Un gouvernement libéral « fédéraliste » majoritaire au Québec. Un « non merci » sans équivoque à un éventuel référendum sur la souveraineté. Sommes-nous à l’aube de la post-souveraineté et de la renaissance d’une francophonie pancanadienne ?
Pour Françoise Enguehard, impliquée dans le milieu communautaire francophone à Terre-Neuve et Labrador depuis 30 ans, l’élection d’un gouvernement libéral au Québec est une bonne nouvelle pour les Acadiens et les francophones hors Québec. « Les Québécois ont choisi les yeux ouverts, ils ont indiqué clairement que la souveraineté n’était plus une discussion à avoir. »
« Je suis rassurée, poursuit l’auteure terre-neuvienne. Nous pourrons reprendre les choses que nous avions commencées lorsque Benoît Pelletier était ministre [de 2003 à 2008]. Pas besoin de réexpliquer qui nous sommes, ce que sont les Acadiens. »
Son de cloche semblable, côté du Pacifique. D’après Rémi Léger, professeur de science politique à l’Université Simon Fraser, l’élection du gouvernement de Philippe Couillard « a été vue comme une bonne nouvelle par les francophones hors Québec. Ça va de soi. »
Cela dit, « Lorsque le Parti québécois était au pouvoir durant les années 1990, il a fait de bonnes choses pour les francophones hors Québec. Le Parti libéral a fait de bonnes choses. Mais après Benoît Pelletier, un peu moins. Trop souvent, ça dépend de la personnalité du ministre en poste.
« Philippe Couillard est le premier ministre québécois le plus fédéraliste depuis Daniel Johnson, père, évalue Rémi Léger. Il a une vision très canadienne. Mais il faudra quand même lui rappeler qu’on est là.
« Généralement, souligne Rémi Léger, lorsqu’au Canada on parle de langue française, de francophones, c’est du Québec dont on parle. On mentionne qu’il y a des francophones dans les autres provinces et territoires, que les enjeux sont différents. On espère qu’on n’aura plus besoin de le mentionner, en note de bas de page, qu’on ne parle pas uniquement des enjeux liés au Québec.
« Si on veut faire partie d’un projet commun, ajoute le politicologue, il faut trouver un terrain d’entente. Avec la Révolution tranquille, les francophones du Québec sont devenus Québécois et les francophones à l’extérieur du Québec, des Canadiens bilingues. Ce n’est pas évident de convaincre nos jeunes de s’y retrouver. Le Québec, c’est très loin de Vancouver, ça ne fait pas partie de leur réalité. »
Jeanne d’Arc Gaudet, présidente de la Société de l’Acadie au Nouveau-Brunswick (SANB), offre sa perspective. « Chez nous, on regarde un peu beaucoup à ce qui se passe au Québec. On a toujours entretenu de bonnes relations avec le Québec. Qui ici n’a pas de famille au Québec. De plus, il y a la diaspora acadienne au Québec. On prend les Québécois plus comme des amis que des petits cousins.
« La rupture du Canada français durant les années 1960, estime la présidente, ça a été une expérience douloureuse pour les francophones hors Québec et les Acadiens. En même temps, ça nous a forcés à nous prendre en mains, à faire ce qu’il fallait faire.
« La réalité du Québec, estime-t-elle, ce n’est pas la nôtre, mais on la comprend. Le Québec a son territoire, nous on n’a pas de province acadienne. Au Nouveau-Brunswick, on a une masse critique, ce qui n’est pas la réalité dans d’autres provinces.
« Malgré cela, croit Jeanne d’Arc Gaudet, les communautés acadiennes et francophones hors Québec se sont données des modalités pour pouvoir travailler ensemble. La diversité, c’est une force, parce qu’on est plus fort lorsqu’on n’est pas seul. On a besoin du Québec et je pense que le Québec a besoin de nous. »
Dans un billet publié dans l’Acadie Nouvelle du 25 avril, Françoise Enguehard souligne l’importance de l’ajout de la « francophonie canadienne » au titre du nouveau ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, Jean-Marc Fournier.
« Beaucoup de gens considéreront sans doute ce geste comme symbolique sans plus, écrit-elle. Mais, à mon sens, il y a là un signe précis du désir de ce nouveau gouvernement de travailler avec nous. Rien n’obligeait en fait le premier ministre à ajouter cette mention, autre que le désir d’annoncer haut et fort son point de vue sur la question. »
Autre geste allant dans le même sens? Le 30 avril dernier, Jean-Marc Fournier a indiqué lors d’un point de presse qu’il comptait soulever la question des compressions annoncées par Radio-Canada avec la ministre du Patrimoine canadien, Shelly Glover.
« Lorsqu'on regarde les conséquences pour le Québec, elles sont apparentes, a déclaré le ministre. Mais c'est bien pire pour les 2,5 millions de francophones qui sont à l'extérieur du Québec, pour qui Radio-Canada est dans le fond le seul filet de communication en français. »