ont pas véritablement l’expertise pour faire le genre de travail requis et exigent souvent des frais trop élevés. Il existe un véritable danger d’exploitation, ainsi que de résultats faussés par un manque de rigueur.

Approfondir les recherches

Les recherches archéologiques grâce au géoradar et à d’autres technologies ont toutefois leurs limites. Certes, elles ont permis aux survivant·es des pensionnats d’être entendu·es et cru·es, mais les véritables réponses ne viendront pas de ces technologies.

Avant tout, la plupart des communautés tiennent à ne pas déranger les corps ensevelis. Au contraire, elles désirent les laisser reposer en paix. Les recherches au géoradar doivent par ailleurs nécessairement se concentrer sur les cimetières connus. 

La majorité des enfants morts dans les pensionnats ont été victimes d’épidémie et de maladies liées à la malnutrition. Ces enfants auraient été enterrés au cimetière, même si plusieurs parents n’en ont jamais été avisés. 

Notons aussi, comme le fait Cadmus Delorme, chef de la Première Nation de Cowessess, que plusieurs cimetières étaient liés à la paroisse et ne servaient pas seulement au pensionnat.

Mais les enfants décédés à cause des abus et de la violence qui sévissaient dans les pensionnats ont souvent été enterrés ailleurs, loin des regards.

Les survivant·es connaissent ces histoires, et les équipes de recherche de leurs communautés tentent de réunir des témoignages pour trouver tous les sites à fouiller.

Pour connaitre l’histoire et apprendre le nom des enfants disparus et morts après avoir été forcés de fréquenter les pensionnats, il faudra mener un important travail de recherche dans les archives. Le gouvernement et l’Église, qui étaient responsables des pensionnats, ont longtemps résisté à autoriser la consultation de leurs archives. 

Maintenant, les Oblats et d’autres ordres religieux qui ont participé au système des pensionnats commencent à ouvrir leurs archives… mais seulement en français.

Or, la numérisation et la traduction de ces documents constituent un enjeu important, et pour l’instant le cout en revient aux communautés autochtones, qui doivent maintenant en quelque sorte payer pour avoir accès à leur propre histoire.

La réponse limitée de l’Église catholique

Le travail effectué donne du poids aux revendications des groupes de survivant·es et des organismes autochtones. 

En réaction, l’Église catholique a ouvert en partie ses archives et le pape François a récemment présenté des excuses aux survivant·es des pensionnats.

Toutefois, ces excuses ne reconnaissent que les abus perpétrés par certains individus et non la nature structurelle de la violence dans les pensionnats ou la participation au colonialisme et au génocide. Plusieurs espèrent maintenant de véritables excuses lors du voyage du Pape au Canada à la fin juillet.

Au passage, rappelons que 60 % des pensionnats étaient gérés par l’Église catholique et que la plus grande part d’entre eux étaient administrés par des Canadiens français ou des Français. 

Loin d’être isolés du reste du monde, les hommes et femmes qui travaillaient dans les pensionnats étaient en lien avec les autres institutions catholiques, comme les hôpitaux, ainsi qu’avec les communautés franco-canadiennes aux environs des pensionnats. 

Les architectes du système des pensionnats, comme l’évêque Grandin, le père Lacombe ou encore l’archevêque Taché, sont de ceux qui ont contribué à prendre le contrôle des terres autochtones pour permettre aux communautés francophones de s’y implanter.

L’importance de continuer les recherches

Étant donné le négationnisme au sujet des pensionnats, qui consiste à nier ou minimiser la réalité et l’incidence de ces établissements, il demeure important de continuer le travail de documentation. 

Les recherches en cours sont une manière de souligner l’importance des vies autochtones. Il s’agit de redonner aux enfants autochtones le respect qui leur a été refusé tant dans la vie que dans la mort. Et par là, tout ce travail témoigne également d’un respect pour les survivant·es, pour les communautés affectées par le traumatisme historique et intergénérationnel. 

Par-dessus tout, il faut espérer que le respect des enfants décédés se traduise par le respect des enfants qui vivent aujourd’hui et qui continuent d’être victimes de traitements discriminatoires et de violence systémique mettant leur vie en danger.

Note : L’auteur de la présente chronique collabore avec la Première Nation de Cowessess pour traduire les documents d’archives du français vers l’anglais.

Jérôme Melançon est professeur agrégé en études francophones et interculturelles ainsi qu’en philosophie à l’Université de Regina. Ses recherches portent notamment sur la réconciliation, l’autochtonisation des universités et les relations entre peuples autochtones et non autochtones, sur les communautés francophones en situation minoritaire et plus largement sur les problèmes liés à la coexistence. Il est l’auteur et le directeur de nombreux travaux sur le philosophe Maurice Merleau-Ponty, dont «La politique dans l’adversité. Merleau-Ponty aux marges de la philosophie» (MetisPresses, 2018).

Imprimer
3672

Jérôme Melançon, chroniqueur – FrancopresseJérôme Melançon

Autres messages par Jérôme Melançon, chroniqueur – Francopresse
Contacter l'auteur

Contacter l'auteur

x

La bataille de l’éducation

Un des sujets quasiment tabous de la présente campagne électorale est l’enjeu des langues officielles. Probablement qu’il s’agit d’un terrain au moins aussi miné que celui du niqab.
14 octobre 2015/Auteur: Michel Vézina/Nombre de vues (30537)/Commentaires (0)/
Moins d'élèves dans les écoles fransaskoises

Moins d'élèves dans les écoles fransaskoises

Entrevue avec André Denis, président du Conseil scolaire fransaskois

REGINA - Depuis la rentrée, les écoles fransaskoises ont enregistré plusieurs dizaines d’inscrits en moins par rapport à l’an dernier. Le président du Conseil scolaire fransaskois (CSF), André Denis, se dit inquiet mais veut attendre d’en savoir plus.

14 octobre 2015/Auteur: Propos recueillis par Sébastien Németh/Nombre de vues (33954)/Commentaires (0)/
Le Collège Mathieu commence l’année en bonne santé

Le Collège Mathieu commence l’année en bonne santé

Des nouveautés dévoilées à l'Assemblée générale annuelle

GRAVELBOURG - Le Collège Mathieu a tenu, le 2 octobre dernier, son Assemblée générale à Gravelbourg. Les sujets d’ordre financier, la création de nouveaux partenariats et aussi de nouvelles techniques étaient à l’ordre du jour.

8 octobre 2015/Auteur: Gary Ouellette (EV)/Nombre de vues (25919)/Commentaires (0)/
Des parents chargent à nouveau le Conseil scolaire

Des parents chargent à nouveau le Conseil scolaire

REGINA - Moins de six semaines après une Assemblée générale extraordinaire plutôt houleuse, le Conseil scolaire fransaskois (CSF) est de nouveau attaqué.

8 octobre 2015/Auteur: Sébastien Németh (EV)/Nombre de vues (27594)/Commentaires (0)/
Formation pour les animatrices de groupes de jeux

Formation pour les animatrices de groupes de jeux

SASKATOON - L’Association des parents fransaskois (APF) et le Collège Mathieu ont offert aux animatrices de groupes de jeux de toute la province une formation gratuite le samedi 26 septembre dans

1 octobre 2015/Auteur: Sandra Hassan Farah (EV)/Nombre de vues (23346)/Commentaires (0)/
Nouvelle classe portative livrée à l’école Boréale

Nouvelle classe portative livrée à l’école Boréale

Mardi 15 septembre, une classe portative a été livrée à l’école Boréale de Ponteix. Un équipement qui devrait apporter davantage de confort pour les élèves et les enseignants. 

24 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh (EV)/Nombre de vues (37063)/Commentaires (0)/

Enseignement portatif

À l’école Boréale de Ponteix, on n’aura plus besoin d’étudier ou de travailler dans la cuisine. Une nouvelle classe portative vient d’arriver. 

24 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh/Nombre de vues (29708)/Commentaires (0)/
Les demandes de services sont en hausse, mais pas les budgets

Les demandes de services sont en hausse, mais pas les budgets

Rencontre avec Frédérique Baudemont, directrice de l'Association des parents fransaskois

SASKATOON - Arrivée à la direction de l’Association des parents fransaskois (APF) au début du mois, Frédérique Baudemont nous donne les orientations de l’organisme en cette nouvelle année scolaire qui commence pour les élèves et les parents.

17 septembre 2015/Auteur: Alexandra Drame (EV)/Nombre de vues (26339)/Commentaires (0)/
AGE du CSF: trois heures d'échanges difficiles

AGE du CSF: trois heures d'échanges difficiles

Très attendue, l’Assemblée générale extraordinaire du Conseil scolaire fransaskois (CSF) n’a pas répondu aux attentes. La réunion provoquée par un groupe de parents d’élèves, devait évoquer les questions sensibles des finances et de l’abandon des recours en justice.

3 septembre 2015/Auteur: Jean-Pierre Picard (EV)/Nombre de vues (35614)/Commentaires (0)/
Une Fransaskoise à la tête de l'école Père Mercure

Une Fransaskoise à la tête de l'école Père Mercure

NORTH BATTLEFORD - Julie Lemire, ancienne enseignante, prend les rênes de l’école Père Mercure, à North Battleford.

3 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh (EV)/Nombre de vues (36765)/Commentaires (0)/
Luc Handfield, nouveau directeur adjoint de l’éducation au CÉF

Luc Handfield, nouveau directeur adjoint de l’éducation au CÉF

Un expert de l’éducation minoritaire rejoint le CEF

D’origine québécoise, Luc Handfield est le nouveau directeur adjoint de l’éducation au Conseil des écoles fransaskoises.
3 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh (EV)/Nombre de vues (35254)/Commentaires (0)/
Système anglo, franco ou immersion?

Système anglo, franco ou immersion?

Alors que des centaines de familles sont en pleine rentrée des classes depuis mardi dernier, des parents francophones et anglophones ont choisi d’inscrire leurs enfants dans l’autre système linguistique. Témoignages.

3 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh (EV)/Nombre de vues (34368)/Commentaires (0)/
Thérapie de couple

Thérapie de couple

Réflexion autour de l'AGE du Conseil scolaire fransaskois

 Difficile d’entamer une rentrée scolaire après une Assemblée générale extraordinaire demandée par des parents en colère et inquiets.
3 septembre 2015/Auteur: Sébastien Németh/Nombre de vues (30840)/Commentaires (0)/
Fréquentation toujours en hausse à l’école Valois

Fréquentation toujours en hausse à l’école Valois

PRINCE ALBERT - Comme toutes les écoles de Prince Albert, la cloche de l’école Valois a retenti pour la première fois depuis 2 mois.

3 septembre 2015/Auteur: Sandra Hassan Farah (EV)/Nombre de vues (31097)/Commentaires (0)/
La Cité universitaire francophone officiellement lancée

La Cité universitaire francophone officiellement lancée

REGINA - La Cité universitaire francophone (CUF) a été inaugurée le 1er septembre 2015 devant un parterre de personnalités issues de la communauté, du monde académique et politique. La nouvelle entité a pour mission de promouvoir l’enseignement en français.


2 septembre 2015/Auteur: Émilie Dessureault-Paquette (EV)/Nombre de vues (28615)/Commentaires (0)/
RSS
Première1415161719212223Dernière

 - dimanche 2 juin 2024